segunda-feira, 6 de abril de 2009

1868 - LE MAGASIN PITTORESQUE

1868
Agosto
LE MAGASIN PITTORESQUE
T. XXXVI
Pag. 250, 251, 25
*
DAGUERRE

C’est en vain que le lecteur chercherait dans Paris la maison que reproduit notre gravure. Nous-même avons voulu faire un pieux pèlerinage vers cette demeure d’où sortit l’une des plus merveilleuses inventions de ce siècle, et nous trouvé à la place ...une caserne. Mais s’il est vrai qu’on éprouve un sentiment pénible àvoir chaque jour disparaître quelqu’un de ces souvenirs qui sont la vraie parure d’une grande cité, nous espérons que l’on nous saura gré de retracer ici l’aspect de cette maison aujourd’hui détruite, et de consacrer quelques lignes à la mémoire de l’homme celébre qui l’habita.
Né, en 1787, à Cormeilles en Parisis (Seine-et-Oise), Louis-Jacques-Mandé Daguerre fut d’abord employé dans l’administration des contributions indirectes. Sa nature ardente et passionnée ne put se plier longtemps à la vie calme et quelque peu routinière des bureaux. Aussi, entrainé par une vocation décidée pour les arts, quitta-t-il bientôt ses ses fontions pour se livrer à l’étude de la peinture et entrer dans l’atelier de Degotti, décorateur de l’Opéra. L’art du décorateur était alors trés-arriéré ; Daguerre y apporta de notables perfectionnements. Le premier, il sut ajouter le prestige des effets de lumière à celui des couleurs, et bon nombre d’œuvres dramatiques de cette époque lui durent une part de leur succès.
A son remarquable talent de peintre, Daguerre en joignait un autre qui le faisait beaucoup rechercher dans la société parisienne: c’était un danseur trés-admiré et trés-applaudi àune époque ou la danse des salons était un art difficile. Il avait même appris la danse de corde, « et il était arrivé à un tel degré d’agalité et d’aplomb, qu’à l’exemple du comte d’Artois (depuis Charles X), lequel faisait assaut avec le fameux Navarin, Daguerre pouvait, sans désavantage, lutter publiquement avec l’incomparable Furioso. » (Et. Arago.) Mais ces succès et ces triomphes, dont « il jouissait avec plus de laisser aller que de fatuité « ne pouvaient suffire à un génie aussi actif et aussi entreprenant que le sien. Appelé àaider P. Prévost, auteur de divers panoramas, Daguerre, toujours dominé par ce besoin de la perfection qui était l’un des caractères de son esprit, chercha à augmenter l’effet de ce spectacle et à en rendre l’illusion plus parfaite. C’est ainsi qu’il fut conduit à imaginer le Diorama, spectacle vrairment magique, dans lequel l’habile combinaison de la peinture et de l’éclairage produit sur le spectateur une saisissante illusion. Associé avec le peintre Bouton, il fit construire, dans les terrains de l’hôtel Samson, un vaste édifice où, de 1822 à 1839, la foule se porta pour admirer des tableaux dont la plupart étaient de véritables chefs-d’œuvre.
C’est au moment de la plus grande vogue de son Diorama que ce travailleur infatigable, rêvant une gloire plus haute, mit la première main á de difficiles recherches dont le succès merveilleux devait effacer le souvenir deses premiers travaux. Frappé d’admiration àla vue des ravissantes images de la chambre noire, Daguerre s’était souvent préoccupé du désir de fixer ces délicieux mais fugitifs tableaux. Avait-il, avant 1826, réussi dans ses tentatives et obtenu un commencement de succès, c’est ce qu’il serait difficile de décider avec certitude. Toujours est-il qu’à cette époque il entendit parler de Nicéphore Niépce, qui s’occupait des mêmes recherches dequis 1814.
Il se mit aussitôt en relation avec lui, et lui fit des propositions qui, accueillies d’abord avec une grande défiance (1) ([i]), aboutirent enfin à la signature d’un traité provisoire d’association (14 décembre 1829). La teneur de ce document permet de supposer que le directeur du Diorama n’apportait guére à la société que son talent, tandis que Niépce était déjà en possession d’un procédé qui, tout imparfait qu’il fût encore, aalit néanmoins donné des résultats assez satisfaisants. Quoi qu’il et soit, les idées de Niépce ne tardèrent pas devenir fécondes entre les mains habiles de Daguerre. A peine maître des procédés « héliographiques » de son associé, il s’enferma dans son laboratoire du Diorama, en interdit rigoureusement l’accès, et n’en sortit plus guère que lorsqu’il eut atteint le but de ses efforts.
Cette réclusion, cette poursuite opiniâtre d’un objet presque chimérique, inspirèrent à ses amis quelques craintes pour sa raison. Dans un discours prononcé à la Société d’encouragement (6 avril 1864), M. Dumas raconte qu’il reçut, à cette époque, la visite d’un ami de la famille qui venait le consulter « sur ses allures étranqes. Que penser, lui demandait-on, d’un artiste habile, abandonnant ses pinceaux et poursuivant cette idée insensée de fixer sur le papier, sous une forme matérielle et durable, ce spectre insaisissable, ce rien ? « Quinze années s’écoulèrent ainsi, « quinze ans d’essais inutiles et ruineux, de tentatives trompées !... Daguerre, ajoute encore M. Dumas, Daguerre, dont le sentiment artistique délicat avait tant de peine à se tenir pour satisfait, et qu’une éducation scientifique insuffisante livrait à tous les hasards des tâtonnements incertains, voyait tour à tour se rapprocher ou s’éloigner le but de ses espérances, se réaliser ou s’anéantir l’objet de sa poursuite infatigable … Il se demandait, tantôt s’il n’était pas attiré par le mirage d’une vaine chimére, tantôt si, au jour du succés, il ne se trouverait pas en face d’un spoliateur. »
Telle était à cet égard sa défiance bien naturelle ; qu’il changeait à chaque instant de fournisseur, et même il ne manquait pas, en achetant les produits chimiques dont il avait besoin, d’acheter en même temps quelques substances absolument inutiles, destinées à détourner l’attention. La nature même de ses essais l’obligeait souvent à opérer dans la rue ou en plein champ ; « tout lui faisait ombrage alors : le passant, parce qu’il. Avait l’air trop indifférent ; celui qui s’arrêtait, parce qui’il avait l’air trop curieux ; celui qui se tenait éloigné, parce que sa réserve n’était pas naturelle. » Telle fut la vie troublée que mena Daguerre pendant quinze ans ; mais, il fauit le dire, jamais efforts ne furent mieux récompensés.
Daguerre se borna d’abord à perfectionner la méthode de Niépce, que nous demandons la permission de rappeler en quelques mots. On couvre, par tamponnement, une feuille de plaqué d’argent, d’un vernis formé de bitume de Judée dissous dans l’huile essentielle de lavande. Ce bitume éprouve, sous l’influence de la lumiére, une modification assez mystérieuse par suite de laquelle il devient insoluble. Si donc on place dans la chambre obscure une plaque ainsi préparée, et qu’après une exposition suffisamment prolongée on la lave dans l’essence de lavande, les parties du vernis frappées par la lumiére resteront inaltérées sur la planche, tandis que celles qui n’ont point reçu cette influence seront entraînées par le dissolvant. On donnera ainsi naissance à une image ains laquelle les clair seront représentés par l’enduit bitumineux blanchâtre, et les noirs par les parties miroitantes de la plaque, débarrassées de tout enduit.
Daguerre substitua au bitume de Judée le résidu que laisse la distillation de l’huile de lavande ; ce résidu, dissous dans l’alcool ou dans l’éther, était versé sur la plaqe, maintenue dans une position horizontale, et y laissait, par l’évaporation, un enduit uniforme. En second lieu, il remplaça le lavage dans l’essence de lavande par une exposition de la plaque aux vapeurs d’une huile essentielle légèrement chauffée.
La vapeur de cette huile pénétrait les portions de l’enduit que la lumière n’avait pas touchées, et les rendait d’autant plus transparentes que l’éclairement avait été moins vif. Au contraire, les parties éclairées, restaient intactes, pourvu que l’influence des vapeurs ne ut pas prolongée pendant trop longtemps. Au fond, c’était encore la méthode de Niépce ; mais l’application en était rendue plus facile et le succés plus assuré. Daguerre obtenait, par ce procédé, qui prit le nom de méthode Niépce pefectionnée, plus d’éclat, plus de variété dans les tons et une reproduction plus parfaite des demi-teintes.
Néanmoins, ces enduits bitumineux présentent deux inconvénients principaux : le premier, c’est l’estréme lenteur avec laquelle ils se modifient sous l’influence de la lumière ; plusieurs heures d’exposition sont nécessaires pour la production des images. De plus, le dépôt pulvérulent qui représente les clairs est sensiblement coloré, en sorte qu’il y a peu d’opposition entre les lumières et les ombres, et que les épreuves sont dépourvues de vigueur.
Ce fait avait frappé Niépce, qui avait essayé de renforcer les noirs en soumettant la plaque à divers agents chimiques. Entre autres substances, il avait expérimenté l’iode, mais il y avait promptement renoncé ; cet agent était d’ailleurs assez mal choisi, puisqu’il transforme la couche superficielle de l’argent en un iodure qui n’est pas noir, mais jaune d’or, et qui s’altère très-promptement à la lumière.
Daguerre répéta ces expériences avec aussi peu de succès, lorsqu’un heureux hasard, un de ces hasards dont les esprits supérieurs savent seuls profiter, le mit sur la voie de la réussite. Une cuiller oubliée sur une plaque iodurée y laissa son empreinte : ce fut une révélation. Abandonnant dès lors tous les enduits bitumineux, Daguerrè s’attacha à l’emploi de l’iodure d’argent, substance infiniment plus impressionnable à la lumière et d’an maniement plus facile. Mais la plaque iodurée, après son exposition dans la chambre noire ne présente aucune altération visible ; l’image y est pour ainsi dire latente ; il faut la faire apparaître ail moyen d’un agent révélateur. Daguerre découvrit, et c’est là le point capital de son invention, que si l’on place une plaque iodurée au-dessus d’un rase rempli de mercure chauffé, la vapeur métallique ne se dépose que sur les points que la lumière a touchés, et qu’elle s’y attache en quantité d’autant plus grande que la lumière a été vive. Sur cette plaque, qui, au sortir de la chambre noire, ne présente encore qu’une teinte jaune uniforme, on voit l’image se développer comme par enchantement ; on dirait « qu’un pinceau de la plus estrême délicatesse sa marquer du ton convenable chaque partie de la plaque. « (Arago.)
Nous n’entrerons pas ici dans plus de détails sur le procédé de Daguerre, qui a été exposé, peu de temps après sa publication, dans l’un des volumes du Magasin pittoresque (1839, p. 374). Nous rappellerons seulement que pour fixer l’épreuve, c’est-à-dire pour la mettre à l’abri de l’action ultérieure de la lumière, on la 1ave dans une dissolution d’hyposulfite de soude et ensuite dans l’eau chaude.

Niépce n’avait pas assez vécu pour voir se réaliser cet objet de tous ses efforts ; il était mort en 1833, mais l’acte d’association avait été renouvelé entre son fils et Daguerre. D’un commun accord, les deux associés cédérent leur secret à l’Etat, et, sur le rapport d’Arago, une loi fut votée (juillet 1839), qui accordait à Daguerre une rente de 6 000 francs, et a Isidore Niépce une rente de 4 000 francs, moins à titre de rémunération que comme récompense nationale. Peu de temps auparavant, Daguerre avait vu l’incendie réduire en cendres le Diorama, théàtre de ses premiers succès. Il vécut dès lors clans la retraite, et mourut à Petit-Bry-sur-Marne, le 12 juillet 1851. La Société libre des beaux-arts a élevé un monument à sa mémoire dans le cimetière de cette commune.
On a contesté à Daguerre l’invention du procédé qui porte son nom ; après avoir laissédlans l’ombre le nom de Niépce, on à voulu lui rendre la place qui lui est due, et la juste réaction qui s’est faite en sa faveur a, comme toutes les réactions, dépassé le but. On a ét jusqu’à présenter Daguerre comme une sorte d’intrigant qui aurait accaparé à son profit les idées d’autrui et se serait paré d’une gloire usurpée. Nous pensons qu’il y a, dans cette accusation, une complète injustice. Loin de nous la pensée de rabaisser le mérite de Nicéphore Niépce, dont les travaux ont été si bien continués de nos jours par son cousin, M. Niépce de Saint-Victor. Il est incontestable que Niépce s’était occupé de la fixation des images dès l’année 1814, qu’il avait obtenu et montré des résultats effectifs alors que Daguerre n’avait rien trouvé encore. Le savant chalonnais est donc le premier inventeur de la photographie, et ses essais ont, sans aucun doute, été d’un grand secours pour Daguerre.
Mais son procédé est bien différent de celui de Daguerre, et nous avouons avoir peine à comprendre qu’on ait pu afirmer « que les manières d’opérer de Daguerre sont les mêmes que celles indiquées par Nicéphore Niépce ... il n’y a de changé que le bitume de Judée et l’huile de lavande. » Or, c’est précisément ce changement qui est tout ; la substitution de l’iodure d’argent au bitume rend rapide et sûr un procédé qui n’était ni l’un ni l’autre. Quant à l’iode, il est vrai que Niépce l’avait depuis longtemps employé, mais seulement pour noircir aprés coup les ombres de ses épreuves ; jamais il n’eut l’idée de s’en servir comme de substance sensitive, sa correspondance en fait foi. Au contraire, il semblait, s il est permis d’employer cette expression, avoir pris en antipathie l’emplui de l’iode, et il voulut à plusieurs, reprises en détourner son associé. En second lieu, le rôle que joue le mercure dans le procédé de Daguerre n’a aucune ressemblance avec celui de l’essence de lavande dans la méthode de Niépce.
Nous pensons donc que s’il est juste d’attribuer à Nicéphore Niépce la première découerte d’une méthode photographique, il serait inique de contester à Daguerre l’invention des procédés auxquels l’enthousiasme de ses a attaché son nom.
On peut, avec M. Ch. Chevalier, regretter « de ne pas voir figurer sur l’acte de baptême deux noms au lieu d’un seul « , et la reconnaissance publique ne devrait pas séparer ces deux noms illustres. Associons dans nos souvenirs ces deux gloires qui se completent l’une l’autre ; mais en rendant à Niépce la justice qui lui est due,

Maison habitée par Daguerre, rue des Marais-du-Temple (aujourd’hui détruite). – Dessin de Lancelot.

N’allons pas jusqu’à flétrir la réputation de Daguerre et à lui disputer la part d’honneur qui lui appartient.
([i]) (1) « La lettre de Daguerre, disait Niépce, semble avoir pour but de me tirer les vers du nez. » La défiance dc Niépce se manifeste dans toute sa correspondance, et notamment dans sa lettre du 17 janvier 1827 au graveur Lemaître. Ses premières lettres à Daguerre sont d'un laconisme et d'une prudence remarquables. -Voy. la Vérité sur l'invention de la photographie, par V. Fouque.

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