sexta-feira, 13 de março de 2009

1898, 15 de Fevereiro - Le Magasin Pittoresque

LE MAGASIN PITTORESQUE
2e. Série
66e Année
T. XVI
Pag, 60, 61
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LA PHOTOGRAPHIE DANS L'ART

Parmi les inventions de ce siècle les plus fécondes en résultats, la photographie tient une des premières places. Ce rayon de soleil rendu captif a transformé bien des industries. Quel a été, quel sera dans l'avenir, le rôle de la photographie dans l'art?

Étude de Lion

Ce rôle, nous le savons, est nié par beaucoup d'artistes, et par ceux surtout qui se servent le plus de ce moyen mécanique, mais cependant, à mesure que les procédés se perfectionnent, l'épreuve photographique est appelée tous les jours davantage au secours de l'artiste, soit comme modèle à copier servilement, soit comme préparation du travail, soit enfin comme document à consulter.
De ces services rendus par la photographie, les deux premiers, surtout, ne sont pas sans soulever de sérieuses critiques.
L'objectif photographique est un appareil beaucoup plus perfectionné que notre œil; il donne les images plus nettes, plus isolées de l’atmosphère ambiante, il arrête le mouvement instantanément, et le fixe; il en résulte qu'une épreuvre photographique ne nous représente pas une image telle que nous l'avons vue; tout le monde, par exemple, connaît ces étonnantes épreuves décomposant le galop du cheval, et qui nous ont révélé sur la position des jambes, aux divers temps de ce galop, des détails tout à fait inconnus; eh hien, ces épreuves nous ont valu, de la part de certains artistes, des séries désolantes de chevaux galopant d'une manière bizarre, avec des mouvements de bêtes de l'Apocalypse; jamais personne, eux moins que tous autres, n'avaient vu les chevaux courir ainsi, mais triomphalement ils s'écriaient:
- Quoi que vous en pensiez, ce mouvement est exact, puisque la photographie, à défaut de votre œil, l'a saisi au vol.
Et pourtant la plupart de ces copies d'après photographies vous donnent le vertige, ou vous exaspèrent comme un non sens!
Les autres copies de figure, académie, paysages, participent. dans une proportion moindre, il est vrai, des mêmes inconvénients.
Voulez - vous copier un portrait? La photographie, selon les circonstances de la pose, efface les traits ou en exagère les rapports ; s'agit-il du nu ? les contours sont secs, les chairs sans vie; quant au paysage, il est déformé par la différence des plans; tout le monde sait que l'objet le plus rapproché de l'objectif se trouve démesurément augmenté en comparaison de ceux qui entrent dans le plan le plus éloigné. La photographie perd ainsi son principal avantage, qui serait de représenter la vérité absolue, exempte de toute fantaisie, de toute aberralion de l'œil; en ce qui concerne surtout le paysage, loin d'atténuer ces défauts, elle les cxagére. Donc, il est interdit à l'artiste vraiment digne de ce nom, de copier la photographie, sous peine de mettre sous nos yeux un dessin qui ne nous donnera pas l'illusion parfaite des choses.
Il convient encore de ne pas perdre de vue ce principe fondamental de l'art, à savoir que, l'être représenté doit avoir une personnalité propre, provoquer en nous un sentiment, faire vibrer en nous l'âme, l'imagination, la sensibilité. L'artiste aura-t-il à représenter un lion ? Nous n'aurons pas besoin de compter les poils de la crinière et des moustaches, mais nous devrons nous sentir en présence du roi de la création, du symbole de la force, de la noblesse, de la fierté; la photographie ne nous donne rien de tout cela: c'est un lion, tout bêtement, qu'on nous passe le mot, car combien en trouve-t-on parmi ces rois de la création, dont la physionomie est laide et banale? Tandis que les Assyriens, avec des représentations très imparfaites, nous ont donné des lions d'une admirable puissance de rendu. De même, le portrait sera froid, et on ne sentira pas derrière le masque, la pensée, la vie du modèle, dont les maîtres savent

Effet de soir en mer


si bien saisir les fugitives manifestations.
Mais où l'épreuve peut rendre des services, c'est dans l'indication des détails, à titre de document; l'artiste qui aura fixé sur le papier ou sur la toile les grandes lignes de son œuvre, pourra sans inconvénient recourir à l'épreuve photographique pour obtenir des indications que son œil ou sa mémoire ne lui fournirait pas. Par exemple, celui qui aura vu sur mer le curieux effet de nuages et de lumière que nous donnons ci-contre, aurait eu peine à en saisir tous les détails pendant le peu de temps qu'il a duré; la photographie lui en fournit les moyens; dans mille autres circonstances analogues, l'appareil instantané et fidèle pourra étre appelé utilement au secours du peintre.
Si, pour conclure, nous devions prendre parti et décider quelle est la part qui peut revenir à la photographie dans le dessin ou la peinture, nous n’hésiterions pas à dire que le mieux, pour ceux qui ont conscience de leur mission, est de la laisser au pholographe professionnel, car si elle est quelque fois utile aux artistes, elle ne peut être que nuisible à l'art.
Gaston Cerfberr.

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