quinta-feira, 12 de março de 2009

1899, 15 de Dezembro - Le Magasin Pittoresque

LE MAGASIN PITTORESQUE
2e. Série
67e Année
T. XVII
Pag, 399, 400
*
LA PHOTO-CAMERA

L'engouement que les fontaines lumineuses excitèrent pendant l'Exposition de 1889 avait sa raison d'être. Ce spectacle, qui paraissait à première vue n'exiger de la part du public aucun effort d'imagination, faisait pourtant naître dans l'esprit le pressentiment d'une ère nouvelle; ces étincelantes fantaisies de la lumière où des rayons empruntés à chacune des nuances de l'arc-en-ciel venaient tour à tour prendre vie sous la forme d'eaux jaillissantes ressemblaient aux premiers préludes de la symphonie des couleurs, la vraie musique de l'avenir.
Un professeur américain, M. Charles Barnard, a imaginé un appareil fort simple qui permet de reconstituer la palette de la nature et d'étudier par des procédés scientifiques les problèmes qu'auront à résoudre les Mozarts et les Beethovens des siècles futurs, dont le génie découvrira probablement le dernier mot de l'harmonie des nuances afin de procurer des sensations inédites au genre humain fatigué de l'harmonie des sons.
Cet appareil, qui s'appelle la photo-camera, est une boîte rectangulaire de carton de 12 centimétres de long sur 12 centimètres de large et 6 centimètres de hauteur. L'un des côtés latéraux est entièrement ouvert et à la paroi supérieure est pratiquée une ouverture qui est fermée par un obturateur. Lorsqu'on enlève cet obturateur, il met à jour un cadre muni de rainures où l'on fait glisser des pellicules de gélatine emprisonnées entre deux plaques de
verre. Ces pellicules sont au nombre de trois et portent le nom de colorateurs. La première est rouge orangé; la seconde, vert jaunâtre; la troisième, violet clair. Ces trois couleurs sont complémentaires, c'est-à-dire qu'elles produisent la lumière blanche lorsque, au moyen d'un appareil de projection, elles sont recueillies ensemble sur l'écran.
Plaçons maintenant la photo-camera sur une table éclairée par une fenêtre exposée du coté du nord. La table est recouverte d'une étoffe noire et entourée d'un rideau qui doit s'élever à une hauteur suffisante pour protéger l'œil de l'observateur contre la lumière diffuse répandue dans la salle où se fait l'expérience.
Retirons la couverture et faisons glisser le colorateur rouge dans le cadre à rainures qui se trouve à la partie supérieure de l'appareil en même temps que nous recouvrons la paroi inférieure d'une feuille de papier blanc.
Cette feuille de papier paraîtra rose, d'une teinte plus pâle que la nuance rouge orangé du colorateur. Ce phénoméne est facile à expliquer. La pellicule de gélatine n'a laissé passer que les rayons rouges de la lumière solaire, et par conséquent la feuille de papier n'a pu réfléchir que des rayons de cette couleur, mais en les réfléchissant elle leur a fait perdre une partie de leur intensité, parce qu'elle a subi l'influence de la lumière diffuse qui s'est introduite par l'ouverture latérale de l'appareil. L'action exercée par la lumière diffuse sur la couleur des objets placés à l'intérieur de la photo-camera se manifestera de la façon la plus sensible, si nous procédons à l'expérience suivante: laissons le colorateur rouge dans le cadre et remplaçons par une feuille de papier également rouge la feuille de papier blanc qui se trouvait sur la paroi inferieure de l'appareil. Le papier rouge soumis à l'influence des rayons rouges de la lumière solaire prendra une nuance beaucoup plus vive, et ce résultat était si facile à prévoir qu'il nous paraît inutile de l'expliquer.
Faisons maintenant usage d'une feuille de carton blanc, que nous emploierons comme un réflecteur, qui augmentera l'intensité des rayons lumineux qui traversent le colorateur. Suivant la position qu'occupera le réflecteur
placé au-dessus de l'ouverture supérieure de la photo-camera, la feuille de papier rouge introduite dans la partie inférieure de l'appareil prendra une teinte plus ou moins claire. Cette expérience se présente sous une forme plus intéressante, si l'on remplace la feuille de papier rouge par une rose de la même couleur.
II sera très curieux de faire varier la nuance de cette fleur à mesure que l'on rapprochera ou que l'on éloignera le réflecteur de l'ouverture pratiquée à la partie supérieure de la photo-camera.
Jusqu'à présent nous n'avons introduit dans l'appareil que des objets blancs ou de la même nuance que le colorateur; examinons maintenant les résultats qui vont se produire lorsque les objets en question ne seront pas de la même couleur que les rayons dont ils seront éclairés.
Soumettons à l'influence du colorateur rouge une feuille de papier vert. Notre œil recevra en même temps deux sensations: en premier lieu, celle des rayons rouges qui pénètrent dans l'appareil par l'ouverture supérieure, et en second lieu celle des rayons verts que la feuille de papier de cette couleur emprunte à la lumière blanche diffuse qui pénétre par l'ouverture latérale. Ce mélange produira du jaune et si l'on fait usage du réflecteur il sera facile de montrer par quelle série de gradations une feuille de papier vert peut devenir une feuille de papier jaune. Si nous remplaçons la feuille de papier par une rose blanche, la, fleur prendra une teinte rosée, tandis que les feuilles vertes de la tige deviendront d'un jaune doré. Il serait facile de multiplier indéfiniment les expériences en faisant successivement usage de chacun des trois colorateurs, et nous ajouterons que le meilleur moyen d'obtenir des nuances aussi éclatantes que possible serait de soumettre la photo-camera à l'action directe du soleil, entre midi et trois heures; mais les constatations qui pourraient être faites dans cet ordre de recherches ne modifieraient en rien les principes que nous avons indiqués plus haut.
Prenons maintenant un fragment de carton auquel nous avons donné la forme d'une croix ou d'une étoile, et plaçons-le au-dessous du colorateur rouge. Si la paroi inférieure de l'appareil reste recouverte de papier noir, l'image de cette croix ou de cette étoile se détachera en rouge vif sur un fond sombre. Si nous remplaçons le papier noir par du papier vert, les rayons verts de la lumière diffuse, se confondant avec les rayons rouges qui ont traversé le colorateur, produiront une image orangé jaunâtre.
On sait que la couleur à donner aux ombres est un des problèmes les plus difficiles que les peintres aient à résoudre; peut-être une série d'expériences faites à l'aide de la photo-camera fourniraient-elles, sur ces questions si controversées, d'utiles indications.
Exposons la photo-camera à la lumiére du nord, recouvrons la paroi inférieure d'une feuille de papier blanc sur laquelle nous plaçons un canif, un crayon, un porte-plume ou tout autre objet de petite dimension. Si nous laissons librement entrer la lumière par le haut de l'appareil, l'objet en question projettera une ombre grise sur le papier blanc. Faisons glisser maintenant le colorateur violet dans l'ouverture pratiquée à la partie supérieure; à mesure que le colorateur s'avance dans les rainures du cadre aménagé pour le recevoir, l'ombre projetée sur,le papier blanc devient plus intense et prend une teinte violette.
Bientôt apparaît une autre couleur; au moment où l'ouverture est complètement fermée par le colorateur qui ne laisse plus pénétrer que des rayons violets, l'ombre devient jaune. Elle est verte lorsque le colorateur est rouge et elle est rouge lorsqu'il est vert. La couleur de l'ombre est toujours la couleur complémentaire de la couleur des rayons lumineux. En d'autres termes, les deux couleurs réunies doivent reconstituer la lumière blanche.
Il nous parait inutile d'insister sur les services que peut rendre l'appareil inventé par M.Charles Barnard. La photo-camera ne permet pas seulement de faire l'éducation de l'œil, elle fournit aussi les moyens de surprendre les plus curieux secrets de la nature et de pénétrer les mystères de l'harmonie des couleurs directement empruntées aux rayons du soleil.
G. Labadie-Lagrave.

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