domingo, 9 de maio de 2010

COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES

1840

23  de Março

COMPTES RENDUS  DES SÉANCES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES

Janvier-Juin

T. X

Nº. 12

Pag. 483, 484, 485, 486, 487, 488

MÉMOIRES ET COMMUNICATIONS

DES MEmBRES ET DES CORRESPONDANTS DE L'ACADéMIE.

 

PHYSIQUE. -  Note sur des dessins photogéniques de M.Talbot; par M. Biot.

 «  J’ai l’honneur de présenter à l’Académie, de la part de M. Talbot, quarante dessins photogéniques, effectués sur des papiers sensibles, dans des circonstances et sous des conditions diverses. Les uns sont obtenus par application, d’autres par action directe dans la chambre obscure. Leur exécution me semble au moins égaler tout ce qu’on a présenté jusqu’ici dans ce genre, surtout en considérant qu’un grand nombre d’entre eux, et des plus satisfaisants, ont été faits dans toute la défaveur de la saison actuelle. M. Talbot ne nous découvre pas encore son procédé, non par l’intention d’en faire un mystère, mais parce qu’il a l’espérance prochaine de pouvoir accroître sa sensibilité, et qu’il veut profiter du retour des beaux jours pour réaliser les perfectionnements qu’il a conçus. Les résultats, tels qu’ils sont, présentent déjà plusieurs indications précieuses pour la physique; et afin qu’elles soient mieux saisies, je ferai précéder l’exhibition des dessins de quelques remarques qui m’ont été suggérées par leur inspection, ou que j’ai trouvées dans les lettres de M. Talbot.

» On ne doit pas s’attendre que des dessins photogéniques, faits sur papier, puissent jamais égaler la netteté et la finesse de ceux que l’on obtient sur des plaques métalliques planes et polies. La contexture pâteuse du papier, ses aspérités superficielles, la profondeur de l’imbibition, et la communication capillaire qui s’établit entre lei diverses parties de sa surface inégalement impressionnées, sont autant d’obstacles qui s’opposent à la rigueur absolue du tracé linéaire, ainsi qu’à la parfaite degradation des teintes dans la chambre obscure; et l’influence de ces obstacles est d’autant plus forte, que l’opération chimique est plus lente à s’effectuer. Mais lorsqu’on n’a pas la prétention, ou la nécessité, de se soumettre aux délicatesses exigeantes de l’art, l’orsqu’il s’agit, par exemple, de copier fidèlement des manuscrits rares, ou de recueillir des impressions de voyage, si l’on a des papiers vivement impressionnables dans la chambre obscure, comme on parviendra sans doute à en découvrir, ils suffiront parfaitement; surtout lorsqu’ils offriront, comme celui de M. Talbot, la facilité de tirer tout de suite plusieurs reproductions du dessin primitif, ainsi qu’on en verra tout-à-l’heure des exemples. Alors, sans doute, on trouvera plus commode, souvent même plus sûr et plus praticable, de renfermer quatre ou cinq cents dessins dans un portefeuille, que de transporter une pareille provision de plaques métalliques avec leurs cadres de verre, de recouvrir avec ces protecteurs indispensables, des empreintes parfaites, il est vrai, mais aussi légères que la vapeur dont elles sont nées, et enfin de ramener la volumiueuse collection de ces frêles produits à travers les accidents de voyages longs, difficiles, quelque fois périlleux. Des tentatives se font, en ce moment, pour fixer les images daguerriennes; et il faut sans doute les accueillir avec faveur. Mais quiconque a étudié attentivement la réunion des conditions physiques d’où résultent ces admirables images, trouvera bieu difficile, je suis Ioin de dire impossible, de les fixer sans détruire, ou au moins sans altérer essentiellement les causes mêmes qui produisent leur charme; et alors, pour les applications dont je parlais tout-a-l’heure des papiers vivement impressionnables auraient encore les avantages d’un transport moins embarrassant, comme aussi d’une plus facile conservation.

« L’utilité des papiers sensibles, pour copier des textes, était une conséquence naturelle de la netteté des copies de gravures que M. Talbot avait déjà obtenues par application, et qui avaient été présentées à l’Alcadémie. II en a compris d’autres dans son nouvel envoi; mais il y a joint aussi quatre exemples de cette application spéciale, qui consistent dans des copies d’un psaume hébreu, d’une gazette persanne; et d’une vieille charte latine de l’an 1279. Nos confrères de l’Académie des Belles-Lettres, auxquels j’ai présenté ces Cpreuves, se sont plu à remarquer la fidélité des caractères, et leur netteté, qui les rend aussi lisibles que le texte original. Nul doute qu’il ne fût beaucoup plus prompt et plus exact de copier ainsi un vieux manuscrit, que de le transcrire à la main, même quand on saurait la langue dans laquelle il est écrit. Toutefois il y a encore ici un pas à faire. Ces copies sont obtenues par application; il faut arriver à les avoir par la radiation immédiate, dans la chambre obscure. C’est l’unique moyen d’étendre le procédé aux papyrus et aux autres manuscrits opaques, ou d’une transparence trop imparfaite pour que la radiation puisse les traverser. D’ailleurs, l’application des feuillets est difficile lorsqu’ils sont assem-blés en cahier, ou en volume, sans qu’on puisse les détacher les uns des autres.

» Mais cette extension importante du procédé exigera plusieurs perfectionnements physiques, vers lesquels les expérimentateurs devront diriger leurs efforts. Le premier sera d’accroître autant que possible la sensibilité du papier, afin que la communication de ses diverses parties, par capillarité, n’ait pas le temps de dénaturer les effets de l’action locale et immédiate de la radiation. Je serais porté à croire qu’on doit attribuer principalement à ce genre de communication le fait remarqué par M. Talbot, que, dans les expériences par application, il est plus difficile de reproduire nettement un tissu de dentelle noire étendu sur un fond blanc, qu’une dentelle blanche étendue sur un fond noir, deux cas dont il nous offre ici des exemples. Mais une autre difficulté plus cachée et plus générale me paraît provenir de l’inégale faculté des diverses substances, pour renvoyer les radiations qui les frappent, et peut-être de l’aptitude qu’elles auraient à les modifier physiquement. Par exemple, vous voulez copier par la radialion dans la chambre obscure un tableau peint sur toile, sur bois, ou sur porcelaine: les diverses substances colorantes employées par le peintre ont été posées et distribuées de manière que chacune d’elles absorbe certaines portions de la lu-mière incidente totale, et renvoie spécialement vers votre œil les portions complémentaires, où dominent les rayons propres à former la teinte dont il veut vous donner la sensation. Mais la radiation chimiquement active que les mêmes parties du tableau reçoivent et renvoient est distincte de la lumière qui affecte votre rétine(1) ([i]). Pour que l’effet chimique qu’elle produit sur le papier sensible, ou sur la couche d’iode deM. Daguerre offre, en clair, ou en ombre, l’équivalent de la nuance colorée, il faut: lº que cette radiaction renvoyée soit chimiquement active; 2ºque l’énergie de son action soit proportionnelle à l’intensité d’illumination opéréedans l’œil, par la portion de radiation lumineuse renvoyée du même point du tableau. Or cette dernière, concordance ne doit certainement pas être remplie dans en degré égal, par les diverses matières colorantes, qui affectent l’œil de la même manière, et que le peintre peut substituer les unes aux autres dans  son travail. Des substances de même teinte peuvent offrir, dans la quantité, ou la nature des radiations invisibles qu’elles renvoient, autant de diversités, ou des diversités du même ordre, que les substances de teinte différente en offrent relativement à la lumière: inversement elles pourront être semblables, dans leur propriété de renyoyer les radiations chimiques, quand elles sont dissemblables pour l’œil; de sorte que les différences de teintes qu’elles présentaient dans le tableau fait pour l’œi1 disparaîtront dans le tableau chimique, et s’y confondront en une ombre ou une blancheur uniforme. Ce sont là des difficultés généralement inhérentes à la formation des tabeux chimiques; et elles montrent, je crois, avec évidence, l’illusion des expérimentateurs qui ont espéré qu’on pourrait accorder, non-seulement l’intensité, mais les teintes des impressions chimiques produites par les radiations, avec les couleurs des objets dont ces radiations émanent. Toutefois, les relations prochaines ou éloignées de ces deux sortes de phénomènes sont extrêmêment curieuses à étudier, non-seulement pour l’art photogénique, puisqu’on lui a donné impropremént ce nom, mais encore pour la physique expérimentale elle-même. Je ne doute  pas qu’on n’en remarque des exemples dans les images daguerriennes des objets naturels et des tableaux colorés; mais on en voit de très apparents dans les épreuves actuelles de M. Talbot. Ainsi il y en a qui représentent des vases de porcelaine blanche, des coquilles colorées, un chandelier (de métal) avec sa bougie, un pied de jacinthes blanches. L’ensemble de, ces objets se sent et se percoit très bien dans leur image chimique; mais les parties qui renvoyaient la lumière purement blanche, probablement aussi les radiations de toute espèce, sont, relativement aux autres, dans une proportion d’illumination exagérée; ce qui me semble avoir dû résulter, en partie, de la communication par capillarité pendant la durée de l’aaction, de sorte que l’inégalité serait vraisemblablement moindre si le papier eût été plus sensible ou plus rapidement impressionné. Dans la jacinthe, la tige et les feuilles vertes ont à peine produit une faible trace de leur configuration; et elles l’ont produite surtout dans les parties du contour des tiges où il s’opérait une réflexion plus ou moins parfaitement spéculaire. Les points du chandelier (métallique) où cette réflexion avait lieu, sont re-produits pour ainsi dire par des taches blanches localement appliquées, et qui dénaturent l’effet de l’ensemble par leur disproportion. Mais cela se voit surtout dans une copie d’un tableau du Corrége, dont le cadre est trés vivement reproduit, tandis que la figure peinte sui la toile est à peine perceptible. Cette disproportion d’éclat dans la reproduction de quelques parties blanches, surtout lorsqu’elles sont mattes et conséquemment très rayonnantes, est sensible dans certaines parties des vues prises par M. Talbot, jusqu’au point de rendre difficile l’interprétation de l’objet auquel elles appartiennent. Du reste, ces vues sont déjà trés satisfaisantes, comme étant obtenues sur papier, dans la saison où nous sommes, ainsi qu’on s’en convaincra tout-à-l’heure en les examinant. De plus, par un avantage propre à la préparation chimique dont M Talbot fait usage, il paraît que les opérations une fois complétées, les dessins ne sont plus alterés par la radiation, même agissant avec beaucoup d’énergie. Car on a par exemple ici, quatre épreuves d’une même vue de la maison de M. Talbot, avec une identique disposition des lumières et des ombres; de sorte qu’il faut que quelques-unes au moins, si ce n’est trois sur les quatre, aient été déduites par superposition. M. Talbot présente avec raison cette propriété de reproduction comme un avantage spécial de son procédé, et elle serait en effet bien utile dans des voyages. Je me suis hasardé à tenir un de ces dessins exposé pendant plusieurs heures l’action, peu vive à la vérité, du soleil actuel; et je n’ai pas vu la moindre altération s’opérer dans les clairs. Je crois comprendre que, suivant M. Talbot, les ombres seules se fortifient sous cette influence. D’après ce que je viens de dire, on doit s’attendre que le triomphe de ce procédé, comme de toute autre reproduction photogénique, aura lieu avec des objets formés d’un plâtre blanc et mat. En effet, l’envoi de M. Talbot comprend huit images tant de bustes que de statuettes, dont six principalement, de grandeurs et de formes diverses, présentent des résultats très remarquables, surtout en ayant égard à la saison défavorable qui les a données. On n’y trouve pas sans doute la perfection rigoureuse de trait, ni l’admirable dégradation de clairs et d’ombres qui font le charme des épreuves de M. Daguerre, et je le répète encore pour qu’on n’exagère pas mes expressions. Mais je répète aussi qu’il faut considérer les représentations sur des papiers sensibles comme principalement applicables à un but différent, qui n’impose pas des conditions si rigoureuses d’art, demandant seulement des images, fidèles dans leur ensemble, assez arrêtées dans leurs détails pour qu’on les puisse bien reconnaître, et qui en outre s’obtenant avec rapidité, par une manipulation facile, puissent se conserver avec peu de précautions, se renfermer en grand nombre sous peu de volume, et se transporter partout avec facilité. Les papiers de M. Talbot présentent déja plusieurs de ces qualités essentielles, avec l’avantage de pouvoir fournir immédiatement des copies multipliées. Ses efforts, et ceux des autres physiciens qui s’occupent du même sujet, achèveront d’y ajouter ce qui peut rester de desirable, pourvu que l’espoir, ou la prétention d’une perfection d’art physiquement incompatible avec des opérations sur papier, ne donne pas à leurs tentatives une fausse direction. Toutefois, pour ne pas paraître trop désespérer de l’avenir, j’ajouterai que le comble du succès dans ce genre, consisterait à déconvrir une substance vivement impressionnable, et qu’on pût s’appliquer sur une feuille papyracée sans y pénétrer profondément, et qu’on pût cependant y fixer après l’opération, comme dans les épreuves de M. Talbot. Il ne serait pas même nécessaire que l’épreuve primitive obtenue ainsi rapidement, reproduisît les lumières et les ombres en leurs vraies places, pourvu que sa transparence et sa fixité fussent telles, qu’on pût en déduire par application des copies où l’inversion fût redressée. Et peut-être cette décomposition du problème en deux opérations successives, ouvre-t-elle une des meilleures voies que l’on puisse prendre pour le résoudre »

Fixation des images photogéniques sur métal.

A l’occasion d’un passage de la Note précédente, relatif au peu de chances de succès qu’offrent les tentatives entreprises dans le but de fixer les images photogéniques sur métal, M. Arago fait remarquer que ces essais, quoique de date trés récente, ont déjà donné des résultats qui sontloin d’être décourageants, et aujourd’hui même une épreuve présentée par M. Fizeau annonce un nouveau progrès. En effet, si dans les épreuves qui ont été mises précédemment sous les yeux de l’Académie, le dessin, tout en conservant sa finesse, paraissait avoir perdu de son éclat, le même reproche ne peut être adressé à celle de M. Fizeau, qui ne le cède point en vivacité aux plus belles images Daguerriennes, et qui cependant a acquis, au moyen de l’opération du fixage, assez de solidité pour pouvoir être conservée sans autres précautions que celles qu’exigent des dessins ordinaires. M. Fizeau assure que l’opération à laquelle soumet les images photographiques, loin de les pâlir, a au contraire pour résultat d’augmenter la vigueur des ombres et le brillant des lumières.



([i]) (1) Je suppose que le lecteur admet cette distinction comme un fait établi par les expériences que j’ai consignées dans le 1er semestre des Comples rendus de 1839.

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