quarta-feira, 27 de maio de 2009

1858, 12 de Abril

1858, 12 de Abril
Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences
Janvier - Juin
T. XLVI
Nº. 15
Pag. 705, 706, 707, 708, 709, 710
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ASTRONOMIE. - Sur les photographies de l'éclipse du 15 mars, présentées par MM. Porro et Quinet; par M. Faye.

« J'ai l'honneur de mettre sous les jeux de 1'Académie l'ensemble des, épreuves photographiques du soleil qui ont été prises par MM. Porro et Quinet pendant l'éclipse du 15 mars, plusieurs autres épreuves prises le 11 et le 21 du même mois, la série correspondante de positifs sur collodion, une seconde série de positifs sur papier, une vue photographique le la grande lunette de M. Porro et une vue de l'appareil micrométrique que cet artiste a construit pour mesurer les clichés de l'éclipse.
« Je regrette de ne pouvoir présenter en même temps les résultats de toutes les mesures faites sur ces épreuves: ces mesures ne sont pas terminées. On comprend que MM. Porro et Quinet ne puissent donner tout leur temps à des questions de science pure. D'autre part, je suis obligé de quitter Paris pour quelques mois, et, par suite, il fallait se résoudre à ajourner longtemps cette communication ou à la faire incomplète aujourd'hui même.
« Je me suis arrêté d'autant plus volontiers à ce dernier parti, que les résultats partiels dont je vais parler ont déjà une valeur propre, digne de fixer votre attention, et que d'ailleurs les auteurs m'ont manifesté l'intention d'offrir à l'Académie tous les négatifs originaux, dès que les mesures et les tirages de positifs auront été achevés. Si l'Académie daignait alors ordonner le dépôt de ces temoins irrécusables dans ses collections, tous ceux qui voudraient vérifier les mesures, ou les recommencer sur un plan particulier, auraient à leur disposition les négatifs originaux qui vont passer sous vos yeux.
« Voici d'abord quelques détails sur l'appareil employé le 15 mars.
« La grande lunette de M. Porro a 15 mètres de longueur focale: l'ouverture de 52 centimetres était considérablement réduite par un diaphragme; près du foyer était tendu un fil horizontal. Au foyer même était fixé un châssis double dont l'une des arètes était paralléle au mouvement diurne. La partie fixe de ce châssis portait la plaque collodionnée; la part e mobile faisait écran. A un signal donné, cet écran, lancé avec rapidité par un ressort, découvrait la plaque pendant une très-minime fraction de seconde.
« Malgré le mauvais temps, plusieurs empreintes ont été prises, mais dans quelques-unes l'intensité des bords du soleil n'est pas suffisante pour les mesures micrométriques; c'est l'effet naturel de l'interposition des nuages qui affaiblissaient assez l'éclat du croissant pour qu'on pût, quelquefois, le regarder aisément à l'oeil nu. Par instants, le vent imprimait une légère oscillation verticale à la longue lunette de M. Porro, et cette oscillation a pu influer quelque peu sur certaines épreuves, malgré la rapidité de l'écran. Enfin, malgré les bons services de l'appareil télégraphique de MM. Baudoin et Digney fréres, l'heure n'a pu être déterminée avec une grande précision, parce que le ciel a été longtemps couvert à cette époque, et qu'on ne doit guère compter sur la marche de pendules installées dans un local soumis à des trépidations de toute sorte, et accessible à un très-grand nombre de personnes. Il n'est pas facile de faire de l'astronomie de précision dans un atelier.
« Malgré ces inconvénients, les épreuves que voici ont presque toutes une grande valeur; elles démontrent en tout cas, de la manière la plus nette, à mon avis, que l'observation photographique avec de grands instruments est appelée à faire faire un pas décisif à l'art d'observer et à la science elle-même.
« Ce n'est pas à dire que les mesures micrométriques prises sur ces belles épreuves n'aient donné lieu à aucune difficulté. En voici une, et des plus graves, qui s'est présentée à l'occasion de la phase la plus importante et la mieux rendue.
« Bien que j'aie eu plusieurs occasions de voir, dans les éclipses, les irrégularités du bord de la lune, dentelures que l'irradiation masque si complétement partout ailleurs que sur le soleil, je croyais, avec tous les astronomes, que la mesure de la ligne des cornes et de l'épaisseur du croissant solaire pourrait donner avec une grande précision la distance des centres des deux astres. A première vue, la netteté, la régularité des contours de la lune sur les épreuves ci-jointes confirmait cette espérance. Mais, sous le microscope de l'appareil micrométrique, les dentelures du bord de la lune ont paru si nombreuses et si sensibles, qu'il a bien fallu renoncer à ce mode de procéder, et M. Porro s'est trouvé conduit, dans ses mesures, à employer le contour entier de la lune et non plus des points confinés dans une région limitée. Au lieu des cordes et des flèches, il a mesuré, de 5 en 5 degrés, les coordonnées polaires des bords de la lune et du soleil. Ce travail est complet pour l'épreuve nº 9. Mais, dans ce système, les trois inconnues relatives à chaque astre, savoir le rayon du disque et les coordonnées polaires du centre de ce disque, doivent être traitées a la fois (1) ([i]). Afin d'éliminer autant que possible l'effet des irrégularités des bords de la lune, il faudra former, pour chaque mesure dûment purgée de l'effet de la réfraction, une équation de condition linéaire entre les corrections applicables aux valeurs approchées de ces trois inconnues, puis traiter toutes ces équations par la méthode des moindres carrés. Le calcul des soixante-douze équations correspondantes aux mesures déjà prises reste à faire. En opérant sur plusieurs épreuves voisines de l'instant de la plus grande phase, on fera intervenir ainsi presque tout le disque lunaire dont la circularité générale n'est pas contestée, et on éliminera de la manière la plus satisfaisante la cause que je viens de signaler à peu prés comme on élimine les erreurs d'un cercle divisé par l'emploi d'un grand nombre de microscopes régulièrement espacés sur son pourtour. Le résultat final de ces calculs donnera ensuite la distance des centres par la simple résolution d'un triangle ou bien, la direction de l'horizontale étant rnarquée sur l’épreuve, on en déduira les coordonnées relatives des deux centres dans le ciel.
« Le calcul des nombreuses équations de condition du problème n'étant pas fait, je ne puis donner içi que les valenrs déjà très-approchées de quelques inconnues. Le rayon du disque solaire sur l'épreuve nº 9, prise vers la plus grande phase, à 1h 6m 58s était de 68mm,872 et celui de la lune de 68mm,8725 (l'échelle, déduite provisoirement d'une autre série de mesures, donne environ 14 secondes au millimètre). Il résulterait de là qu'à Paris les deux disques apparents du soleil et de la lune étaient égaux à peu près, et que l’éclipse a pu étre totale non loin d'Ouessant.
« La difficulté imprévue dont je viens de parler, et dont l'appareil micrométrique de M. Porro a donné une solution si complète, montre plus que tout le reste peut-être, l'excellence du système d'observation photographique. En pareille circonstance, l'astronome serait réduit à rejeter des observations péniblement faites sur le ciel d'après un plan vicieux; sur une épreuve photographique, au contraire, il en est quitte pour changer le plan et l'ordonnance de ses mesures.
« Cependant nous avons été moins heureux pour une autre difficulté que la mesure des épreuves prises avant et après le 15 mars nous a présentée. De belles images du soleil, datées du 11 et du 21 mars, donnent au diamètre de cet astre des valeurs sensiblement plus fortes que celles du 15, et cependant la variation de ces diamétres dans l'intervalle de dix jours s'accorde très-bien avec celle de la distance du soleil à la terre. Cette discordance encore inexpliquée accuse certainement un défaut dans l'appareil employé. Je serais tenté de croire qu'elle provient du reflet de l'image formée sur le fond en bois non poli du châssis, image qui a dû être très-intense le 11 et le 21 mars et très-faible le 15. S'il en était ainsi, on ferait aisément disparaître la difficulté que je viens de rapporter en noircissant le verso de la plaque collodionnée. Quoi qu'il en soit, ces épreuves nous permettent déjà de porter un jugement sur la précision qu'on peut attendre de la photographie, non plus dans les éclipses seulement, mais encore pour l’observation journalière du soleil au méridien et la détermination précise des éléments de sa rotation. D'après les mesures que j'ai faites moi-même, l'erreur moyenne de la mesure du soleil dans le sens horizontal (en transportant une fois seulement le microscope de l'appareil micrométrique d'un bord à l'autre du soleil) est de 0",36, tandis que l'erreur moyenne d'une mesure analogue à la lunette méridienne (un seul fil) est dix fois plus considérable. Sur la plupart des épreuves on voit avec quelle netteté se forme l'image d'un fil placé en avant de la plaque collodionnée. La distance de ce fil à l'un des bords du soleil pouvant se mesurer aisément à 0",26 près, par une seule opération, il en résulte qu'un petit nombre d'épreuves, obtenues à l'aide d'un grand cercle méridien, pendant un passage, permettrait de réduire à 0",1 l'erreur a craindre sur la position du centre du soleil, soit en ascension droite, soit en déclinaison.
« Il importe de noter que cette précision n'est pas apparente comme celle des observations actuelles. Ici le système nerveux de l'astronome n'est plus en jeu; c'est le soleil qui imprime lui-même son passage. On s'est plaint si souvent devant l'Académie de ces erreurs personnelles, inhérentes à ce qu'il y a de plus intime dans l'organisation ou plutôt dans la coordination de nos sens, qu'il serait superflu de rien ajouter à ce que je viens de dire (1) ([ii]) . A 1ui seul, le progrés déjà réalisé pour le soleil (car la difficulté dont je viens de faire mention n'est pas de nature à l'infirmer) mériterait à MM. Porro et Quinet la reconnaissance des astronomes.
« Je compte bien qu'on ira plus loin encore, et j'oserai affirmer qu'on pourrait, dès aujourd'hui, substituer la photographie à presque toutes les observations méridiennes des planètes et des étoiles fondamentales. Déjà M. Bond, aux Etats-Unis, et M. Delarue, à Londres, ont obtenu des images photographiques de la lune, d'étoiles et de planètes, à l'aide d'un équatorial et d'un mouvement d'horlogerie. D'autre part on sait qu'il est assez facile d'adapter a une lunette méridienne placée dans le méridien un petit appareil capable de faire suivre au réticule le mouvement de la sphère céleste pendant quelque temps, et l'on trouvera même, chez M. Porro, un appareil de ce genre destiné à donner à sa grande lunette, dans toutes les directions, les principales propriétés d'un équatorial. Au lieu de faire mouvoir le réticule, faites mouvoir une très-sensible, sur laquelle viendra se peindre l'image de l'étoile et celle du réticule: vous aurez substitué la réalité aux apparences qu'on observe aujourd'hui. L'image de l'étoile se peindra sur le collodion en un point fixe, tandis que le fil de la lunette, emporté dans l'espace par la rotation de la terre, donnera une empreinte continue dont le commencement et la fin auront seuls de la netteté. Un écran, uni à un enrégistreur électrique tel que celui de MM. Baudoin et Digney frères, marquera par ses mouvements le commencement et la fin de l'observation, et il ne restera plus qu'à mesurer la distance de l'image stellaire aux bords de la bande plus au moins large qui représentera l'image du fil mobile (1) ([iii]).
« A la vérité chaque observation sera beaucoup plus longue par ce système que par celui qu'on emploie aujourd'hui; mais n'y aurait-t-il pas avantage à remplacer des myriades d'observations entachées d'erreurs personnelles, par quelques centaines d'observations beaucoup plus précises et d'une irrécusable véracité ?
« II me reste encore a dire quelques mots sur l'étude du soleil lui-même
« Rien de plus difficile que l'observation des taches du soleil; sur ce point je m'en rapporte à l'expérience d'un de nos confrères qui en a fait une étude approfondie. Rien de plus aisé, rien de plus rapide et surtout de plus précis que la mesure de leurs coordonnées par les épreuves que voici (2) ([iv]), et sur ce point je m'en rapporterai au jugement de quiconque voudra bien essayer. Là ne se bornent pas les avantages du procédé photographique. Dans ce système, on pourra choisir à son aise les taches les plus favorables à la détermination des éléments de la rotation, éliminer celles dont les contours changent de forme, reconnaître celles qui reviennent après une ou plusieurs rotations, étudier leurs mouvements propres, signalés par M. Laugier, sans avoir à redouter d'erreurs instrumentales, etc.
« Quant à l'aspect physique du soleil lui-même, un coup d'œil sur une de ces épreuves, ou plutôt sur le positif correspondant, en apprendra bien plus que toutes les descriptions écrites ou verbales. Il n'y a rien de comparahle à la netteté de ces facules qui marbrent le disque solaire dans la région marginale, mais qui s'effacent vers le centre beaucoup plus brillant que les bords. Quant aux taches, on remarquera sans doute le beau groupe du 15 mars, entouré de facules brillantes et présentant, dans l'une des pénombres, une confirmation frappante de la théorie d'Herschel.
» Je voudrais qu'on fît ainsi, à l'aide d'un grand instrument, une histoire photographique du soleil, jour par jour, et qu'on conservât soigneusement les clichés pour fournir à la postérite des élérnents précieux dont nous regrettons aujourd'hui l'absence. Comme il serait facile alors d'étudier les zones ou les taches apparaissent, la périodicité de leur apparition, leurs relations avec les facules et tant d'autres objets de recherche si dignes d'intérêt! Cette histoire solaire que réclamait aussi, il y a deux ans je crois, un astronome illustre, sir John Herschel, en voici les premiers échantillons, et nous les devons à MM. Porro et Quinet.
« Pour moi, je suis heureux que mes instances, vieilles déjàde neuf années, aient attiré l'attention de ces artistes distingués. Grâce a eux, les progrès que j'entrevoyais depuis longtemps, et dont je traçais le plan en 1849, l'Académie (1) ([v]) , sont sortis du domaine de la spéculation pour entrer dans celui de la réalité et des faits accomplis.«
([i]) (1) Elles sont reliées entre elles par la relation
o = r2- ρ2- ρ + 2 ρρ cos(Ө- Ө ),
dans laquelle on désigne par r le rayon du disque, par ρ et Ө , les coordonnées polaires du centre, par ρ et Ө celles d'un point quelconque du bord. En y substituant des valeurs approchées pour r, ρ , Ө , et celles que les mesures directes assignent à ρ et Ө, la relation ci-dessus sera satisfaite à une quantité près ε, et, si l'on désigne par dr, dρ , d Ө, les corrections qu'il faut appliquer aux valeurs provisoires des inconnues pour faire disparaître ce résidu, on aura
o = ε +2rd - [ 2 ρ + 2 ρ cos(Ө- Ө )] dρ + 2 ρρ sin(Ө- Ө ) d Ө
Telle est la forme des équations de condition qu'il s'agira de traiter par la méthode des moindres carrés.
([ii]) (1) On en est réduit aujourd'hui, pour éliminer ces erreurs personnelles dans la détermination des différences de longitudes, à échanger les observateurs entre les stations. Cet échange donnera lieu à bien des difficultés lorsqu'il s'agira de rattacher le nouveau continent à l'ancien, à l'aide du grand câble transatlantique dont on s'occupe sérieusement aujourd'hui. Avec le système d'observation photographique que je viens de décrire, et dont le succès me semble assuré par les beaux échantillons qui sont sous nos yeux, cet échange des observateurs deviendra superflu, et le soleil lui-mème inscrira sur le collodion sec de M. Quinet, aux instants signalés par le télégraphe, la différence des longitudes de Paris et de Boston ou de New-York.
([iii]) (1) Cette méthode s'appliquerait aux observations de jour et de nuit, sauf une modification pour ces derniéres: l'éclairage du champ étant supprimé, pour obtenir l'image d'un fil du réticule, on admettrait instantanément dans la lunette un faisceau de rayons très-intenses, emergeant d'un collimateur (lumière électrique ou celle de Drummond), et ce faisceau viendrait, à un instant donné, imprimer sur la plaque sensible un petit disque lumineux sur lequel le fil se peindrait en noir. Évidemment on pourrait encore trouver d'autres combinaisons où un fil du réticule serait remplacé et représenté par une ligne brillante; dans les ateliers de M. Porro, j'en ai vu d'excellents que l'on pourrait utiliser pour cet objet.
([iv]) (2) M. Porro présente le tableau des coordonnées de toutes les taches du soleil mesurées micrométriquernent sur une des épreuves, et le résumé graphique de ces mesures à l'aide d'un dessin à grande échelle.
([v]) (1) Comptes rendus de l’Académie dês Sciences, 1849, tome XXVIII, pages 241, 242, 243 et 244.

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