domingo, 27 de junho de 2010

1839, 25 de Agosto - LE FIGARO Journal Littéraire et des Arts

1839

25 de Agosto

(Domingo)

LE FIGARO

Journal Littéraire et des Arts

1re Année

51e Numéro

1ª. pag

D’UN ARRÊTÉ

qui arrêtera les reproducteurs

 

La découverte de M. Daguerre n’est décidément plus une illusion, ainsi qu’on pouvait le penser jusqu’à ce jour. Les six mille francs de pension votés unanimêment par la Chambre des députés, et par dessus tout, l’autorité inconyestable de M. Arago, classent définitivemen le dagurréotype dans la catégorie des choses bien et dûment existantes. Ainsi donc, c’est un fait accompli à cette heure, le dessin n’est plus ; l’art de la gravure expire ; mais en revanche le daguerréotype est trouvé !

Nous n’entretenons dans aucun détail circonstancié, nous ne copierons point les feuilletons académiques de nos grands confrères ; qu’on se rassure. Nous allons seulement rapporter l’ordonnance suivante qui paraitra demain au Moniteur. Le gouvernement ayant ouï dire que, grace à M. Daguerre, toute sorte de choses pouvaient être reproduites à l’instant même, s’est empressé de prendre des mesures répressives. On ne saurait trop louer une précaution pareille ; elle est aussi sage que paternelle.

« Nous, ministre de l’intérieur, à tous ceux qui ces présentes liront, salut :

« Ayant médité longuement le rapport de M. Arago, et nous étant convaincu qu’il suffit désormais d’enduire une plaque de cuivre de substances quelconques et de l’exposer à la lumière, pour obtenir, en très peu de temps, la reproduction fidèle de tous les objets désirables ;

« Considérant que cette reproduction, si elle n’est pas dirigée avec soin et prudence, pourrait devenir très nuisible aux citoyens, en les blessant dans leur intérêts, ou en les genant dans leurs plaisirs ;

« Considérant en outre qu’il y a dans Paris une foule d’objets qui, en existant une seule fois, existent déjà beaucoup trop, et que les multiplier, en les faisant revivr, srait un véritable attentat contre la tranquilité universelle et le bonheur général,

« Avons arrêté et arrêtons ce qui suit.

« Défense est faite à M. Daguerre ainsi qu’à tous autres, de soummettre à l’action reproductive du daguerréotype :

« Les feuilletons échevelés de M. Théophile Gautier ;

« Les romans non moins incompris qu’incomprèhensibles de M. de Balzac ;

« Les in-octavos de M. le bibliophile Jacob ;

« La capacité administrative de M. Vedel ;

« La face archi-respectable de mesdames les ingénues de la Comédie-Française ;

« les livraisons des belles femmes de Paris du jeune Alphonse Esquiros ;

« La cravate monumentale de M. Véron le Magnifique ;

« La croix d’honneur de M. Lerminier ;

« Les roulades de Mlle Virginie Déjazet ;

« Le cabriolet de M. Ladvocat ;

« Les vaudevilles de M. Bayard ;

« Les discours de M. Saint-Mare-Girardin ;

« L’habileté du fondateur de la Presse ;

« Les courriers de Paris de madame son épouse ;

« Le tartan de madame sa belle-mère ;

« La pantomine de M. Musard ;

« Les fêtes excessivement vénitiennes du Casino ;

« Les poses fascinatrices de son directeur, M. Jullien ;

« Sont égalemement exceptés de la reproduction daguerréotypique, pour des motifs qu’il est inutile d’expliquer :

« le profil de M. Buloz ;

« Le profil de M. Daupin, le vaudevilliste ;

« Le nez de M. Eugène Granger, idem ;

« Les pantalons dènués de sous-pieds de M. de Balzac ;

« La barbe de M. Lépaulle ;

 

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« Le ventre de M. Paul, 1er ventre du Gymnase ;

« Le chapeau de M. Gustave Planche ;

« Le lorgnon de M. Duponchel ;

« Le binocle de M. Paul Foucher ;

« Le parapluie (déjà nommé) de M. Gonzalès :

 

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« Le bonnet de coton de M. double J.

« Sont en outre compris dans l’interdiction ;

« Les romans de mœurs de M. Kock de Paul ;

« Les souvenirs impériaux de Emile Blaguo-de-Saint-Hilaire ;

« Les dissertations artistiques du divan de la rue Lepelletier ;

« Les systèmes philosophiques du café Corazza ;

« Les cachuchas infiniment trop espagnoles du théâtre de la Renaissance ;

« Les maladies humanitaires du petit Litz ;

« Les symphonies gigantesques de M. Berlioz ;

« Les charivaris périodiques de Mlle Bertin ;

« La prose de M. Charles Desnoyers ;

« La verve de M. de Laurencin,

« Et l’imagination de M. Théaulon. »

Fait à Paris, le 24 août 1839.

Le Ministre,

Pour copie conforme,

Figaro

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