quarta-feira, 2 de dezembro de 2009

Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences

1845

21 de Julho

Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences

T. XXI

Nº. 3

Pag. 242, 243, 244, 245, 246

Anthropologoie Comparée. – Observations sur l’application de la photographie à l’étude des races humaines ; par M. Serres.

 

« En présentant à l’Académie, il y a environ un an, M. Arago et moi, les épreuves photographiques des Botocudes, faites par M. Thiesson, nous fîmes remarquer toute l’utilité que cet art promettait pour l’étude des races humaines, ou l’anthropologie comparée.

« Nous fîmes remarquer que l’imperfection de cette branche de l’histoire naturelle, se sensible quand on la rapproche du degré de perfection où est parvenue la zoologie, avait une de ses principales causes dans l’absence d’un Musée anthropologique.

« Quand on suit, en effet, les progrès récents et si rapides de la zoologie, on trouve qu’ils datent de l’époque où de grands Musées, fondés sur plusieurs points du monde savant, ont permis aux zoologistes de substituer, auxdescriptions toujours insuffisantes, l’examen direct et comparatif des objets de leurs études. Cet examen comparatif et direct manquant aux anthropologistes, la partie spéculative de la science a pris le dessous sur sa partie positive ; les hypothèses et les systèmes ont pris et ont dû prendre la place des faits.

« Dans cet état de la science, et d’après les difficultés de toute nature qui redent si diffcile l’établissement d’un Musée anthropologique, on conçoit l’intérêt qui se rattache à la représentation fidèle et rapide des caractères physiques de l’homme, surtout quand, à cette fidélité de reproduction des caractères, se joint la possibilité de les saisir sous leurs divers rapports. C’est ce que fait l’art photographique, c’est ce que nous montrèrent, à un degré très-satisfaisant, les épreuves des Botocudes que M. Thiesson soumit à notre examen.

« Ce fut aussi en considérant la pureté des caractères de ces indigènes de l’Amérique, et l’effet qui ressortait de leur ensemble, que nous entrevîmes toute l’utilité d’un Musée photographique des races humaines, pour les progrès de l’anthropologie et l’enseignement de cette science.

« Cette idée d’utilité, partagée par M. Thiesson, devint la cause déterminante d’un voyage au Portugal et en Italie, pour en assayer la réalisation. Comme on devait s’y attendre, cet essai a eu des résultats qui mettent hors de doute toute l’importance de l’art photographique pour l’histoire naturelle de l’homme.

« Ainsi que nous l’avions conseillé à M. Thiesson, la race africaine ou éthiopique a été le premier objet de ses études photographiques. Il a rapporté de son voyage vingt-deux épreuves de cette race, prises à Lisbonne, à Cadiz, et représentant des individus d’âge et de sexe divers. Ce sont ces épreuves que M. Arago vient de soummettre à l’examen de l’Académie, et dont il a fait remarquer tout le degré de précision.

« Quoique prises au hasard, chacune de ces épreuves présente un intérêt scientifique spécial ; et lorsqu’on les compare entre elles pour saisir leur ensemble, cet intérêt scientifique accroît encore à cause de la nature même de la race éthiopique, si anciennement connue et si étrangement défigurée par les vues systématiques des philosophes et des anthropologistes.

« Les premiers, en y voyant le passage du singe à l’homme, passage qui leur était nécessaire pour établir la série continue des êtres organisés, ont préparé sans le vouloir le code affreux de la traite des noirs. Les seconds, par une voie opposée, c’est-à-dire en les comparant à la race européenne, ont été conduits à exagérer leur dégradation en descendant pour leur terme de rapport à la race hottentote et boschismane. Dans les deux cas, le nègre est quelque chose de plus qu’un singe, mais il est considéré comme quelque chose de moins qu’un homme. Nos descriptions se ressentent encore de cette fâcheuse empreinte, par la raison que les vues si philanthropiques de Volney pour l’effacer, sont toutes des vues physiologiques erronées.

« Pour assigner à la race africaine le rang qu’elle doit occuper dans la grande famille humaine, il est indispensable d’avoir sous les yeux les variétés nombreuses dont elle se compose, varétés plus tranchées que dans les autres races, et que la photographie, par la rapidité de son exécution, est plus propre à nous reproduire que tou autre procédé.

« Les épreuves prises par M. Thiesson en montrent déjà quelques-unes, et l’on suit le passage de l’une à l’autre, avec une netteté qui concorde avec les règles de l’anthropogénie et de l’embryogénie comparée.

« L’essai de M. Thiesson, sur la reproduction d’une partie des types de la race africaine ou éthiopique, a donc pour résultat de montrer expérimentalement, toute l’utilité de l’art photographique pour l’étude des races humaines.

« Si, comme nous le disions il y a un instant, les progrés de la zoologie sont dus en grande partie à la fondation moderne des Musées zoologiques ; si, par le rapprochement des caractères des animaux, on a pu apprécier avec certitude leurs véritables rapports et les classer méthodiquement ; si le résultat philosophique de la zooclassie a été de nous apprendre ce que sont dans l’ordre de la création, et les unes par rapport aux autres, les grands coupes du régne animal ; si, en un mot, l’étude des faits a été substituée dans cette science à l’entraînement de l’esprit de systéme, que ne doit-on pas espérer de l’introduction des faits dans une science qui, comme l’anthropologie, en a presque été dépourvue jusqu’à ce jour ? dans une science où l’absence des faits a rendu presque nécessaire l’esprit de système, sans posséder aucun moyen positif qui pût en modérer les écarts ? Aussi, depuis Platon, depuis Galien, que d’hypothèses sur l’homme et sur la nature humaine ! aussi, depuis Linné, Buffon et Zimmermann, que d’opinions sur la génération de ses caractères, sur la dispersion de l’homme sur la surface du globe, sur la circonscription des races et leur délimitation, sur  le parallèle des zones des variétés humaines avec les zones animales et végétales ; et, enfin, sur l’action que les influences de localité ont pu exercer sur le développement du physique et du moral de l’espèce humaine !

« Parmi ces matérieux, il en est sans doute de très-précieux; mais le moyen de les juger, le moyen de les apprécier à leur juste valeur nous manquera, tant que les carctères humains des races ne seront pas déterminés avec précision.

« Or, cette précision dans la détermination des caractères des races humaines et de leurs variétés qui, comme on le voit, doit constituer le premier terme de l’anthropologie, nous ne pouvons espérer de l’obtenir que lorsqu’un Musée anthropologique, mettant en présence tous ces caractères, permettra aux anthropologistes de saisir leurs rapports et d’apprécier leur transformation.

« C‘est ce que les professeurs du Muséum d’Histoire naturelle de Paris ont parfaitement compris ; c’est ce que Gouvernement a parfaitement exprimé dans l’ordonnance du 3 décembre 1838 (*) ([i]), qui transforme la chaire d’Anatomie humaine du Muséum, en chaire d’Anatomie et d’Histoire naturelle de l’homme. Mais c’est aussi ce que des obstacles de toute nature ont empêché d’exécuter jusqu’à ce jour.

« La découverte de M. Daguerre, en nous donnant le moyen de fonder un Musée photographique, dans lequel pourront être reproduits et ces caractères et leurs modificationset leurs transitions, est donc une des acquisitions d’autant plus ptécieuse que, comme vient de le dire avec tant de raison M. Arago, il ne sera plus indispensable d’entreprendre de longs voyages pour aller à la recherche des types humains.

« Ces types viendront eux-mêmes au-devant de nous par les progrès incessants de la civilisation. Nos grandes villes, nos ports de mer en présentent constamment; il ne s’agit que de les saisir au passage et d’en fixer les traits et les caractères. Or, comme on vient de le voir, c’est ce que fait l’art photographique avec une perfection rare, et une rapidité qui ajoute encore à sa valeur »

 

(Une Commission, composée de MM. Arago, Serres, Flourens, Dumas et Bory de Saint-Vincent, est chargée de faire un Rapport sur les résultats obtenus par M. Thiesson, considérés en eux-mêmes et dans leur rapport avec l’anthropologie.)



([i]) (*) Cette ordonnance, un des actes les plus remarquables du premier ministère de M. de Salvandy, assure l’avenir de l’anthropologie comparée. Dans mon ouvrage sur l’anatomie comparée du cerveau, et dans celui sur les lois de l’ostéogénie, couronnés tous les deux par l’Académie, en 1819 et 1821, j’avais montré, d’après des faits nombreux d’organogénie, que l’embryogénie comparée devait servir de fondement à cette nouvelle science. J’avais montré qu’en considérant l’embryon comme la miniature de l’adulte, on n’était pas seulement en dehors de la vérité, mais que de plus toutes les branches de l’étude physique de l’hommme se trouvaient enrayées par cette hypothèse. L’anthropologie comparée se trouvait arrêtée de plus par cette autre hypothèse de la préexistence des germes et de leur emboîtement qui avait abouti, en zoologie, à faire supposer l’immutabilité des espèces.

Quoique la majorité des faits qui servent de base à ces ouvrages aient été adoptés dans la science, il était à craindre peut-être qu’ils ne fussent délaissés à cause de la difficulté de leur vérification.

Désormais ce delaissement set peu probable ; car dans les considérants qui précèdent l’ordonnance, il est enjoint au professeur d’exposer les caractères des races humaines, de suivre leur filiation, et il lui est recommandé de continuer le cabinet anthropologique, dans le double but de rendre les leçons plus positives et de faciliter les travaux relatifs à l’histoire naturelle de l’homme.

Or, dans l’état présent des sciences anatomiques, nul professeur ne pourra convenablement remplir cette tâche, sans prendre ses point d’appui sur l’organogénie et l’embryogénie comparées.

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