domingo, 5 de abril de 2009

1870, 14 de Março - Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences

1870
14 de Março
Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences
Janvier-Juin
T. LXX,
Nº. 11
Pag. 541, 542, 543, 544, 545, 546, 547, 548
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ASTRONOMIE. - Sur l'observation photographique des passages de Vénus et
sur un appareil de M. Laussedat; par M. Faye.

« Au moment de partir pour un voyage de plusieurs mois qui ne me permettra pas de coopérer avec mes collègues aux préparatifs de l'observation du prochain passage de Vénus, je tiens a compléter les recherches que j'ai déjà publiées à ce sujet (1) ([i]), et à soumettre à tous les astronomes l'opinion à laquelle je me suis arrêté sur l'emploi de la photographie que j'avais déjà proposé, il y a vingt ans, de substituer à la méthode de Halley. Je désire vivement que la Commission du passage de Vénus veuille bien accorder quelque attention à ces idées, lorsqu'elle aura à s'occuper des méthodes d'observation. Je donnerai aussi lecture d'une Lettre que M. le commandant Laussedat, dont l'Académie connaît la compétence en fait d'expéditions photographiques, a bien voulu m'adresser sur ce sujet.
» L'Académie se souviendra peut-être qu'après avoir discuté devant elle, l'an dernier, les observations originales du passage de 1769 par la méthode de Halley, j'ai été conduit à indiquer quelques moyens propres à atténuer les causes d'insuccés. D’un autre côté, deux astronomes de l’Observatoire ont présenté sur le même sujet d’excellentes suggestions. Les difficultés inhérentes à cette méthode n'ont pas préoccupé moins vivement les astronomes anglais et allemands. Toutes ces discussions, d'un intérêt actuel, ont naturellement été rendues publiques. « Il est r+esulté pour moi de ce débat déjà européen, la crainte très sérieuse que l’ancien mode d’observation proposé par Halley, et pratiqué en 1761 et 1769, ne soit pas aussi parfait en pratique qu'il paraissait l'être en théorie, et qu'il ne nous conduise pas au but en 1874, même en y employant des télescopes d'une grande perfection optique. En effet, dans ce mode qui réduit l'observation à celle des contacts internes des disques de Vénus et du Soleil, tout dépend de la possibilité de saisir, à l'entrée, l'instant de la formation d'un très-mince filet de lumière entre les deux contours, ou celui de sa rupture à la sortie. Or les ondulations de l'atmosphère affectent trop le bord du Soleil, lorsqu'il n'est pas très-élevé, pour laisser au phénomène sa netteté géométrique. M. Arago pensait qu'elles avaient pour effet de supprimer par moments des parties d’une étendue sensible sur le bord du disque solaire. On le voit du moins parcouru par un continuel mouvement vermiculaire, qui lui donne parfois, près de l’horizon, l’aspect dentelé d’une scie. On 'sent combien la moindre agitation peut retarder la perception d’un mince filet de lumière sur les bords; car ici on ne saurait compter, comme pour les détails permanents d’une figure, sur ces instants fugitifs de clme que les astronomes anglais appellent a glimpse, et que l’observateur attend avec patience dans les cas habituels. D’autre part, la fatigue de l’œil et l’éblouissement causé par la contemplation prolongée d’une grande surface très-lumineuse, la dilatation factice du disque solaire inhérente à toute image optique d’un vif éclat, les petits défauts de la lunette, de la mise au point, etc., se joignent à la cause précédente et achèvent de rendre le succès bien douteux. Les deux mémorables expériences faites en 1761 et 1769, et celles que nous devons à tous les passages de Mercure, justifient trop ces appréhensions pour qu’il soit permis de les négliger.
« Telles sont aussi, sans aucun doute, les raisons qui auront décidé les astronomes allemands à reléguer au second plan la méthode des contacts, pour mettre au premier un procédé plus sûr à leurs yeux. Une Commission composée de MM. Hansen, Argelander, Pashen, Bruhns, Förster, Auwers et Winnecke, à laquelle M. de Struve a été adjoint comme expert, a été convoquée l’an dernier, à Berlin, par la Chancellerie de la Confédération l'Allemagne du Nord, à l'effet d'aviser aux préparatifs des expéditions projetées pour le prochain passage de Vénus. Elle s'est prononcée à l'unanimité, dès sa première séance, pour un système de mesure bien connu et déjà pratiqué d'ailleurs, depuis longtemps, dans les passages de Mercure, lequel consiste à déterminer, a l'aide de l'héliomètre, non pas au bord du Soleil, mais sur le disque même de cet astre, les coordonnées relatives de Vénus, c'est-à-dire sa distance au centre du Soleil et son angle de position.
» Ne pouvant partager, je l'avoue, la grande confiance de nos collègues d'outre-Rhin dans cet emploi spécial de l'héliomètre de Fraunhofer, et persuadé aussi que l'usage des micromètres ordinaires serait encore plus pénible et moins sûr, j'estime que le seul mode qui présente des garanties complètes, c'est l'observation photographique, dont j'ai poursuivi depuis si longtemps l'introduction dans les mesures astronomiques. Ce genre d'observation supprime l'observateur, et avec lui l'anxiété, la fatigue, l'éblouissement, la précipitation, les erreurs de nos sens, en un mot l'intervention toujours suspecte de notre système nerveux. Il ne supprime pas les petits troubles d'origine atmosphérique, mais en permettant de multiplier indéfiniment les épreuves, il promet une compensation parfaite des écarts dus à cette cause. II ne supprime pas les défauts de l'appareil optique, mais en ramenant les mesures géométriques à la détermination des centres des disques au moyen du contour entier de leurs circonférences, il fait disparaître la difficulté propre à la méthode de Halley, où tout dépend d'un imperceptible élément de contact entre ces bords, si différents par leurs modes propres de visibilité.
» Ainsi, avec la Commission de Berlin, je voudrais reléguer l'ancien procédé au second plan, mais, au lieu de le remplacer comme elle par les mesures héliométriques, où j'entrevois bien des difficultés, je propose de mettre au premier rang l'observation photographique de Vénus sur le Soleil (1) ([ii]), combinée avec l'enregistrement électrique de l'instant de la production des images, et avec la détermination de l'heure par l'observation photographique du Soleil au méridien (2) ([iii]). Ce serait la suppression complètede l'observateur.
« Heureusement tout le monde s'accorde enfin sur ce point, qu'il faut faire figurer la photographie parmi les procédés d'observation: mais chaque nation agira suivant son génie particulier dans la direction qu'il lui faudra imprimer à l'ensemble de ses entreprises. La visée principale des anglais, c'est, je crois, de faire réussir une bonne fois la méthode des contacts, proposée par un de leurs plus célèbres compatriotes; celle des Allemands, c'est l'application de l'héliomètre de Fraunhofer, consacré, chez eux, par le souvenir des belles mesures de Bessel; la nôtre, à mon avis, devrait être l'application intégrale des méthodes originairement dues aux découvertes de Daguerre, d’Arago et d’Ampère. Nous verrons à quelle nation reviendra l'honneur d'avoir le mieux servi la science dans cette lutte généreusé.
« En dehors de toute préoccupation patriotique, ma confiance est fondée sur l’expérience que j’ai acquise il y a bien longtemps, dans les ateliers de M. Porro, en mesurant les magnifiques épreuves que nous avions obtenues (avec M. Quinet, pour la photographie, et MM. Baudoin et Digney frères, pour l’enregistrement électrique du temps), par l’emploi du collodion sec et au moyen d’une gigantesque lunette de 15 mètres de longueur focale. Les épreuves de l’éclipse de 1858, que j’ai eu l’honneur de présenter le jour même de l’éclipse à l’Académie, laissaient bien loin en arrière, malgré quelques défauts uniquement dus à l’exiguité de nos moyens pécuniaires, tout ce qu’on m’a montré depuis en ce genre. Sur les clichés ainsi obtenus directement au foyer, sans agrandissement ultérieur, le diamètre du Soleil était de 15 centimètres et la seconde d’arc valait 15/192 de millimètre; par suite, l’effet total du à la parallaxe relative de Vénus en 1874 (au moins 40") répondrait à un déplacement de 3 millimètres sur des épreuves pareilles obtenues en deux lieux bien choisis. Or quand bien même cette grandeur considérable serait mesurée grissièrement à l’aide d’une simple règle divisée, un double décimètre par exemple, et par simple estime à 1/10 de millimètre près, on à 1/30 du tout, pour en déduire la parallaxe du Soleil, il faudrait encore diviser ces résultats par 5, et on voit qu’on obtiendrait finalement cette parallaxe à 1/150 près. Mais en réalité on appliquera à ces épreuves des appareils micrométriques pareils à celui que M. Porro avait disposé pour moi, et l’on poussera beaucoup plus loin l'exactitude. Les épreuves elles-mêmes gagneront en précision si on les obtient à l’aide d’objectifs convenablement achromatisés par des procédés semblables à ceux de M. Rutherford, et parfaitement étudiés d'avance. Enfin on pourra multiplier presque indéfimirnent ces épreuves et ces mesures pendant la longue durée du passage. J'ai voulu seulement montrer, par l'exemple de résultats aquis et d’expériences couronnées de succès, que la méthode photographique conduit aisément au but, au moyen de deux stations convenablement choisies, et ne le cède en aucune manière aux espérances qu'avait fait concevoir autrefois la méthode de Halley.
» Il y a plus, la méthode photographique n'exige nullement dans la pratique, comme celle de Halley, la combinaison de deux stations. J'ai rernarqué qu'il suffirait de se placer, avec un héliomètre ou mieux avec un appareil photographique, en un quelconque des points du globe terrestre qui voient le Soleil culminer au zénith pendant un passage de Vénus, pour déterminer complétement la parallaxe relative de cet astre, au moyen de mesures obtenues dans cette seule station. En 1874, cette région est très-voisine du tropique du Capricorne et traverse tout le continent australien. Le point le plus avantageux se trouverait au nord de la baie des Chiens marins. L'effet parallactique, il est vrai, serait deux fois moindre que dans le cas de deux stations combinées; mais je le crois bien suffisant, et il est en tout cas digne de remarque qu'un photographe convenablement outillé obtiendrait ainsi, à lui seul, un résultat supérieur à celui qu'on acceptait encore avec tant de confiance il y a dix ans; il déterminerait à lui seul, je le répéte, la distance de la Terre au Soleil avec plus de certitude que tous les savants du rnonde entier en 1769. L'épreuve mériterait assurément d'être tentée par les observatoires australiens.
« Voici le moment de signaler aux observateurs l'appareil ingénieux que M. Laussedat a employé, à deux reprises, en Algérie (avec le concours de M. Girard, pour la photographie) et en Italie, dans le but d'observer photographiquement le passage de la Lune sur le Soleil. M. Laussedat a eu l'idée de rendre fixe la lunette photographique dans une direction horizontale et de renvoyer vers cette lunette la lumière du Soleil au moyen d'un héliostat. Pour être en état, et c'est ici le point capital, de soumettre les épreuves ainsi obtenues à des mesures précises, M. Laussedat a parfaitement reconnu qu'il fallait déterminer avec exactitude l'orientation de l'axe de cette lunette. Il y est parvenu en plaçant cette lunette dans la direction même de sa Lunette méridienne, et en assurant, à l'aide d'un bon niveau, l'horizontalité d'un des bords de la plaque sensible. On obtient ensuite par le calcul les éléments nécessaires pour transformer les coordonnées mesurées sur les clichés en coordonnées célestes rapportées aux cercles usités en astronomie. M. Laussedat me paraît donc fondé a s'exprimer sur ce sujet coinme il le fait dans la Lettre suivante, qu'il a bien voulu m'adresser le 20 février dernier:

« Voulez-vous me permettre de vous entretenir d’un autre sujet dont les astronomes s’occupent beaucoup depuis quelque temps. Je veux parler du prochain passage de Vénus sur le disque solaire.
« On a cherché, avec le plus grand soin, les localités où l’observation pourra se faire dans les meilleures conditions sous tous les rapports; on s’est attaché à prévoir lers différentes causes d’erreur, les illusions d’optique, etc., qui pourraient infirmer des résultats acquis à grands fais et avec beaucoup de fatigue.
« Au nombre des méthodes recommandées, principalement en Angleterre (et je sais combien vous en êtes vous-même partisan), se trouve celle des épreuves photographiques. Les Monthly Notices renferment, à ce sujet, des notes extrêmêment importantes de M. Warren de la Rue, de M. le major Tennant et de M. Proctor, qui ne vous ont certainement pas échappé.
« Une des causes d’erreur dont il semble le plus difficile de se garantir est celle qui dépend de la manière dont les épreuves sont repérées (dont les angles de position sont déterminés) pour permettre la comparaison de celles qui ont été obtenues dans des stations différentes.
« Dans le dernier numéro des Monthly Notices, M. Proctor indique comment il convient de choisir les stations pour que les effets de cette erreur aient la moindre influence possible sur l’exactitude du résultat. M. Warren de la Rue, de son côté, a montré que la détermination de l’angle de position pouvait se faire avec une grande précision, en répondant aux appréhensions du major Tennant qui ont provoqué les recherchs de M. Proctor. Il est certain que l’on devra préférer les stations indiquées par cet astronome pour y prendre des épreuves photographiques; mais, comme elles ne sont pas très-nombreuses, et qu’il me semblerait regrettable de renoncer partout ailleurs à la photographie, je crois devoir vous présenter les réflexions suivantes.
« L’inconvénient le plus grave, très-probablement, que l’on rencontre quand on cherche l’angle de position sur une épreuve photographique (et j’entends par là l’angle d’une ligne de repère tracée sur l’épreuve avec le diamètre N.-S. du Soleil), provient des irrégularités de position de la lunette conduite par un mouvement d’horlogerie; c’est, du moins, ce que je suppose. Or cet inconvénient se trouve évité dans la disposition que j’avais adoptée en Agérie, lors de l’observation de l’éclipse totale du Soleil du 18 juillet 1860.
« Cette disposition est celle-là même que Foucault a imaginée plus tard pour entreprendre des études variées d’astronomie physique, et qu’il se proposait de réaliser dans un instrument désigné par lui sous le nom de Sidérostat. Il serait inutile de vous faire la description d’un appareil que vous connaissez parfaitement, depuis l’époque où vous avez rendu compte à l’Académie des observations faites à Batna. D’ailleurs l’instrument analogue de Foucault vient d’être réalisé avec un très-grand soin. Je me bornerai donc à émettre le désir de voir appliquer le principe sur lequel il est fondé à la solution de la difficulté signalée par les astronomes anglais. Il est très aisé de voir, en effet, que, la lunette qui porterait l’appareil photographique étant disposée invariablement dans une direction déterminée astronomiquement et repérée á l’aide d’une mire et d’un collimateur, les irrégularités accidentelles du mouvement du miroir qui projette l’image du Soleil dans l’axe de cette lunette seraient sans danger. On pourrait, dans tous les cas, à l’aide de mouvements de rappel, ramener l’image au centre de la plaque dépolie à laquelle on substitue les plaques sensibles; et quand bien même l'image s'écarterait de cette position normale, on l'y ramènerait sans peine par le calcul.
» Je ne veux pas, dans cette Lettre, entrer dans des détails que vous pressentirez sans aucun doute, mais l'expérience que j'ai faite en 1860, et que j'ai répétée en 1867, en Italie, sur des épreuves du Soleil (l'éclipse n'ayant pas pu être observée à cause des nuages), m'a convaincu de l'extrême précision dont la méthode est susceptible.
« Ne vous semblerait-il pas prudent, si les astronomes français veulent prendre part aux expéditions qui auront pour but la détermination nouvelle de la parallaxe du Soleil en 1874, de faire, dès à présent, des essais multipliés de photographie et d'étudier les appareils et les
procédés, afin d'éviter les mécomptes? »

» Grâce aux procédés de M. Foucault, si bien appliqués par M. Martin, il est possible aujourd'hui d'obtenir des miroirs parfaitement plans: cela achève de rendre l'ingénieux appareil de M. Laussedat tout à fait applicable à l'observation du passage de Vénus. Je n'ai pour ma part qu'une modification à proposer, mais elle me parait essentielle. Les expériences que j'ai faites en 1858 avec une longue lunette de 15 mètres établissent à mes yeux la supériorité des épreuves de grandes dimensions, quand il s'agit de mesures. Celles qu'on a obtenues depuis sont trop petites; il faudrait au préalable les agrandir ou y appliquer de forts grossissements; or on grossit en même temps les défauts inévitables du cliché primitif qu'il superflu d'énumérer ici. Je parle, bien entendu, des défauts photographiques et non des défauts inhérents à toute image optique des astres, tels que les effets de la réfraction accidentelle et de la dispersion atmosphérique. Avec des objectifs de 16 ou 20 mètres de distance focale, par exemple, on obtiendrait du premier coup des images sur lesquelles le déplacement parallactique de Vénus serait représenté, comrne je l'ai fait voir tout à l'heure, par une grandeur linéaire qui rendrait absolument impossible toute érreur pareille à celle de l'ancienne évaluation de la parallaxe du Soleil. Sans doute il serait bien difficile d'installer au loin une pareille lunette quand elle doit prendre une direction quelconque; mais rien n'est plus aisé dans le système de M. Laussedat, car il suffit de séparer entièrement l'objectif de l'appareil ocullaire ou photographique, et de les installer sur des piliers séparés, entre lesquels le tuyau ordinaire serait supprimé et remplacé par un simple abri en toile. Quant aux très-intéressantes suggestions de M. Proctor (Monthly Notices) sur les moyens d'éviter, par un choix convenable des stations photographiques, l'influence des erreurs relatives à la direction des lignes de repère, je dirai que ces lignes ont toujours sur les épreuves, quand elles y sont projetées, une netteté admirable, bien supérieure à celle des bords mêmes du Soleil, et que les moyens déjà employés par M. Laussedat pour y rapporter par le calcul les lignes de repère célestes mettront les astronomes en état d'utiliser toutes les observations photographiques obtenues dans des stations quelconques. Restent les essais préalables que M. Laussedat recommande avec tant de raison: il n’est pas besoin de dire qu’ils sont déjà compris dans le programme des prévisions actuelles de la Commission. »
([i]) (1) Sur les passages de Vénus (Comptes rendus, t. LXVIII, p. 42 et 69). - Examen critique des idées et des observations du P. Hell sur le passage de Vénus en 1769 (même vol., p. 282).
([ii]) (1) Y compris les contacts qui pourraient être photographiés à part.
([iii]) (2) Voir ma Note sur l'état de la photographie astronomique en France (Comptes rendus, t. L, p. 965; 1860).

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