terça-feira, 23 de março de 2010

L’Artiste - NOUVEAUX PROCÉDÉS SCIENTIFIQUES APPLIQUÉS AUX ARTS

1841
L’ARTISTE
2e Serie
Tome VII
Supplément à la
6e Livraison
Pag. 93, 94, 95, 96
NOUVEAUX PROCÉDÉS SCIENTIFIQUES

APPLIQUÉS AUX ARTS


Sans anticiper en aucune manière sur l'avenir, on peut déjà prévoir que les historiens futurs regarderont comme l'un des caractères distinctifs de notre époque la part trés-active que prennent les sciences physiques au progrès et à l'application des arts du dessin. Cet état de choses est bien constaté pour nos lecteurs, car nous leur avons tour à tour et à des intervalles très-rapprochés, fait connaître les magnifiques inventions de MM. Daguerre, Colas et Jacoby. Mais notre tâche ne devait pas se terminer là; elle se continue, et même, en présence des faits, elle prend une importance telle que désormais nous consacrerons, à l'occasion, quelques page de l'Artiste à un compte-rendu des nouvelles ressources dont la science enrichit tous les jours les Beaux-Arts.

Ce point de vue manquait à notre histoire encyclopédique, et il fournira de curieus chapitres. C'est donc avec confiance que nous avons accepté ce progrès, comme tous les progrès véritables de l'esprit humain; car il nous est démontré et il nous sera facile de prouver que les résultats de cette amélioration des procédés matériels ne peuvent être que très-heureux, en somme, pour les Beaux-Arts et pour les artistes qui ont une juste idée de leur noble profession. Pourtant, nous éprouvons quelque regret à le dire, les innovations ont fait naître des apréhensions ridicules chez quelques esprits timides et peu éclairés. Des dessinateurs, dans la crainte de se voir tout à coup enlever leur industrie, ont laissé tomber le crayon de leur débile main, en disant que l'art, ô blasphème! ne saurait lutter, dans l'avenir, contre la science qui reproduisait la nature mieux qu'ils ne pouvaient le faire; comme si c'était le dernier but de l’art de fixer la réalité, ou de chercher son image. Une théorie si puérile ne mérite pas même un sérieux examen. Bien des artistes n'en ont pas d'autre, vous dira-t-on; et on ne peut s'étonner d'entendre proférer de pareilles hérésies, quand elles ont trouvé dernièrement des échos au sein de l'Institut, et peut-être dans la section même des Beaux-Arts.

A ce sujet, nous consignerons ici une anecdote curieuse, et encore très-récente. Un naturaliste de l'Académie des Sciences, M. Turpin, avait lu, devant ses honorables collègues, un rapport dans lequel il avait à exprimer son opinion sur le secours qu'on pouvait tirer du Daguerréotype dans la reproduction des sujets d'histoire naturelle; conduit par ses recherches à resteindre l'emploi de cet ingénieux instrument, M. Turpin s'était cru dans l'obligation d'atténuer la critique qu'il avait faite du Daguerréotype, par un pompeux éloge de cette invention; elle était destinée, selon le savant académicien, à rectifier les productions de la peinture et de la sculpture, auxquelles il adressait, du point de vue de l'histoire naturelle et de la géométrie, de sévères reproches.

Alors, M. Poinsot, prenant la parole, fit observer à ses collègues que les reproches formulés par M. Turpin, au nom de la reproduction rigoureuse et géométrique de la réalité extérieure, ne pouvaient être, en aucune facon, adressés aux artistes; que l'art, tel qu'il fallait le comprendre, n'était pas seulement une imitation de la nature, mais encore une interprétation idéale, une transfiguration de la réalité; qu'en vertu de ces principes d'esthétique, les artistes avaient raison de sacrifier, jusqu'à un certain point, l'exactitude mathématique à l'expression.

M. Poinsot, en terminant ces observations pleines de sens, avait eu soin de dire qu'il n'énonçait pas une théorie nouvelle, qu'il ne faisait que rétablir en passant, dans ses véritables termes, la question de la science et de l'art.

Certes, il était permis à des physiciens, à des astronomes, à des naturalistes, à des géographes, de s'exagérer l'importance d'une invention qui, après tout, devait leur faciliter certaines découvertes scientifiques; mais l'Académie des Beaux-Arts est-elle excusable de ne s'être pas exprimée en termes clairs au sujet du Daguerréotype, et d'avoir semblé consacrer, en se taisant, une grave erreur?

Disons-le donc hautement, c'est à l'Académie des Sciences qu'appartient l'honneur d'avoir, par l'organe de M. Poinsot, su distinguer les attributions de la science de celles de l'art; d'avoir enfin exposé fort à propos une théorie dont relèvent les chefs-d'œuvre anciens et modernes.

En prenant à coeur, avec une louable discretion, de limiter, de définir elle-même ses prétentions, la science ne continuait pas moins de seconder les artistes dans l'objet constant de leurs études, soit en leur dévoilant les secrets de la nature, soit en enrichissant de nouveaux perfectionnements leurs procédés pratiques. Ainsi, M. Daguerre poursuivait dans la retraite, d'essais en essais, l'œuvre merveilleuse de la photographie. Cet ingénieux et patient artiste est parvenu à perfectionner beaucoup l'instrument qui porte son nom; désormais, il ne faudra plus quelques minutes au miroir de métal pour garder l'empreinte des images qu'il réfléchit: en une fraction de seconde l'opération sera faite, et les arbres, le ciel, l'eau, les nuages, les hommes et les animaux, tout ce qui, dans la nature, est doué de mouvement, sera comme pris sur le fait, et reproduit avec cette admirable précision qui caractérise les planches daguerriennes. Un pareil résultat en fait espérer bien d'autres. Attendons, et encourageons de tous nos vœux, de tous nos éloges, un artiste plein de cœur et de désintétressement, qui emploie au profit de la science et de l'art les loisirs dont il peut disposer, grâce à la pension viagère dont il jouit. Ce témoignage de la reconnaissance nationale ne pouvait être mieux placé, et il honore à la fois celui qui le reçoit et ceux qui l'on voté.

L'invention qui est destinée à faire la gloire du professeur Jacoby, de Saint-Pétersbourg, est entrée, elle aussi, dans une voie de perfectionnement. On en a fait de nombreuses applications depuis l'été dernier, époque à laquelle nous publiâmes, dans l'Artiste, une note descriptive du procédé galvano-plastique. On se souvient encore d'une lettre de M. le comte de Démidoff, que nous avons publiée sur le galvano-plastique, et de celle qui nous fut adressée par M. Boquillon, pour revendiquer, sinon l’honneur d'avoir précédé M. Jacoby dans la découverte de la propriété réductive des courants électriques, au moins pour faire connaître qu'il avait obtenu les mêmes résultats que ceux annoncés par le professeur russe, sans avoir rien connu de ses procédés. M. Boquillon , depuis lors, n'a pas cessé de mettre en application et de rendre industrielle la belle découverte dont il eût voulu pouvoir doter la France. Nous avons vu chez M. Soyer, fondeur de la Colonne de Juillet, et associé de M. Boquillon, de nombreux spécimens de diverses grandeurs, qui reproduisent avec une grande fidélité les productions de la sculpture. Mais il est un autre résultat qui doit intéresser au plus haut point ceux qui s'occupent de l'art typographique: M. Boquillon est parvenu, sans compromettre la planche originale gravée (elle peut être en acier), à reproduire autant de planches qu'on le voudra de toute espèce de gravures en taille-douce. De plus, il obtient directement des vignettes en relief sur cuivre, sur un simple dessin, ou au moyen d'une épreuve en taille-douce. Ces dernières applications sont assez avancées, et deviendront bientôt de puissantes ressources pour la typographie et les éditeurs d'estampes.

L'instrument galvano-plastique est confectionné avec beaucoup de soin par deux ingénieurs-opticiens, MM. Chevallier et Lerebours, qui luttent de talent et d'habileté. Nous avons vu, chez ce dernier, de petits appareils d'amateurs, au moyen desquels on peut reproduire des médailles et une collection très-variée de produits électro-typiques, d'après des camées, des pierres gravées et des bas-reliefs. Ces petits appareils sont entièrement en verre, ce qui permet, pour ainsi dire, de suivre le progrès de l'opération, et de voir le métal se réduire et se fixer sur la surface dont il prend l'empreinte.

M. Charles Chevallier a obtenu, dès ses premiers essais, un résultat qui peut donner une idée de la finesse avec laquelle on peut mouler par le procédé Jacoby dans un cas, l'application du métal fut si exacte, qu'une planche du Daguerréotype fut reproduite avec ses traits légers et si peu creusés. M. Chevallier est secondé dans ses recherches par MM. Henriquel-Dupont et Richoux, qui sont en mesure d'appliquer leurs essais de reproduction à de grandes planches. De leur côté, MM. Boquillon et Lerebours ont obtenu des résultats qu'on peut dès à présent constater. A l'étranger, on a déjà su tirer un parti industriel du procédé Jacoby; en Angleterre, quelques fabricants de bronzes emploient l'appareil galvano-plastique pour mouler des ornements ciselés; on a également reproduit, par ce moyen, des rouleaux pour l'impression des étoffes. On le voit, cette belle découverte se prête aux besoins les plus variés. Cependant, par sa nature, ce procédé ne donne que deux résultats distincts d'où découlent toutes les autres applications. La propriété réductive des courants électriques est de rendre deux corps séparés adhérents l'un à l'autre. Si entre ces deux corps on place une substance grasse comme pour le moulage en plâtre, le premier corps prend l'empreinte du second en creux ou en relief.

Le premier de ces deux résultats a conduit un professeur de Genève, M. de la Rive, à substituer à l'ancienne dorure par lemercure un procédé de dorage par la voie humide et au moyen de petites forces électriques. Tout dernièrement, un graveur, aussi de Genève, M. Hammann, a fait une ingénieuse application du procédé de M. de la Rive à la gravure à l'eau-forte. L'artiste a doré, au lieu de la recouvrir de cire, la plaque destinée à recevoir la gravure, puis il a tracé sur la surface de cette plaque les traits de son dessin, en enlevant l'or partout où passait sa pointe. II a ensuite étendu l'eau-forte, qui a attaqué et corrodé le cuivre partout où il avait été mis à nu.

Ce procédé de gravure se distingue de celui dans lequel on emploie un enduit de cire, par certains avantages particuliers; la dorure étant permanente, on peut corriger la planche, si on n'est pas satisfait des premières épreuves.

Dans l'ancien procédé de l'eau-forte, la cire une fois enlevée, il devient difficile de faire des corrections. Ensuite, il est à remarquer que les traits donnés par l'enduit d'or sont beaucoup plus nets, plus fins et plus déliés que ceux obtenus par la pointe sur l'enduit de cire. L'aspect du travail est charmant. Un échantillon de ce genre de gravure, qui a été envoyé à l'Académie des Sciences, nous fait vivement désirer de voir nos artistes mettre en œuvre ce procédé aussi simple que peu coûteux.

L'industrie de Genève apprécie tous les jours l'application économique du système de M. Jacoby au dorage, par M. de la Rive, et les graveurs profiteront aussi de cette ressource; car la dorure par le mercure, outre qu'elle est beaucoup plus chère que la première, ne présente point les mêmes avantages, et ne se prête pas avec la même facilité aux besoins de la gravure.

On sait que les ouvriers doreurs avaient jusqu'alors éprouvé, sans qu'on pût porter remède à ce mal, les terribles effets que produit toujours le mercure sur ceux qui se condamnent à en faire un fréquent emploi dans leurs travaux. C'était, sans doute, un honorable devoir de la science d'imaginer un système de forge qui fût capable de rendre à la fois un grand service, et à l'humanité, en rendant ses besoins moins barbares, et à l'industrie, en lui conservant des ouvriers; mais l'honneur d'une pareille invention devait appartenir à un ouvrier doreur, Jacques Muller, celui qui a imaginé cette forge portative dont nous vous parlions l'autre jour, et qui est construite de façon à ce que le mercure s'évapore sans aucun danger pour ceux qui en font usage. Au nom de cet ouvrier, il faudra joindre désormais ceux de M. Jacoby et de M. de la Rive, qui, dès qu'il pourra appliquer à de grandes pièces son procédé de dorage, rendra presque inutile la forge de Muller, ou du moins en limitera l'usage à un certain nombre de cas, dans lesquels on serait forcé de se servir de mercure.

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