Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences
Juillet-Décembre
T. XLI
Nº. 15
Pag. 549, 550, 551, 552, 553
Juillet-Décembre
T. XLI
Nº. 15
Pag. 549, 550, 551, 552, 553
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HÉLIOGRAPHIE. - Mémoire sur la gravure héliographique obtenue directement dans la chambre noire et sur quelques expériences scientifiques; par M. Niepce de Saint- Victor. (Extrait.)
« Pour compléter les procédés de gravure héliographique, il fallait obtenir directement dans la chambre noire une épreuve sur la planche d’acier, lequel résultat n’avait été obtenu jusqu’à ce jour que dans des conditions qui ne permettaient pas de faire mordre la planche.
» Je suis parvenu à combler cette lacune, et j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui à l’Académie des épreuves tirées d’une planche d’acier dont le dessin héliographique a été obtenu directement dans la chambre noire, sans aucune retouche, car c’est moi-même qui ai fait toutes les opérations, et je ne suis pas graveur.
» Dans les opérations par contact, c’est-à-dire où un dessin noir est appliqué contre la plaque d’acier rendue sensible par le bitume, opérations que j’ai décrites dans les précédents Mémoires, on obtient sur la planche une image parfaitement découverte, c’est-à-dire où le métal est à peu près complétement à nu dans les parties correspondantes aux ombres les plus fortes: du moins c’est ainsi que doit se présenter l’image pour qu’elle soit dans de bonnes conditions de morsure.
» Mais, lorsqu’on opère dans la chambre-noire, on ne doit pas chercher à obtenir une image semblable à celle venue par contact, c’est-à-dire ressemblant à l’image daguerrienne, parce que dans ce cas il faudrait employer un vernis nouvellement préparé et non sensibilisé (comme je l’indiquerai plus loin), ce qui nécessiterait une très-longue exposition à la lumière.
« J’ai donc cherché un vernis qui produisît une image à la chambre noire, dans le moins de temps possible et dans de bonnes conditions de morsure, et je n’ai pu obtenir ce résultat qu’en me servant d’un vernis rendu beaucoup plus sensible par une exposition à l’air et à la lumière; mais alors ce vernis ne produit plus que des images qui ne se découvrent pas entièrement, c’est-à-dire qui sontvoilées, comme je les ai désignées dans mon dernier Mémoire, mais il est nécessaire qu’elles soient ainsi quand on opère dans la chambre noire.
« Tous les bitumes de Judée peuvent être rendus propres à la gravure héliographique dans la chambre noire, en observant toutefois que l’avantage restera toujours à ceux de ces produits exceptionnels qui, ayant une sensibilité naturelle, sont bien préférables, parce qu’ils donnent en très-peu de temps une image moins voilée que celle obtenue au moyen d’un vernis sensibilisé par une exposition à l’air et à la lumière.
» Le bitume de Judée étant dissous dans de la benzine et un dixième d’essence de citron, comme je l’ai indiqué dans mon derniernier Mémoire, le vernis ainsi préparé et contenu dans un flacon non entièrement rempli et dont le bouchon laisse pénétrer l’air, onl’expose à la lumiére solaire pendant une demi-heure ou une heure au plus, ou bien pendant cinq à six heures à la lumiére diffuse.
« Le temps de l’exposition à l’air et à la lumière doit varier en raison de la sensibïlité naturelle du bitume de Judée, et selon que la benzine et l’essenee ont déjà subi, plus ou moins, l’action de l’air et de la lumiére, car ces agents exercent leur action avec use telle rapidité sur la benzine et sur l’essence de citron, qu’il faut n’employer ces substances que nouvellement extraites ou lorsqu’elles ont été préservées de toute action de la lumière; elles peuvent sans inconénient avoir subi l’influence de l’air seul, j’en donnerai les raisons dans la seconde partie de ce Mémoire.
« Il faut étudier la sensibilité du vernis, et, pour la connaître, je conseille de faire quelques essais par contact: si l’on obtient une bonne épreuve en trois ou quatre minutes au soléil (avec une épreuve photographique sur verre albuminé) sans que l’image soit voilée, le vernis sera alors assez sensible pour qu’on opère dans la chambre noire.
« Le temps d’exposition de la planche vernie placée dans la chambre noire varie entre une demi-heure et trois heures au soleil, ou de deux à six à la lumière diffuse. On peut rendre le vernis beaucoup plus sensible en l’exposant plus longtemps à l’air et à la lumière; mais plus le vernis sera sensible, moins l’image se découvrira par l’action du dissolvant, et si l’on prolongeait par trop l’exposition du vernis a l’air et à la lumiére, il deviendrait complétement inerte : il faut même, pour éviter cet inconvénient, n’en préparer qu’une petite quantité à la fois, parce que, une fois que le vernis a subi l’influence de l’air et de la lumière, il acquiert encore de la sensibilité quoique renfermé hermétiquement et tenu dans l’obscurité, ce qui ferait penser que, une fois que le vernis a subi l’influence de l’air et de la lumièrère, l’action continue quoiqu’il soit soustrait à ces agents.
» J’ai à parler maintenant de la résistance du vernis à l’action. de l’eauforte; dans les opérations par contact, il offre généralement plus de résistance que lorsqu’on opère dans la chambre noire. J’ai du chercher à consolider le vernis de cette dernière image.
» Après de nombreuses expériences sur les essences que l’on pouvait employer en mélange avec la benzine pour obtenir une plus grande imperméabilité, je n’ai rien trouvé qui remplaçât avec avantage l’essence de citron; mais elle ne donne pas toujours une résistance suffisante, et la premiére condition, c’est que le vernis qui a recu l’épreuve dans la chambre noire et qui est resté adhérent à la plaque après l’action du dissolvant, présente le même aspect après qu’avant son exposition à la lumière, c’est-à-dire un aspect brillant et irisé, sans que l’image soit trop voilée.
» Lorsque le vernis est dans cet état, on peut, surtout si on le laisse quelques jours exposé à un courant d’air, faire mordre la planche; mais il est plus prudent d’employer les vapeurs d’essence d’aspic que j’ai indiquées dans mon dernier Mémoire sous le nom de fumigations et que je n’ai pas encore trouvé le moyen de remplacer avantageusement; il faut seulement avoir soin de les appliquer convenablement.
» J’ai dû supprimer sur les épreuves obtenues directement à la chambre noire le grain d’aqua-tinta, que l’on souffle sur la reproduction d’une épreuve photographique obtenue par contact sur la plaque d’acier.
« Quelquefois une morsure assez profonde faite avec l’eau-forte seule (surtout sur de petites images très-fines) permet d’encrer et de tirer de bonnes épreuves; mais souvent il arrive qu’en voulant pousser trop loin la morsure on détruit les finesses de l’image, parce que les traits les plus fins se trouvent rongés.
« Il est donc préférable, surtout sur de grandes images, de ne pas pousser la morsure si loin et de donner ce que j’appellerai le grain chimique, que j’obtiens au moyen de l’eau d’iode, qui dans ce cas vient dépolir légèrement les tailles faites par l’eau-forte. On peut alors encrer une planche mordue à peu de profondeur, et le dessin n’aura rieu perdu de sa finesse si l’on a eu le soin de ne pas trop prolonger l’action de l’eau iodée.
» Puisqu’on n’applique plus le grain d’aqua-tinta à la résine et que, par conséquent, on ne chauffe plus la plaque, on peut, si l’on veut, employer le vernis au caoutchouc, que j’ai indiqué dans mon dernier Mémoire pour la gravure sur verre; mais cependant je préfère l’emploi des fumigations et du vernis dont j’ai détaillé la formule dans ma précédente communication, parce que ce vernis, étant plus homogène, donne des traits plus purs.
« Il est nécessaire que la benzine soit desséchée si l’on veut avoir une belle couche de vernis; quant aux détails de manipulation, je me propose de les indiquer dans un Manuel de la gravure hétiographique, dans lequel je réunirai et je résumerai tout ce que j’ai publié sur ce sujet.
» Au moyen des opérations que je viens de décrire, on obtient directement à la chambre noire sur une planche d’acier une image photographique gravée et dont on peut tirer, par l’imprimerie en taille-douce, des épreuves qui, par le modelé et la finesse des traits, peuvent rivaliser avec les épreuves photographiques sur papier. Elles ont, de plus, l’avantage d’être inaltérables, de pouvoir être tirées à un grand nombre d’exemplaires, et, par conséquent livrées à très-bon marché.
« Il ne me reste plus qu’à rendre le vernis plus sensible, tout en lui conservant ses propriétés, afin d’abréger le temps d’exposition dans la chambre noire; je continuerai mes recherches jusqu’à ce que j’aie obtenu ce résultat, ainsi que l’application de ce procédé à la reproduction des tableaux à d’huile. Tous mes efforts tendent à achever l’oeuvre commencée par mon oncle Nicéphore Niepce: je serais heureux d’avoir atteint ce but tant désiré.
Action des différents gaz sur une plaque enduite d’un vernis héliographique composé de bitume de Judée.
« Comme l’avait prévu M. Chevreul , on sait aujourd’hui par mes expériences
que le vernis héliographique ne subit aucune altération dans le vide lumineux; il restait à savoir quel était le gaz qui agissait le plus dans la composition de l’air atmosphérique.
« A priori, on pouvait dire que c’était l’oxygène de l’air qui agissait sur le vernis héliographique, en produisant une oxydation comme sur beaucoup d’autres corps.
« Aujourd’hui je puis affirmer que c’est bien réellement le gaz oxygène qui agit, car il résulte des expériences comparatives que j’ai faites aux Gobelins, sous les yéux de M. Chevreul, que l’oxygène a constamment agi plus efficacement que l’air, sans cependant que les résultats de son action soient trés-différents de ceux que l’on obtient à l’air libre.
« L’hydrogène n’a rien donné; l’azote pur, rien non plus: de sorte qu’il est bien évident que l’oxygène est indispensable pour que ces phénomènes photographiques aient lieu sur des substances organiques.
« Si, au coutraire, on opère sur des matières inorganiques, telles que les sels d’argent que l’on emploie en photographie, l’air atmosphérique ne joue aucun rôle, puisque les composés d’argent noircissent dans le vide lumineux. Il ne m’a pas été possible de constater une différence sensible, et si j’en admettais une, elle serait plutôt en faveur du vide,
« Tels sont les résultats que j’ai obtenus en répétant un grand nombre de fois les mêmes expériences et en opérant dans les meilleures conditions possibles; car je dirai que j’ai été grandement aidé par M. Decaux, préparateur de M. Chevreul aux Gobelins, que je suis heureux de citer ici.
Observations sur l’action différente que l’air et la lumière exercent sur la benzine et les essences.
» J’ai dit dans la première partie de ce Mémoire quelle était l’action de l’air et de la lumière sur le vernis héliographique à l’état liquide; je crois devoir à ce sujet donner le résultat de quelques observations.
« L’air atmosphérique seul agit différemment sur la benzine que si l’air et la lumière agissent ensemble, d’où il résulte que la benzine peut être fortement colorée par l’influence de l’air seul, si la distillation ne lui a pas enlevé complétement les matières résineuses ou bitumineuses qu’elle contenait; mais elle ne s’oxygénera ou ne s’oxydera que sous l’influence de l’air et de la lumière.
« Si la benzine a été distillée plusieurs fois et que par ce fait on lui ait enlevé totalement les matières étrangères qu’elle contenait, elle ne se colorera plus sous l’influence de l’air, mème réunie à l’action de la lumière; elle ne s’oxydera pas, à moins d’une exposition très-prolongée, et elle ne le sera toujours que très-faiblement; on peut dire qu’elle est presque inerte.
» La benzine dans cet état peut être employée pour former un vernis héliographique, mais il faudra alors une bien plus longue exposition du vernis à l’air et à la lumière, puisque la sensibilité ne proviendra plus, pour ainsi dire, que du bitume de Judée et surtout de l’essence.
« Les essences se comportent de même que la benzine; seulement il y a une très-grande variation dans le temps nécessaire pour qu’elles soient influencées par l’air et la lumière réunis. La différence existe non-seulement pour chaque espèce, mais même dans celles de même espèce.
» Voilà les observations qui résultent de mes expériences et que j’ai cru devoir communiquer à l’Académie, parce qu’elles me semblent avoir quelque intérêt pour la science. «
HÉLIOGRAPHIE. - Mémoire sur la gravure héliographique obtenue directement dans la chambre noire et sur quelques expériences scientifiques; par M. Niepce de Saint- Victor. (Extrait.)
« Pour compléter les procédés de gravure héliographique, il fallait obtenir directement dans la chambre noire une épreuve sur la planche d’acier, lequel résultat n’avait été obtenu jusqu’à ce jour que dans des conditions qui ne permettaient pas de faire mordre la planche.
» Je suis parvenu à combler cette lacune, et j’ai l’honneur de présenter aujourd’hui à l’Académie des épreuves tirées d’une planche d’acier dont le dessin héliographique a été obtenu directement dans la chambre noire, sans aucune retouche, car c’est moi-même qui ai fait toutes les opérations, et je ne suis pas graveur.
» Dans les opérations par contact, c’est-à-dire où un dessin noir est appliqué contre la plaque d’acier rendue sensible par le bitume, opérations que j’ai décrites dans les précédents Mémoires, on obtient sur la planche une image parfaitement découverte, c’est-à-dire où le métal est à peu près complétement à nu dans les parties correspondantes aux ombres les plus fortes: du moins c’est ainsi que doit se présenter l’image pour qu’elle soit dans de bonnes conditions de morsure.
» Mais, lorsqu’on opère dans la chambre-noire, on ne doit pas chercher à obtenir une image semblable à celle venue par contact, c’est-à-dire ressemblant à l’image daguerrienne, parce que dans ce cas il faudrait employer un vernis nouvellement préparé et non sensibilisé (comme je l’indiquerai plus loin), ce qui nécessiterait une très-longue exposition à la lumière.
« J’ai donc cherché un vernis qui produisît une image à la chambre noire, dans le moins de temps possible et dans de bonnes conditions de morsure, et je n’ai pu obtenir ce résultat qu’en me servant d’un vernis rendu beaucoup plus sensible par une exposition à l’air et à la lumière; mais alors ce vernis ne produit plus que des images qui ne se découvrent pas entièrement, c’est-à-dire qui sontvoilées, comme je les ai désignées dans mon dernier Mémoire, mais il est nécessaire qu’elles soient ainsi quand on opère dans la chambre noire.
« Tous les bitumes de Judée peuvent être rendus propres à la gravure héliographique dans la chambre noire, en observant toutefois que l’avantage restera toujours à ceux de ces produits exceptionnels qui, ayant une sensibilité naturelle, sont bien préférables, parce qu’ils donnent en très-peu de temps une image moins voilée que celle obtenue au moyen d’un vernis sensibilisé par une exposition à l’air et à la lumière.
» Le bitume de Judée étant dissous dans de la benzine et un dixième d’essence de citron, comme je l’ai indiqué dans mon derniernier Mémoire, le vernis ainsi préparé et contenu dans un flacon non entièrement rempli et dont le bouchon laisse pénétrer l’air, onl’expose à la lumiére solaire pendant une demi-heure ou une heure au plus, ou bien pendant cinq à six heures à la lumiére diffuse.
« Le temps de l’exposition à l’air et à la lumière doit varier en raison de la sensibïlité naturelle du bitume de Judée, et selon que la benzine et l’essenee ont déjà subi, plus ou moins, l’action de l’air et de la lumiére, car ces agents exercent leur action avec use telle rapidité sur la benzine et sur l’essence de citron, qu’il faut n’employer ces substances que nouvellement extraites ou lorsqu’elles ont été préservées de toute action de la lumière; elles peuvent sans inconénient avoir subi l’influence de l’air seul, j’en donnerai les raisons dans la seconde partie de ce Mémoire.
« Il faut étudier la sensibilité du vernis, et, pour la connaître, je conseille de faire quelques essais par contact: si l’on obtient une bonne épreuve en trois ou quatre minutes au soléil (avec une épreuve photographique sur verre albuminé) sans que l’image soit voilée, le vernis sera alors assez sensible pour qu’on opère dans la chambre noire.
« Le temps d’exposition de la planche vernie placée dans la chambre noire varie entre une demi-heure et trois heures au soleil, ou de deux à six à la lumière diffuse. On peut rendre le vernis beaucoup plus sensible en l’exposant plus longtemps à l’air et à la lumière; mais plus le vernis sera sensible, moins l’image se découvrira par l’action du dissolvant, et si l’on prolongeait par trop l’exposition du vernis a l’air et à la lumiére, il deviendrait complétement inerte : il faut même, pour éviter cet inconvénient, n’en préparer qu’une petite quantité à la fois, parce que, une fois que le vernis a subi l’influence de l’air et de la lumière, il acquiert encore de la sensibilité quoique renfermé hermétiquement et tenu dans l’obscurité, ce qui ferait penser que, une fois que le vernis a subi l’influence de l’air et de la lumièrère, l’action continue quoiqu’il soit soustrait à ces agents.
» J’ai à parler maintenant de la résistance du vernis à l’action. de l’eauforte; dans les opérations par contact, il offre généralement plus de résistance que lorsqu’on opère dans la chambre noire. J’ai du chercher à consolider le vernis de cette dernière image.
» Après de nombreuses expériences sur les essences que l’on pouvait employer en mélange avec la benzine pour obtenir une plus grande imperméabilité, je n’ai rien trouvé qui remplaçât avec avantage l’essence de citron; mais elle ne donne pas toujours une résistance suffisante, et la premiére condition, c’est que le vernis qui a recu l’épreuve dans la chambre noire et qui est resté adhérent à la plaque après l’action du dissolvant, présente le même aspect après qu’avant son exposition à la lumière, c’est-à-dire un aspect brillant et irisé, sans que l’image soit trop voilée.
» Lorsque le vernis est dans cet état, on peut, surtout si on le laisse quelques jours exposé à un courant d’air, faire mordre la planche; mais il est plus prudent d’employer les vapeurs d’essence d’aspic que j’ai indiquées dans mon dernier Mémoire sous le nom de fumigations et que je n’ai pas encore trouvé le moyen de remplacer avantageusement; il faut seulement avoir soin de les appliquer convenablement.
» J’ai dû supprimer sur les épreuves obtenues directement à la chambre noire le grain d’aqua-tinta, que l’on souffle sur la reproduction d’une épreuve photographique obtenue par contact sur la plaque d’acier.
« Quelquefois une morsure assez profonde faite avec l’eau-forte seule (surtout sur de petites images très-fines) permet d’encrer et de tirer de bonnes épreuves; mais souvent il arrive qu’en voulant pousser trop loin la morsure on détruit les finesses de l’image, parce que les traits les plus fins se trouvent rongés.
« Il est donc préférable, surtout sur de grandes images, de ne pas pousser la morsure si loin et de donner ce que j’appellerai le grain chimique, que j’obtiens au moyen de l’eau d’iode, qui dans ce cas vient dépolir légèrement les tailles faites par l’eau-forte. On peut alors encrer une planche mordue à peu de profondeur, et le dessin n’aura rieu perdu de sa finesse si l’on a eu le soin de ne pas trop prolonger l’action de l’eau iodée.
» Puisqu’on n’applique plus le grain d’aqua-tinta à la résine et que, par conséquent, on ne chauffe plus la plaque, on peut, si l’on veut, employer le vernis au caoutchouc, que j’ai indiqué dans mon dernier Mémoire pour la gravure sur verre; mais cependant je préfère l’emploi des fumigations et du vernis dont j’ai détaillé la formule dans ma précédente communication, parce que ce vernis, étant plus homogène, donne des traits plus purs.
« Il est nécessaire que la benzine soit desséchée si l’on veut avoir une belle couche de vernis; quant aux détails de manipulation, je me propose de les indiquer dans un Manuel de la gravure hétiographique, dans lequel je réunirai et je résumerai tout ce que j’ai publié sur ce sujet.
» Au moyen des opérations que je viens de décrire, on obtient directement à la chambre noire sur une planche d’acier une image photographique gravée et dont on peut tirer, par l’imprimerie en taille-douce, des épreuves qui, par le modelé et la finesse des traits, peuvent rivaliser avec les épreuves photographiques sur papier. Elles ont, de plus, l’avantage d’être inaltérables, de pouvoir être tirées à un grand nombre d’exemplaires, et, par conséquent livrées à très-bon marché.
« Il ne me reste plus qu’à rendre le vernis plus sensible, tout en lui conservant ses propriétés, afin d’abréger le temps d’exposition dans la chambre noire; je continuerai mes recherches jusqu’à ce que j’aie obtenu ce résultat, ainsi que l’application de ce procédé à la reproduction des tableaux à d’huile. Tous mes efforts tendent à achever l’oeuvre commencée par mon oncle Nicéphore Niepce: je serais heureux d’avoir atteint ce but tant désiré.
Action des différents gaz sur une plaque enduite d’un vernis héliographique composé de bitume de Judée.
« Comme l’avait prévu M. Chevreul , on sait aujourd’hui par mes expériences
que le vernis héliographique ne subit aucune altération dans le vide lumineux; il restait à savoir quel était le gaz qui agissait le plus dans la composition de l’air atmosphérique.
« A priori, on pouvait dire que c’était l’oxygène de l’air qui agissait sur le vernis héliographique, en produisant une oxydation comme sur beaucoup d’autres corps.
« Aujourd’hui je puis affirmer que c’est bien réellement le gaz oxygène qui agit, car il résulte des expériences comparatives que j’ai faites aux Gobelins, sous les yéux de M. Chevreul, que l’oxygène a constamment agi plus efficacement que l’air, sans cependant que les résultats de son action soient trés-différents de ceux que l’on obtient à l’air libre.
« L’hydrogène n’a rien donné; l’azote pur, rien non plus: de sorte qu’il est bien évident que l’oxygène est indispensable pour que ces phénomènes photographiques aient lieu sur des substances organiques.
« Si, au coutraire, on opère sur des matières inorganiques, telles que les sels d’argent que l’on emploie en photographie, l’air atmosphérique ne joue aucun rôle, puisque les composés d’argent noircissent dans le vide lumineux. Il ne m’a pas été possible de constater une différence sensible, et si j’en admettais une, elle serait plutôt en faveur du vide,
« Tels sont les résultats que j’ai obtenus en répétant un grand nombre de fois les mêmes expériences et en opérant dans les meilleures conditions possibles; car je dirai que j’ai été grandement aidé par M. Decaux, préparateur de M. Chevreul aux Gobelins, que je suis heureux de citer ici.
Observations sur l’action différente que l’air et la lumière exercent sur la benzine et les essences.
» J’ai dit dans la première partie de ce Mémoire quelle était l’action de l’air et de la lumière sur le vernis héliographique à l’état liquide; je crois devoir à ce sujet donner le résultat de quelques observations.
« L’air atmosphérique seul agit différemment sur la benzine que si l’air et la lumière agissent ensemble, d’où il résulte que la benzine peut être fortement colorée par l’influence de l’air seul, si la distillation ne lui a pas enlevé complétement les matières résineuses ou bitumineuses qu’elle contenait; mais elle ne s’oxygénera ou ne s’oxydera que sous l’influence de l’air et de la lumière.
« Si la benzine a été distillée plusieurs fois et que par ce fait on lui ait enlevé totalement les matières étrangères qu’elle contenait, elle ne se colorera plus sous l’influence de l’air, mème réunie à l’action de la lumière; elle ne s’oxydera pas, à moins d’une exposition très-prolongée, et elle ne le sera toujours que très-faiblement; on peut dire qu’elle est presque inerte.
» La benzine dans cet état peut être employée pour former un vernis héliographique, mais il faudra alors une bien plus longue exposition du vernis à l’air et à la lumière, puisque la sensibilité ne proviendra plus, pour ainsi dire, que du bitume de Judée et surtout de l’essence.
« Les essences se comportent de même que la benzine; seulement il y a une très-grande variation dans le temps nécessaire pour qu’elles soient influencées par l’air et la lumière réunis. La différence existe non-seulement pour chaque espèce, mais même dans celles de même espèce.
» Voilà les observations qui résultent de mes expériences et que j’ai cru devoir communiquer à l’Académie, parce qu’elles me semblent avoir quelque intérêt pour la science. «
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