quarta-feira, 25 de março de 2009

EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE DE 1878 PARIS

1878

 

EXPOSITION UNIVERSELLE INTERNATIONALE De 1878

à Paris

Groupe II Classe 12

RAPPORT SUR LES ÉPREUVES ET LES APPAREILS DE PHOTOGRAPHIE

pAR M. A. DAVANNE

PARIS

IMPRIMERIE NATIONALE

MDCCCLXXX

PAGS. 1 – 67

 

RAPPORT SUR LES ÉPREUVES ET LES APPAREILS DE PHOTOGRAPHIE

 

 

COMPOSITION DU JURY

 

 

mm. Davanne, président, vice-président de la Société française de phtographie, secrétaire du jury de groupe a l’Expostion universelle du jury de groupe a l’Exposition uinverselle de Vienne de 1873, membre du comite d’admission a l’Exposition universelle de 1878

France

 

 

Levitzki, vice-président, photographe de la cour imperiale de Russie

Russie

 

 

Luckhardt (F.), sécretaire, photographe de la cour royale de Vienne

Autriche-Hongrie

 

 

William England, esq.

Angleterre

 

 

White (H.-C.)

États-Unis

 

 

Lechner (L.), commissaire adjoint de Hongrie, conseiller de la direction de la société des ingénieurs et architectes, représentant de Buba-Pesth

Autriche-Hongrie

 

 

Van Kerkwyk (J.-J.), membre de la seconde chambre des états généraux des Pays-Bas

Pays-Bas

 

 

Héliand (Comte René d’), membre des comités d’admission et d’instalation à l’Exposition universelle de 1878

France

 

 

Martin (A.), professeur de physique, membre du comité d’admission à l’Exposition universelle de 1878

France

 

 

Franck de Villecholles, suppléant, photographe, professeur à l’École centrale, membre du comité d’admission à l’Exposition universelle de 1878

France

 

 

Chardon (A.),expert

France

 

 

EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1878.

 

 

Considérations générales

 

 

 

Avant de conmencer l'examen des épreuves, produits et appareils de photographie exposés dans la classe 12, nous croyons nécessaire d'expliquer d'une manière générale quelle est l'importance de cette méthode nouvelle de représenter les choses visibles, quelles sont ses applications cliverses et quelle part elle vient apporter dans l'ensemble des progrès de notre époque. Ces explications sont d'autant plus nécessaires que, non seulement pour la majorité du public, mais encore pour un grand nombre de personnes qui tiennent une place élevée dans les sciences et dans les arts, les applications de la photographie et les méthodes variées qui leur ont donné naissance sont completement inconnues.

Les portraits photographiques semblent suriout captiver l'attention générale; on s'occupe encore un peu de quelques reproductions de paysages et de tableaux, et l'on pense que les services rendus par la photographie se bornent à ce cercle restreint.

La photographie doit être appreciée d'une manière beaucoup plus large; elle comprend l'ensemble des procédés permettant de reproduire par l'action seule de la lumière tout ce qui frappe nos yeux, quelle que soit la complication du sujet, et de multiplier en nombre indéterminé les images obtenues; par conséquent, elle est appelée à remplacer la main de l'homme dans cette infinie variété de travaux qui, comme le dessin, la gravure, les impressions graphiques, etc., ont pour but de représenter les choses visibles.

La photographie est le procédé de copie par excellence. Comme telle, elle devient un auxiliaire obligé dans toutes les branches des connaissances humaines, et désormais les sciences naturelles, les sciences d'observation, l'enseignement, les arts, l'induslrie, l'administration, sont ses tributaires, ainsi que le prouvent les applications de toutes sortes dont nous aurons à faire ressortir l'intérêt.

Ce mode nouveau de représenter ce qui est doit arriver à tout copier, mais ne pourra jamais rien créer. Ce serait une erreur de lui en faire reproche; là, au contraire, est son plus grand mérite, puisqu'il clvit dtre avant tout le reflet cle la verite.

Pouvoir donner de toutes choses une copie vraie constitue déjà un immense service; mais si cette copie fût restée une épreuve unique, le service eût été limité.

Aujourd'hui cette épreuve née de la lumière se transforme, toujours par faction lumineuse, en planche de gravure, de typographie, de lithographie; elle s'imprime soit par les procédés courants de l'industrie, soit par des moyens entièrement nouveaux.

Nous ne pourrions encore affirmer que tous ces procédés sont, dès à présent, complètement industriels; mais les résultats obtenus sont assez remarquables pour que nous puissions prévoir que, dans un temps prochain, la photographie atteindra complètement le but vers lequel l'entraîne l’impulsion énergique qui lui est donnée depuis plus de vingt-cinq ans, c'est-à-dire la substitution du travail de la lumière aux travaux graphiques de la main de l'homme, et la multiplication de ce travail par un des procédés quelconques d'impression.

Ce but atteint amènera dans les impressions graphiques, qui sont la clef de toute instruction et de toute civilisation, une révolution  actuellement commencée, dont l'exposition actuelle nous montre des résultats du plus haut intérêt et dont nous devons encourager et poursuivre la complète réalisation.

Si nous voulons nous rendre compte des progrès accomplis, nous prendrons pour point de départ la merveilleuse plaque de Daguerre en 1839, qui donne sur une surface d'argent métallique ces images si fines et si pures, mais si limitées dans leurs applications.

Les épreuves ainsi obtenues sur leur support lourd, inflexible, de prix élevé, de dimension forcément restreinte, étaient, en outre, si facilement altérables, qu'il n'en reste plus que de rares spécimens. L'exploitation de ce procédé ne pouvait constituer qu'une industrie tout à fait secondaire et, sauf des cas exceptionnels, comme leur emploi pour l'observation du passage de Vénus le 9 décembre 1874, les plaques daguerriennes devaient disparaître devant de nouveaux progrès.

Aujourd'hui, par l'extension de la méthode qui consiste à faire un type négatif avec lequel on reproduit les épreuves positives, et par les améliorations successives de ces deux parties distinctes de l'opération photographique, les applications sont en quelque sorte illimitées; les dimensions des épreuves peuvent excéder les besoins, et les procédés de tirage très variés permettent d'obtenir économiquement des images solides et nombre indéfini. La photographie s'est tellement étendue, qu'après avoir imposé de grands progrès aux industries annexes, telles que l'optique, les produits chimiques, l'ébénisterie spéciale pour les appareils, etc., elle est arrivée, pour la France seulement, à occuper environ 20,000 personnes et à faire un chiffre d'affaires annuelles évalué à 30 millions de francs, dont nous donnerons plus loin le détail.

Cette transformation, qui demandé près de quarante ans et qui n'est pas encore arrivée au terme que l’on doit désirer, a été longue, si nous la comparons aux progrès de nos autres grandes découvertes modernes. Cette lenteur apparente provient, selon nous, surtout de deux causes, qui ont mis quelque obstacle à un développement plus rapide.

La première, qui tend à disparaître, a été déjà mentionnée par nous dans notre rapport officiel sur l'Exposition universelle de 1873, à Vienne: c'est l’abandon, la défaveur qui, dans les régions scientifiques ou artistiques, a plané sur la photographie, principalement en France, défaveur imméritée, mais provoquée par l'abus industriel qui en fut fait lorsque commença son application aux portraits. Aussi la photographie pendant près de vingt ans n'obtient-elle que de rares et faibles encouragements. Tandis que les problèmes et les applications de la vapeur et de l'électricité occupent à juste titre tout le monde savant et ont une part importante dans l'enseignement scientifique, la photographie, que nous ne saurions mettre tout à fait en parallèle, mais qui mérite néanmoins d'avoir sa place marquée dans les plus belles applications de la science, est à peine indiquée comme une réaction chimique curieuse, que l'on croit, bien à tort, pouvoir mettre en œuvre sans en approfondir les difficultés, et, jusqu'a présent, elle n'est pas suffisamment démontrée dans l'enseignement public.

Disons plus: il y a peu de temps encore, pour le jeune savant comme pour les hommes instruits qui sont attachés à nos grandes administrations publiques, les recherches photographiques eussent compté presque comme une mauvaise note, et elles ne pouvaient tenter qu'à la dérobée ceux qui devaient trouver dans leurs travaux les points d'appui d'une carrière scientifique (1) ([i]).

La seconde cause est inhérente à l'essence même de la photographie. Dans les applications de la vapeur et de l’électricité toute découverte, tout progrès, se réalisent presque immédiatement par une modification dans les appareils et, bien qu'inventés par un seul, ils peuvent tout de suite être utilisés par tous. Il n'en est pas de même pour la photographie. Si les modifications dans le matériel de l'optique ou de l’ébénisterie peuvent être aussitôt employées, les découvertes nouvelles dans les formules, dons les procédés, dans les méthodes d'impression, apportent un changement considérable dans le mode de faire, et demandent pour celui qui veut les employer des études nouvelles; il doit en quelque sorte refaire un apprentissage, et les premiers résultats sont, le plus souvent, inférieurs à ceux de l'ancienne pratique, dont il avait la longue habitude. En effet, la réussite d'une oeuvre photographique est due surtout à l’habileté personnelle, au savoir-faire, à la science ou au goût de celui qui la produit ou la dirige. La question des produits, des appareils, bien qu'importante, n'arrive qu'en second lieu. On comprend des lors que les méthodes nouvelles se généralisent plus lentement que s'il s'agit d'une découverte réalisée par un perfectionnement mécanique, et cette lenteur est d'autant plus grande que les bases d'enseignement font défaut. On ne doit donc pas être surpris si des progrès prédits en 1855 commencent seulement à être mis en œuvre actuellement.

Malgré ces retards, chacune des Expositions universelles qui se succèdent affirme davantage l'importance de la photographie, et, en 1878, comme à Vienne en 1873, nous nous sommes trouvé, en quelque sorte, en face de deux expositions d’œuvres photographiques: l'une échappe au jugement du jury, parce  que, disséminée dans l'ensemble des 90 classes, elle se retrouve partout, mais elle n'est ni classée ni cataloguée, et elle fait seulement œuvre de représentation, montrant au public et aux jurés des diverses classes l'exacte reproduction des choses que l'exposant n'a pu transporter; l'autre, qui, comprise dans la classe 12, ou pouvant y être rattachée, rentre plus directement dans notre appréciation.

Nous ne saurions passer complètement la première sous silence, car l'abondance de ces épreuves confirme ce que nous avons expliqué ci-dessus, montrant que, partout et pour tout, la photographie est appelée à faire preuve du fait affirmé, et que ce mode de représentation est devenu un besoin dont il est nécessaire de favoriser les progrès. Nous avons relevé une partie seulement de ces épreuves accessoires, et, pour ne pas sortir de notre cadre, nous nous bornons à énumérer dans la note ci-dessous un certain nombre des collections exposées (1) ([ii]).

La longue, sèche et incomplète énumération contenue dans cette note donne la preuve de nos assertions, car, sur 29 nationalités exposantes, 20 ont eu plus ou moins recours à la photographie pour compléter leur exposition. L’application de ce moyen a porté sur les sujets les plus divers, puisque, à côté de l’astronomie, de l’architecture, de l’enseignement, nous trouvons le tir de canon et le doigté pour piano. Si nous en examinons la répartition, nous voyons que ce sont les grandes usines, les administrations publiques, etc., qui en ont fait un emploi d’autant plus large qu’elles sont plus importantes.

Devant cette énumération et ces preuves prises complètement en dehors de l'exposition photographique réelle (classe 12), ne sommes-nous pas fondé à dire que la photographie est desormais l'auxiliaire de tous les grands progrès, qu'elle doit elle-même progresser sans cesse, et, pour que cette marche progressive soit rapide, il faut, en France surtout, que la photographie soit mieux connue, mieux appréciée, mieux encouragée; il faut que la science ne dédaigne pas de s'occuper de ces questions si délicates de chimie et de physique, qui sont liées à son existence ?

Ces considérations générales expliquent, au moins en partie,le point de vue où le jury s'est placé pour donner des récompenses et des encouragements, non seulement aux œuvres qui lui ont paru les plus belles, mais aussi à des œuvres qui, quoique moins réussies, étaient le resultat d'inventions et d'applications nouvelles. Elles expliquent aussi les appréciations personnelles du rapporteur, qui, tout en s'efforçant de refléter les opinions de ses collègues, fait ici une œuvres dont il est seul responsable.

 

GÉNÉRALITÉS SUR LA CLASSE XII.

 

Une premiére question, qui semble aujourd'hui en partie résolue, et qui pourtant a failii se présenter de nouveau pour l'Exposition de 1878, est de décider dans quel milieu on doit classer la photographie. Tandis qu'un certain nombre de praticiens, ne voyant que leurs efforts et oubliant les nombreuses applications scientifiques et industrielles qui en sont faites, voudraient la voir rangée parmi les œuvres d'art, parce que, fréquemment, il en est fait de réelles applications artistiques, les artistes, méconnaissant trop souvent les services qu'ils savent lui demander, voudraient la bannir parmi les objets manufacturés. C'est sans doute sous l’infuence de cette idée erronée que la première commission de l'Exposition de 1878 l'avait placée en pleine industrie manuelle. Sa véritable place, si on la considère comme un art d'impression, abstraction faite de l' œuvre artistique, est celle qu'elle occupe dans la classification de 1878, se rattachant à l'enseignement et aux procédés des arts libéraux, parmi lesquels elle est appelée à prendre un rang important. Il est intéressant de connaître  quelle est, pour la classe 12, la répartition du nombre des exposants et des divers ordres de récompenses parmi les différentes nationalités qui ont concouru à notre Exposition de 1878. Le tableau ci-contre repond à ces questions et nous montre que la photographie est cultivée chez presque tous les peuples, que son développement suit, en quelque sorte, leur importance sociale et artistique.

Si le nombre des exposants n'est pas relativement plus élevé que celui de Vienne en 1873 (404 à Vienne, et 480, en 1878, à Paris), c'est que l'Allemagne, qui avait apporté à Vienne l'appoint considérable de 93 exposants, s'est abstenue en 1878, et nous devons regretter cette abstention, car l'Allemagne est un des pays ou l'on a le mieux cultivé et fait progresser nos nouveaux procédés.

Ce tableau nous montre également que la repartition des membres du jury chargés de décerner les récompenses est inégale: quelques nations chez lesquelles la photographie est le plus en honneur, comme la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Portugal, la Suisse, n'étaient pas représentées. Nous croyons qu'il y avait là une lacune, dont il y aurait lieu de tenir compte dans une future Exposition, soit en

 

 

 

ÉPREUVES ET APPAREILS DE PHOTOGRAPHIE.

 

RÉSUMÉ GÉNÉRAL (1)

 

NATIONALITÉS

Jury

 

Hors concours

Diplomes d’honneur

Grandes médailles.

Médailles d’or

Médailles d’argent

Médailles de bronze

Mentions honorables

Exposants

non recompenséss

Nombre des exposants

Collaborateurs

Angleterre…………………….

1

1

#

4

7

16

8

1

37

#

Angleterre (colonies)

#

#

#

#

6

7

16

12

41

#

République argentine

#

#

#

#

#

2

#

#

2

#

Autriche

1

1

1

3

8

11

9

2

35

3

Hongrie

1

#

#

1

3

3

3

3

13

#

Belgique

#

#

#

#

2

3

7

4

16

#

Danemark

#

#

#

#

#

3

3

#

6

#

Egypte

#

#

#

1

1

#

2

#

4

#

Espagne

#

#

#

#

2

7

2

5

16

#

Etats-Unis

1

#

#

1

4

3

1

2

11

#

France

3(a)

3(a)

2(b)

16

41

48

51

33

194

10

Algérie

#

#

#

#

#

4

3

#

7

#

Autres colonies françaises

#

#

#

#

#

4

2

2

8

#

Grèce

#

#

#

#

1

2

2

#

5

#

Guatémala

#

#

#

#

#

#

1

#

1

#

Italie

#

#

#

1

3

3

6

4

17

#

Japon

#

#

#

#

#

1

1

#

1

#

Mexique

#

#

#

#

1

1

#

#

1

#

Monaco (Principauté de)

#

#

#

#

1

#

#

#

1

#

Pays-Bas

1

#

#

#

#

1

1

#

2

#

Pérou

#

#

#

#

#

#

1

#

1

#

Portugal

#

#

1

1

#

3

2

5

12

1

Russie

1

1

1

3

2

2

8

4

21

1

République de Salvador

#

#

#

#

#

#

#

2

2

#

Suède

#

#

#

#

2

#

2

#

4

#

Norwège

#

#

#

#

#

1

4

1

6

#

Suisse

#

#

#

#

4

#

7

#

11

#

Tunisie

#

#

#

#

#

#

#

2

2

#

Uruguay

#

#

#

#

1

#

2

#

3

#

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Totaux…………….

9

6

5

31

89

125

144

82

480

15

 

(a) Il faut ajouter, pour la France, un juré adjoint, M. Franck de Villecholles, un expert, M. Alfred Chardon, tous deux hors concours.

(b) Y compris le grand prix exceptionnel décerné à M. A. Poitevin comme collaborateur, réclamé par trois nations : France, Russie, ayant chacune un diplôme d’honneur.

(1) Ce Résumé est fait d’après le nombre des exposants jugés parle jury, et non d’après les catalogues, plusieurs des noms indiqués n’ayant pas exposé.

 

augmentant te nombre des jurés, soit en invitant plus spécialement les commissaires de chaque nation à assister et à prendre part aux séances du jury.

L'organisation de chaque exposition photographique était très différente suivant les nationalités. Taritôt groupée avec d'autres sujets, comme en Belgique, en Hongrie, en Espagne, en Suisse,elle couvrait des murailles eclairées parfois d'une manière insuffisante, ce qui permettait difficilement de bien juger les épreuves. Tantôt, comme en Angleterre, les épreuves étaient exposées sur des cloisons parallèles, formant une série de couloirs que le visiteur longeait sans y pénétrer. Ce système, économique pour la place et la dépense, ne nous semble nullement à recommander, parce qu'il n'a rien d'attrayant pour le public. L'installation française, qui formait trois salons et une galerie, nous a paru préférable,moins peut-être pour l'uniformité des places que pour l'attraction qui en est résultée, ainsi que l'a prouvé l'affluence des visiteurs.

Nous avons regretté pour notre exposition photographique que l'installation ne fût pas plus méthodique; elle eût considérablement gagné en intérêt et en enseignement populaire si les épreuves, dont tous les genres étaient mélangés, eussent été, au contraire, comme nous 1'avions fait en 1876, classées en trois parties: dans l'une, la transformation de l'image photographique en gravure, lithographie, typographie; dans l'autre, les applications courantes, telles que portraits, paysages, reproductions; dans la troisième, les applications scientifiques et administratives. Le public eût compris tout de suite, à la première inspection, les services multiples que peut rendre la photographie.

Une des questions les plus délicates des expositions est celle des récompenses, car elle touche à la fois les nationalités et les personnalités dans leurs intérêts et dans leur amour-propre. Ce n'est pas à nous qu'il appartient de discuter s'il n'est pas préférable, comme l'ont fait avec succès 1'Angleterre et l’Autriche, de donner des récompenses dont la valeur soit sensiblement égale, en réservant quelques distinctions hors ligne pour ceux des exposants dont les inventions ou les services profitent à la généralité, ou s'il convient d'etablir des prix d'une valeur aussi tranchée que celle des medailles d'or, d'argent et de bronze, alors q'il est impossible de poser un point de démarcation rigoureuse entre les divers concurrents. Comme pour tant d'autres classes, cette question s'est posée pour ta photographie avec tout son cortège d'irritantes difficultés; et, si nous la mentionnons ici, c'est avec l’espoir que d'autres rapporteurs l'auront touchée également, apportant ainsi des arguments pour les règlements d'expositions futures. Si la première méthode ne répond pas aux aspirations de quelques esprits plus ardents, elle ne fait aucun tort au plus grand nombre, tandis que la seconde amène ce résultat bien connu, conforme à l'esprit humain, d'annuler pour beaucoup de lauréats la valeur de toute récompense qui n'est pas la première, et même celle de la médaille d'or, car quelques-uns ont été jusqu'à la refuser, non qu'ils s'en crussent indignes, mais parce qu'ils n'étaient pas seuls à l'obtenir.

Aussi, dans l'application qui en a éte faite en 1878, le systeme des recompensesmultiples nous a paru plus difficile encore et plus contestable qu'en 1867.

Le jury, dans ses appréciations, avait à tenir compte d'éléments tres divers, tels que les inventions nouvelles, les progrès dans les procédés acquis, l'extension des applications, la beauté des résultats. Le dernier point est celui qui frappe le plus directement les yeux, mais il est d'un intérêt tout personnel, et il peut quelquefois présenter moins d'importance qu'un résultat moins brillant, mais touchant à un progrès général.

Dans l'examen que nous avons à faire de l'exposition de la classe 12, nous suivrons les grandes divisions qui nous ont déjà guidé dans les rapports précédents, et qui comprennent :

1º Les methodes qui donnent le cliché ou épreuve négative;

2º Les divers modes d'impression en épreuves positives;

3º Les applications auxquelles la photographie donne naissance

4º Les produits et appareils.

 

I

ÉPREUVES NÉGATIVES

 

Nous rangeons sous ce même nom toutes les épreuves obtenues Par l’exposition d'une surface sensible dans la chambre noire. II est vrai que l'on fait quelquefois par ce moyen des épreuves reproduisant immédiatement le sujet à copier; mais, dans les conditions actuelles, c'est l'exception, et nous n'avons vu dans toute l’exposition aucune épreuve qui fut faite ainsi. L'ancienne plaque daguerrienne et l'épreuve positive directe sont abandonnées pour le cliché négatif, et, dans l'intervalle de nos deux Expositions, il n’a été fait qu'un seul emploi intéressant des images sur plaqué d'argent : M. Fizeau avait fait adopter ce procédé pour l'observation du passage de Vénus et en avait lui-même surveillé la mise en œuvre.

La méthode consistant à faire un cliché négatif est et restera labase de toutes les opérations photographiques, parce qu'elle donne le type qui sert à l'impression des épreuves positives. De la beauté des négatifs depend la réussite de l’œuvre, et cependant on n'en voit qu'un très petit nombre dans les expositions. De même que le graveur expose rarement la planche qui a reçu son travail, dont il montre seulement, les épreuves, de même il est trop rare de voir les photographes exposer leurs clichés.

On comprend qu'il est important de rechercher quelles sont les améliorations dans le mode d'obtention de ces négatifs, dont les qualités doivent être la fidélité, la sensibilité à l’action rapide de la lumière, la facilité de mise en œuvre.

L'absolue fidélité serait la reproduction de l'objet tel qu'on le voit, c'est-a-dire l’obtention des couleurs naturelles. Nous reviendrons sur les efforts faits dans cette direction; ils indiquent de sérieux progrès, mais ils sont encore loin de la satisfaction complète du desideratum.

Actuellement, pour les épreuves monochromes, on doit rechercher un rendement juste dans la valeur des lumières et des ombres, que la photographie est portée à exagérer, et une meilleure interprétation de la valeur des couleurs diverses, qui est trop souvent renversée, puisque le bleu et le violet, meme foncés, sont rendus en clair, tandis que le jaune et le rouge vif s'accusent par des noirs.

La dureté que donnent les oppositions trop violentes de lumière tend à disparaître, et parmi les causes qui ont amené ce résultat il faut mentionner en première ligne l'emploi de plus en plus considérable, souvent même l'emploi exclusif, du bromure d'argent comme couche sensible. En effet, le bromure d'argent, dans des conditions qui ne sont pas encore bien nettement determinées, mais dont on peut trouver les premières recherches dans les travaux purement scientifiques de M. Stas (Annales de chimie et de plysique, année 1874), puis dans les études de M. le capitaine Abney, de M. Chardon, de M. le docteur Van Monckhoven, peut prendre une sensibilité telle, qu'il est atlaqué par de très faibles intensités lumineuses sans être brûlé par les lumiéres vives, ce qui permet, quand les préparations sont à l'état convenable, d'obtenir facilement les détails, même dans les ombres accentuées.

L'interprétation de la valeur relative des couleurs, qui est appréciée d'une manière différente et pour ainsi dire inverse par nos yeux et par les surfaces sensibles encore employées d'une manière générale, peut se rapprocher de nos impressions par une modification dans la préparation des produits. Depuis plusieurs années déjà, M. Cros en France, puis M. Vogel en Allemagne, avaient indiqué l'emploi de solutions modifiant la sensibilité relative des couches sensibles pour les différents rayons du spectre. C'est ainsi qu'avec la chlorophylle et l'éosine on obtient facilement l'impression du vert, du jaune, du rouge orangé et même au delà. Ces moyens, qui jusqu'ici sont peu employés dans la reproduction des sujets naturels, parce que la lumière générale reflétée même  par les objets colorés permet, dans de bonnes conditions, une représentation suffisamment fidèle, peuvent être précieux lorsqu'il s'agit de reproductions de tableaux et deviennent indispensables pour les procédés d'héliochromie de M. Cros et de MM. Ducos du Hauron.

Les propriétés du bromure d'argent sont largement utilisées dans les procédés secs, ainsi que le prouvent les belles épreuves de M. Balagny, de M. Chardon, de M. Jeanrenaud, et beaucoup d'autres sans doute, pour lesquelles nous n'avons pu connaître le mode de production. Le bromure d’argent pur n'est pas recommandé  jusqu'ici dans le procédé du collodion humide, parce qu'il est d'une préparation plus longue, plus coûteuse, la double décomposition ne s'opérant que lentement dans des bains d'azotate d'argent très concentrés; il semble probable toutefois, d'après les connaissances mieux répandues sur les propriétés du bromure d'argent et sur son extrême sensibilité lorsqu'il est formé dans certains milieux, comme les solutions de gélatine, d'amidon, que les procédés courants du collodion humide seront modifiés dans ce sens.

La rapidité de l'impression lumineuse préoccupe également les photographes, car elle permet d'arriver plus sûrement à la verité. Dans certaines conditions d'un éclairage exceptionnel, comme celles dans lesquelles se trouve M.Janssen (de l'Institut) pour faire les images du soleil, on peut obtenir l'impression en moins d'un millième de seconde et reproduire ainsi, sans les brûler, les détails de la surface solaire. Si l'on prend au dehors un sujet vivement éclairé, l'impression peut être assez rapide pour saisir tous les objets en mouvement.Telles sont les études instantanées de M. Fisk, de M. Hedges, de M. York, portant sur divers animaux; les belles marines faisant partie de la collection de M. Levy; tels encore les portraits équestres de M. Delton, de M. Sauvager. Mais si l'on rentre dans l'atelier, où la lumière est forcément adoucie, les préparations usuelles ne donnent pas cette rapidité qui de premettrait de prendre le modèle pour ainsi dire à son insu avec une expression de vérité bien plus saisissante. L'emploi des préparations de gélatine et de bromure d'argent donne aujourtl'hui celte rapidité; mais cette méthode, trop récente, ne pouvait être représentée à l'Exposition.

L'augmentation dans la sensibilité des préparations préoccupe donc à juste titre les praticiens, surtout les portraitistes. Quelques-uns pensent l'avoir réalisée; mais, ainsi que c'est leur juste droit, ils conservent les formules qui sont leur propriété, ou ne les communiquent qu'a titre de secret. Le jury, dans ces conditions, n'avait pas à intervenir ni a porter un jugement sur un procédér qui lui restait inconnu: il a dû se borner à examiner les résultats et les classer suivant le mérite qu'il leur attribuait. Car, si un procédé nouveau, même imparfait, prend un grand intérêt lorsqu'il est répandu, parce qu'il est susceptible d'améliorations rapides et d'applications intéressantes, le procédé secret n'en présente que s'il permet à son auteur de faire mieux que les autres, ce qui rentre, comme nous venons de le dire, dans l'appréciation des résultats, sans qu'on ait à rechercher le mode de faire.

Aux questions dc fidélité, de rapidité dans l'impression photographique, nous avons joint celle de facilité dans le mode d'emploi, à laquelle il faut attacher une grande importance, car, a cette facilité se trouvent reliées la vulgarisation et la multiplicité des applications. Elle repose presque entièrement sur les procédés secs, qui, depuis quelques années, ont fait des progrès considérables. Nous devons citer en première ligne le procédé au bromure d'argent sec, dont les formules ont été données par M. Chardon, et qui permet de préparer a l'avance un produit sensible, d'une conservation dont nous ne connaissons pas encore la limite et donnant, quand on le veut, un collodion qu'il sufit de verser sur des glaces pour avoir immédiatement, sans bains ni lavages, des surfaces sensibles qui sont elles-mêmes d'une conservation indéfinie. Les expériences faites dans des voyages de long cours, sous des températures extrêmes, ne laissent aucun doute à cet égard, et désormais les voyageurs qui, avant leur depart, consacreront le temps et les soins nécessaires pour apprendre à se servir des instruments et des produits photographiques (chose plus longue qu'ils ne le croient généralement) seront certains de rapporter des souvenirs précieux de leurs excursions.

Sur cette application de la photographie et sur l'emploi de l'émulsion au bromure d'argent repose une partie encore bien incomplète des services que pourraient rendre nos missionnaires scientifiques. Le jury, en regrettant de ne pouvoir récompenser commeil le meritait M. Chardon, mis hors concours cornme expert, a tenu à remercier M. Audra, M. Balagny, M. Puech, qui, par leurs études, par leurs essais personnels, par leurs préparations, avaient aidé à faire ressortir et à constater tous les avantages de ce procédé et à le répandre dans la pratique.

La sensibilité de cette préparation est très sufisante dans la plupart des circonstances. Elle est dépassée actuellement par le procédé dit au gélatino-bromure; mais, jusqu'à nouveaux progrès, le collodio-bromure de M. Chardon paraît plus simple et, par conséquent, plus sûr pour les voyages dans les contrées lointaines et sous les climats à temperature elevée.

Le poids et la fragilité des glaces comptent parmi les grands embarras de l'operateur qui travaille hors de chez lui, et même pour les photographes sédentaires, dont les collections s'élèvent quelquefois a plus de cent mille clichés et constituent une part importante dans la valeur de leur fonds industriel. Cet amas de verres et de glaces est une gêne et un déboursé considerable.

Depuis longtemps on a proposé divers moyens d'enlever cesépreuves sur des pellicules souples et incassables. M. Rousselon, Directeur des vastes ateliers de la maison Goupil et Cie a donné le procédé qu'il emploie pour détacher tous ses clichés sur pellicules, et il a montré á l'Exposition une série de très grandes et tres belles épreuves ainsi transportées. Ajoutons que ce transport, qui retourne l'épreuve, est le plus souvent nécessaire pour les procédés d'impression aux encres grasses. MM. Provost père et fils, de Toulouse, emploient également avec succès une methode qui semble leur être particulière, et ils ont envoyé un album de négatifs ainsi détachés prouvant que leur procédé est tout à fait courant.

Ce mode d'opérer n'est plus a l'état d'essai; il est devenu tout à fait pratique, et il donne les épreuves dans le sens voulu pour le mode d'impression choisi. Ainsi la conservation des clichés est aussi simple que celle d'une collection de gravures.

Cette méthode peut être également employée par les voyageurs pour sauver leurs épreuves des accidents presque certains du transport. Mais dans ces conditions, l’emploi des couches et des feuilles de gélatine, qui sont d'une dessiccation lente, présente des inconvénients dans tous les déplacements rapides. M. Woodbury détache l'épreuve de la glace au moyen d'une simple feuille de papier gélatiné; les glaces, devenues libres, sont prêtes a recevoir de nouvelles couches sensibles. Les clichés obtenus sont a l'abri de tout accident, et le bagage est ainsi considérablement diminué.

Le progrès serait plus grand encore si l'on obtenait directement l'image sur pellicule mince et incassable. C'est ainsi qu'il y a nombre d'années on employait le papier et l'on produisait de belles épreuves, dont M. et Mme Delondre, tous deux exposants, nous montrent de trop rares spécimens. Si ce procédé a été abandonné, c'est que, à côté de qualités artistiques très réelles, il presentait d'assez graves inconvénients, tels que l'absence de cette rapidité et de cette finesse que l'on recherche aujourd'hui. Mais il est facile de prévoir, par quelques essais déjà connus et par les études acquises depuis plusieurs années, que nous reverrons prochainement, pour le voyage, l'emploi exclusif de pellicules minces et souples (papier ou autre) donnant les garanties de conservation et de bonne réussite que nous avons en ce moment avec les glaces.

Nous mentionnerons à ce sujet le procédé de M. Warnercke, qui, au moyen de préparations délicates, consistant en plusieurs couches alternatives de collodion normal et de solution de caoutchouc dans la benzine, substitue la feuille de papier au verre pour y étendre une couche de collodio-bromure d'argent. Il obtient ainsi de belles épreuves qui n'ont plus rien craindre des difficultés du voyage, et qu'il est possible, au retour, de détacher de leur support de papier pour les reporter sur glace. Toutefois, la manipulation n'a pas encore toute la simplicité que l’on doit désirer, et les négatifs exposés par M. Warnercke dans la section anglaise se sont altérés d'une manière qui est inquiétante, même si cette altération est locale et purement accidentelle. M. Fabre, le secretaire zélé de la Société photographique de Toulouse, poursuit des essais dans le même but.

Les résultats ne sont pas encore suffisamment complets comme sécurité, et nous ne considererons le procédé comme définitivement acquis que du jour où toutes les opérations pour préparer, développer, terminer l'épreuve, seront aussi courantes que celles nécessaires pour faire les clichés sur glace.

 

II

DIVERS MODES D’IMPRESSION DES ÉPREUVES POSITIVES.

 

Lorsque le négatif est obtenu, il faut lui faire produire les épreuves dites positives, qui sont le résultat final de toute opération photographique. Le but vers lequel doit tendre le progrès dans cette voie, c'est d'arriver à une impression qui soit facile, régulière, économique, donnant le nombre d'exemplaires nécessaire et qui soit aussi belle, comme effet, que l’épreuve photographique faite par les procédés ordinaires.

Les recherches pour atteindre ce résultat sont nombreuses et les moyens variés. Nous avons à examiner les méthodes d'impression par les sels d'or et d'argent, par la gélatine bichromatée ou matières analogues, par les procédés mécaniques, tels que la photoglyptie, la gravure, la lithographie, la typographie photographique.

Ces divers modes d'impression ont leurs avantages et leurs inconvénients. Tandis que les méthodes exclusivement photographiques et non mécaniques permettent de livrer quelques épreuves pour un prix relativement restreint, mais deviennent très onéreuses s'il s'agit d'en livrer un grand nombre, les méthodes qui transforment le tirage photographique en tirage mécanique demandent une mise en train trop coûteuse pour la livraison de quelques épreuves, mais elles deviennent d'autant plus économiques que le nombre de celles-ci est plus considérable.

Il faut laisser a la photographie ces cleux modes d'impression, les employer à propos: le premier, pour les besoins particuliers et personnels; le second, pour les éditions industrielles. Or la plupart des ateliers photographiques travaillent encore pour les commandes individuelles, qui comportent les portraits de famille, quelques reproductions d'objets d'art, quelques vues do paysages 1ocalisés, toutes choses pour lesquelles il semble inutile de penser à la grande multiplication d'un type unique.

§ 1er. - impressions par les sels d'argent et d'or

 

Les impressios par les sels d’argent et d’or présentent des inconvénients graves: le prix élève des produits et surlout une grande altérabilité. Théoriquement l'impression dite au charbon devrait leur être substituée, mais nous voyons que, dans la pratique, cette substitution est loin d'être un fait accompli, ce qui tient un peu à cette cause, mentionnée plus haut, que toute méthode nouvelle nécessite, pour qui veut l’employer, une étude également nouvelle et complète, et ne peut donc pénétrer dans les ateliers qu’avec une extrême lenteur.

En outre, les tirages dits au charbon, qui donnent des résultats supérieurs pour les reproductions artistiques, plaisent généralement moins pour les portraits. Si on les met en parallèle avec les épreuves faites a l'argent, ils semblent plus lourds et n'ont pas encore conquis la faveur du public. La question d'altérabilité, si grave lorsqu'il s'agit d'épreuves qui doivent passer à la postérité, disparaît devant la seduction de l'image à l'argent. Ajoutons que, si le tirage au chlorure d'argent a été fait dans de bonnes conditions, l'image obtenue dure facilement pendant 15 à 20 ans, et dans cet intervallele portrait a eu le temps d'être souvent renouvelé, de ne plus être ressemblant et rnême de s'effacer de la mémoire comme du papier.

L'Exposition de 1878 vient confirmer ce que nous disions en 1873: les impressions aux sels d'argent, qu'on pouvait croire condamnées en raison de leurs défauts, sont cependant encore en majorité, et tout fait croire que cette manière de faire se maintiendra tant que l'opérateur ne trouvera pas dans l'emploi de la gélatine bicliromatée plus de facilité pour lui, plus de satisfaction pour sa clientèle qu'avec son procédé courant.

Nous devons reconnaître aussi qu'une amélioration très grande s'est produite dans les soins donnés au tirage fait a l'argent. Tandis qu'il y a douze ans, en 1867, un grand nombre d'épreuves supportaient avec peine les sis mois d'exposition, nous avons vu, en 1873, à Vienne, que ce défaut ne se présentait plus que pour certains pays un peu eloignés.

Nous avions remarqué, entre autres, le retard de la Grèce. Cette année, nous avons pu constater que les épreuves de M. Moraïtès et de M. Roniaïdès , d'Athènes, pouvaient prendre place parmi les plus belles, et que les envois des pays lointains, entre autres ces nombreuses épreuves venues de diverses parties de l'Australie, avaient parfaitement resisté à l'action si délétère des longs trajets en mer et des températures élevées.

 

§ 2. – IMPRESSIONS PAR LA GÉLATINE BICHROMATÉE

MÉLANGÉE DE MATIÈRES COLORANTES.

 

Ce procédé et ceux qui vont suivre sous le nom d'impressions mécaniques sont entièrement basés sur les modifications que la lumière fait éprouver á certaines matières organiques mélangées de bichromates alcalins. Sur ces réactions reposent, quant à présent, la production des épreuves inaltérables et celle des impressions aux encres grasses, c'est-à-dire 1'avenir de la photographie.

Ces progrès sont dus presque entièrement aux études que M. A. Poitevin a commencées, il y a plus de vingt-cinq ans, et qui, réalisées et perfectionnées successivement par divers praticiens, ont amené les grandes applications actuelles.

Le jury tout entier a voulu reconnaître les éminents services rendus par le modeste inventeur. M. Poitevin n'était pas exposant; mais la Société française de photographie l'a présenté comme son plus grand collaborateur; la Société photographique de Vienne et l'Expédition des papiers d'État au ministère des finances de Russie l'ont également réclamé a ce titre. M. Poitevin a donc été acclamé comme collaborateur des progrès généraux de la photographie, et le jury, a l'unanimité, se référant a l'article 10 du règlement, a demandé pour lui un grand prix exceptionnel, avec allocation d'une somme de 12,000 francs. Là s'arrêtait notre tâche. La décision devait passer par les jurys supérieurs, qui furent pourtant favorables. Mais si M. A. Poitevin, seul dans toute l’Exposition, est porté au catalogue des récompenses avec la mention de grand prix EXCEPTIONNEL, il n'a pas été possible, para~it-il, de trouver administrativement les fonds que le jury avait votés en sa faveur, et dont le règlement avait pourtant prévu l'emploi.

Tout en reconnaissant que les impressions photographiques dites au charbon ne sont pas encore en majorité, nous devons constater que leur nombre va en augmentant.

Nous citerons en tête de ce progrès la Belgique, dont la moitié des exposants avaient envoyé des épreuves tirées par ce procédé, parmi lesquelles il faut mentionner les paysages de M. Hallez, l’agrandissement considérable exposé par M. Bernaert , les portraits de M. Geruzet, de M. Dupont d'Anvers, qui ont un cachet artistique très accentué, ainsi que ceux de M. Daveluy. En Suisse, sur onze exposants, trois, MM. Tœschler, Pricam et Link, ont envoyé des épreuves au charbon. En Italie, ce procédé paraît n'avoir été employé que par MM. Alinari. En Portugal, nous retrouvons M. Carlos Relvas, cet amateur toujours a la tête des améliorations, qu'il s'éfforce de faire pénétrer dans sa patrie. L'Angleterre n'est représentée que par deux exposants en ce genre, MM. Godbolt et Basebé, qui ont envoyé des épreuves transparentes, et la Compagnie autotype, qui s'est fait une spécialité de ce genre de tirage et qui a imprimé les très remarquables agrandissements de paysages de M. Heath Vernon. On retrouve quelques essais dans les pays moins favorisés de la lumière: ainsi M. Osti en Suède, M. Harboë en Danemark, ont exposé des spécimens de ce genre.

Mais c'est surtout en France que ce mode d'impression peut être étudié dans ses différentes applications, parmi lesquelles il faut citer en première ligne les reproductions d’œuvres artistiques. La facilité avec laquelle on peut adapter au sujet les substances colorantes diverses le rend supérieur a tout autre pour le fac-similé, ainsi que l'ont prouvé, dans toutes nos expositions successives, les belles collections de la maison Braun. Ajoutons que, par le fait même des opérations et des transports qui sont la conséquence de ce procédé, on peut employer les papiers les plus variés ou ajouter des teintes plates sous-jacentes, auxquelles la photographie donne le modelé nécessaire, et l'on obtient ainsi pour les portraits de légères colorations, qui viennent modifier ce que les teintes monochromes ont de trop triste dans les agrandissements. MM. Chéri-Rousseau et Braun, en employant ces colorations avec discrétion, ont présenté de grandes épreuves agréables. Lorsqu'il s'agit de paysages, le procédé dit au charhon a besoin d'être employé avec une grande habileté; on peut lui faire rendre des effets très divers. Ainsi, dans l'exposition de M. Chardon on voit des épreuves qui ont la légèreté d'une fine gravure; nous retrouvons ces mêmes qualité dans les paysages de M. Jeanrenaud. Dans les épreuves de M. Harrisson, dont les clichés sont d0’une grande pureté, on trouve une impression plus sourde, tendis que M. Lamy, par une coloration plus chaude, par des tons rosés et une préparation plus brillante, quitte complètement les eflets de gravure pour rentrer, à s'y méprendre, dans les effets de la photographie aux sels d'argent, qui sont également imités par M. Franck de Villecholles, dans ses nombreux agrandissements d'épreuves très diverses.

Donc ce mode de tirage pourra répondre a tous les besoins; mais il faut qu'il soit étudié d’une manière plus générale, pour le mode d'emploi comme pour les préparations premières. Dians l'application de ce procédé aux portraits, nous devons constater les grands efforts de M. Liébert, aussi bien pour le vulgariser par ses publications que pour l'employer exclusivement dans ses ateliers. Mais, soit dans l’exposition générale de M. Liébert, soit dans l'exposition de MM. Numa Blanc, Decagny et Barthélemy, nous retrouvons cette note un peu sourde que nous avons signalée plus haut.

A côté des épruuves positives faites par le moyen de la gélatine bichromatée, nous devons remarquer l'emploi de ce procécdé pour olbtenir avec facilité les contre-épreuves nécessaires pour les agrandissemants, soit qu'un petit positif ainsi obtenu par contact serve à faire un grand cliché négatif a la chambre noire, soit, comme le fait avec succès M. Carette, de Lille, qu'une première épreuve positive, agrandie d'après le petit négatif, donne par le procédé au charbon et par contact un grand negalif à teintes douces, sur lequel la retouche est plus facile, et dont on peut tirer immédiatement de grandes épreuves positives.

 

§ 3. – IMPRESSIONS MÉCANIQUES.

 

Les modes d'impressions qui précèdent peuvent être désignéssous le nom d'impressions par la lumière, parce que l’action lumineuse seule suffit à former l'image d’une manière complète. Dans les impressions mécaniques, la lumière est encore nécessaire, mais seulement d’une manière transitoire; c’est par son intervention que le négatif sert à former la planche d'impression; celle-ci donnera ensuite mécaniquement un nombre illimité d´épreuves.

Les impressions mecaniques se divisent en :

Photoglyptie;

Lithographie phootographique ou analogues;

Photogravure ;

Typographie photographique.

 

Photoglyptie. - La photoglyptie est l'art de faire par l'action de la lumière des intailles dans des substances assez dures pour qu'on puisse les mouler et en faire sortir autant de contre-épreuves qu'il est nécessaire. Ce résultat est obtenu au moyen des reliefs que donne, après dessiccation, une épreuve faite par le procédé de la gélatine bichrornatée. Sous une forte pression, ces reliefs entrent dans une plaque de métal suffisamment ductile et y impriment une image en creux; celle-ci est ensuite moulée au moyen d'une encre gélatineuse teintée, dont les épaisseurs différentes forment toutes les teintes et demi-teintes de l’épreuve photographique. En séchant sur le papier qui sert de support, ces épaisseurs disparaissent, mais, par leurs colorations proportionnelles, on obtient une image tout à fait comparable à celles que donnent les tirages ordinaires.

La photoglyptie, exigeant quant à présent un matériel coûteux, ne peut être employée que par des établissements considérables. Nous n'en avons trouvé de spécimens que dans l'exposition française, où elle est representée par les maisons Goupil et Cie, Lemercier, Braun, Blaise et Rochas et par la Société des publications périodiques.

Ce mode d'impression se prête parfaitement à toutes les applications diverses de la photographie, et surtout a celles qui dernandent un modelé délicat; aussi est-elle employée pour les éditions de portraits de personnages connus et pour les reproductions de tableaux.

M. Rousselon, dans les ateliers de la maison Goupil et Cie, a beaucoup contribué au perfectionnement des diverses presses nécessaires pour ce procédé et à leur mode d'emploi. Il a exposé des épreuves supérieures en étendue à celles obtenues précédemment, malgré les dificultés croissantes pour les grandes dimensions. Le choix des sujets exposes par MM. Goupil et Cie et par M. Lemercier prouve que maintenant les artistes confient volontiers la reproduction de leurs œuvres aux procédés photographiques, et plus particulièrement à la photoglyptie.

Le nombre des épreuves photoglyptiques livrées annuellement par la maison Goupil a divers éditeurs depasse 600,000, et il faut y ajouter le chiffre inconnu des tirages qu'elle fait pour elle même, qui se trouve compris dans un ensemble de 350,000 épreuves photographiques de tous genres prises sur les sujets qui forment le fonds de la maison (1)([iii]).

Ce mode d'impression est excellent lorsqu'il est mis en œuvre par des mains habiles; il rend bien les effets du cliché et permet d'obtenir les teintes les plus délicates; mais, comme tous les modes d'impression qui précèdent, il ne s'harmonise pas avec la typographie et ne s'applique que diflicilement à l'illustration.

Impressions photolithographiques ou analogues. – Ce  procédé, complètement aux études et aux communications de M. Poitevin, repose sur les propriétés que possède la gélatine bichromatée de devenir insoluble sous l'influence de la lumière, et de retenir l'encre d'impression étendue à sa surface, proportionnellement a la somme de lumière qui l'a frappée. Le mode d'emploi de ces propriétés peut se présenter sous des formes différentes. Tantôt on utilise les matières connues présentant les propriétés dites lithographiques, telles que les calcaires spéciaux, les feuilles de zinc. L'image y est imprimée par l'intermédiaire d'une couche de gélatine bichromatée trés mince, que l’on expose à la lumière sous un cliché; les parties insolées deviennent insolubles, les autres sont enlevées par un lavage convenable, qui met à nu la surface du subjectile. On a alors un dessin dans des conditions analogues à celui que fait le lithographe sur sa pierre ; on acidule cette surface suivant le mode ordinaire, on encre et l'on imprime. Cette méthode, à laquelle il faut joindre un procédé analogue dans lequel la gélatine bichromatée est remplacée par le bitume de Judée, donne de très bons résultats toutes les fois qu'il s'agit de la reproduction du trait; elle peut également servir pour l'importante question des reports, dont elle facilite l'emploi.

Il ne nous est pas possible de suivre dans ce rapport les diverses modifications, les nombreux tours de main adoptes suivant les sujets et suivant les praticiens. Nous mentionnerons seulement la belle application faite par MM. Yves et Barret, qui ont copié ainsi, en les quadruplant, plusieurs parties de la carte de France de 1'État-major, dont ils impriment les épreuves par la zincographie, et nous reviendrons plus loin sur les grandes planches typographiques de ces mêmes cartes que ces exposants ont obtenues par des moyens peu différents. Ce mode d'opérer, qui rend bien le trait, semble plus particuliérement adopté pour les reproductions de cartes et de plans. Nous le retrouvons, dans l'exposition de la Direction générale des travaux géodésiques de Portugal, mis en en œuvre par M. J.-J. Rodrigues ; dans celles de M. Fernique, pour les copies photographiques courantes de plans et autres dessins d'architecture; de M. Asser, des Pays-Bas, qui s'est occupé d'une manière toute spéciale depuis longtemps de ces méthodes d'impression par report et qui a obtenu des épreuves d'une remarquable netteté. Mentionnons aussi MM. Alker et Chotteau, de Belgique, dont les travaux remontent à un assez grand nombre d'années et nous rappellent les études faites autrefois en collaboration avec M. Geymet.

Beaucoup d'autres applications du même genre ont dû nous échapper parmi le grand nombre d'épreuves inscrites sous la dénomination générale de procédés aux encres grasses.

La lithographie photographique se présente d'autres fois sous une forme qui est beaucoup plus importante que la précédente, et à laquelle on a donné plus spécialement le nom de phototypie. Cette méthode, simple, peu coûteuse, d'un emploi rapide et facile, est due également a M. Poitevin. Elle se résume théoriquement dans le principe suivant: une surface continue et relativement épaisse de gélatine bichromatée fait fonction de surface lithographique, quel que soit son support, glace, cuivre, zinc, etc.; les parties frappèes par la lumière prennent l'encre et repoussent l'eau; celles qui ne sont pas insolées absorbentl'eau et repoussent l'encre, et cela dans des quantités proportionnelles a l'action lumineuse. Il suffit donc, après les lavages et manipulations cle detail, de passer le rouleau chargé d'encre grasse pour obtenir le dessin que la lumière a imprimé au travers du cliché. Dans des conditions bien réussies, les résultats sont des plus remarquables et imitent, a s'y méprendre, les épreuves photographiques courantes. Ce procédé est né en France, et pourtant il n’y fit pas d'abord de suffisants progrès. A Vienne, en 1873, nous avons été frappeé de notre inferiorité relative, en faisant la comparaison avec les produits de l'Allemagne et de l'Autriche. Mais aujourtl'hui la France a pris largement sa revanche. Nous regrettons de ne pouvoir comparer les impressions phototypiques allemandes avec celles de la France; mais, en cinq années, cette industrie, devenue plus libre chez nous, a pu se développer. Nous n'en sommes pas encore à cette période d'épanouissement que nous aurions désirée, mais les ateliers se sont fondés, les progrès sont constants, les principales difricultés d’exécution semblent, levées, et l'industrie photographique (nous exceptons encore le portrait individuel) semble dotée d’un procédé économique d’impression.

Nous trouvons ce procédé dévelopé ou à l'etat d’étude chez diverses nations. L'Autriche est representée par M. Franz Adalbert, qui s'occupe spécialement des différentes méthodes d'impression à l'encre grasse; par M. Jaffé, par M. Löwy, dont l'exposition très complète réunit presque tous les genres; et surtout par M. Sebastianutti, de Trieste, qui a envoyé des spécimens tres rémarquables. En Russie, c’est l’atelier officiel de la Fabrique des papiers d'État qui suit tous les progrès photographiques, et qui montre des spécimens de phototypie et d’une variante de ce procédé, sous le nom de hanlotypie. Dans l'exposition de Portugal, M. Carlos Relvas a de nombreuses et belles reproductions de la cathédrale de Batalha et du cloître de Belem, qui sont tirées par cette méthode. En Italie,M. Brusa a pr ésenté une série des plus beaux spécimens de l'architecture vénitienne, qui , imprimés avec la coloration habituelle des photographies, font une complète illusion avec les tirages aux sels d’argent. Ce procédé n'est représenté en Angleterre que par la Compagnie autotype: de nombreuses épreuves imprimées par cette société étaient également exposées, en France, dans l'atlas des grands travaux édité par M. Rothschild. Cet ouvrage très intéressant, mais illustré au moyen de cliches faits par les mains les plus diverses, ne pouvait préresenter la régularité de réussite que le jury a trouvée dans les albums de M. Brusa.

Parmi les ateliers français qui représentaient ce mode d'impression, nous citerons en premiére ligne M. Quinsac, de Toulouse, exposant une série de modéles d'architecture, de paysages ou autres photolitographies de toutes sortes, imprimées soit en noir, soit en encres colorées, soit mates, soit vernies, avec marges réservées ou non, prouvant ainsi qu'entre ses mains le procédé est tout à fait courant et reépond aux commandes d'édition qui lui ont été faites par de grandes maisons. M. Braun utilise également avec beaucoup de succèes la pholotypie pour ses éditions personnelles de cartes-albums et de costumes et pour certaines reproductions. Nous retrouvons encore ce mode de faire dans les ateliers de la Société des publications périodiques, qui, sous la direction de M. Vidal, a reproduit ainsi un grand nombre de sujets, entre autres de charmantes compositions de M. Giacomelli.

M. Berthaud a adjoint a son atelier de photographie un atelier de tirage par les encres grasses, dans lequel il imprime les reproductions architecturales et commerciales, les sujets les plus divers, et même il a abordé, avec une réussite des plus encourageantes, le tirage des portraits. Dans l'atelier de M. Arosa , dirigé par M. Roche, on continue d’appliquer ce procédé a l'édilion des modèles de dessin photographiés sous la direction de M. Ravaisson, et malgré les oppositions vives que rencontre ce système de modèles, nous pensons que sa place est marquée entre les premières études et le moment où l'élève, passant au travail d’après la bosse et d’après l'antique, devra se rendre mieux compte des effets de lumière, si bien accentués par la photographie. Nous savons également que l'impression photolithographique est exécutée dans les ateliers modèles de M. Lemercier, où elle devrait faire de rapides progrès sous un maître si habile.

Mentionnons encore les efforts de M. Lampué, qui trouve dans cette application le seul moyen d'imprimer économiquemen't les remarquables clichés de grande dimension qu'il a exécutés sur les plus beaux monuments de Paris.

Cette énumération prouve que la photolithographie est en voie tout à fait progressive en France, et qu'elle est actuellement en mesure de soutenir la comparaison avec les autres pays.

 

Gravure photographipe en creux. - On a donné a ce mode d'impression différents noms, tels que photogravure, heliogravure , héliographie, etc. Le terme de photogravure nous paraît preférable comme nom général embrassant l'ensemble des procédés qui ont pour but de faire la gravure en creux, sur plaques métalliques, au moyen de la lumieère.

On obtient ces planches métalliques gravées soit par le moulage des reliefs que donne la photographie faite par la gelatine bichromatée, soit par la morsure au moyen des acides ou autres agents corrodants attaquant une planche métallique sur laquelle la lumière a fixé les réserves formant le dessin.

Dans l'un et l'autre cas, la production d'images déjà formées par des tailles, des traits ou des points, est chose relativement facile; mais s'il s'agit de demi-teintes fondues, telles que les donnent les photographies prises sur nature ou les reproductions des tableaux, il faut faire intervenir la formation d'un grain convenable pouvant retenir sur la planche la quantité de noir nécessaire à l'intensité des teintes. La solution du problème est dans la formation de ce grain, que chaque opérateur cherche à réaliser par un tour de main particulier.

Le gravure photographique en creux sur planche métallique a été en France l'objet de continuelles recherches, dont les premieères sont anterieures à 1824, longtemps avant Daguerre: elles ont été faites par Nicéphore Niepce. Elles se sont continuées depuis sans temps d’arrêt; mais elles n'ont donné de résultats réellement pratiques pour les sujets a teintes fondues que depuis un petit nombre d'années, et ces resultats ont ete obtenus surtout par M. Dujardin et par M. Rousselon.

La photogravure ou héliographie de M. Dujardin est obtenue au moyen d'une réserve et par la morsure directe de la planche dans les parties non reservées; un grain artificiel, habilement ajouté, donne les facilités nécessaires à l'impression. Ce mode de faire est à la fois peu coûteux et très expéditif, ce qui présente de grands avantages pour une foule de travaux.

M. Rousselon, par une méthode qui lui est particuilière, obtient immédiatement dans la gélatine un grain proportionné aux diverses teintes nécessaires pour la planche gravée; il moule cette gélatine par la photoglyptie, puis par la galvanoplastie, et produit ainsi, dans les ateliers de la maison Goupil et Cie et pour les besoins très étendus de son commerce artistique, une quantité considérable de planches gravées, représentant surtout la reproduction des nombreux tableaux qui, chaque année, attirent plus particulièrement l'attention du public, et dont la maison s'est assuré le droit de reproduction. Le prix de revient d'une planche faite dans ces conditions est assez elevé, tant a cause des manipulations très délicates que par une certaine somme de retouches jusqu'ici nécessaires.

Ces deux procédés marchent parallèlement et sont devenus industriellement pratiques.

Nous devons mentionner une application nouvelle de moulage, inventée par M. Michaud, qui obtient l'empreinte des reliefs de la gélatine au moyen d'un alliage métallique fusible a basse température. Les résultats présentés par M. Michaud sont d'une grande finesse lorsqu'il s'agit de reproductions de traits; mais, pour l’épreuve d'après nature, on sent que le manque de grains laisse les grands noirs lourds, mal encrés, et qu'il est encore nécessaire de faire quelques progreès.

M. Nègre a continué, mais sans progresser, la voie dans laquelle nous l'avons trouvé en 1867. Son procédé peut certainement fournir de bonnes épreuves; mais en s'isolant, en ne formant aucun élève, il n'a pu donner à son travail ni extension ni améliorations notables. La même chose est arrivée pour M. Baldus, qui obtient les mêmes resultats qu’à la dernière exposition.

En général, les pays étrangers sont pauvres en photogravures; nous ferons exception pour la Russie, qui, dans l'établissement impérial pour la confection des papiers d'État, exploite un procédé particulier, dû à M. Scammoni, et consistant en un moulage de reliefs métalliques, que l'on obtient en développant outre mesure l'épreuve negative. Les planches obtenues ainsi ont une très grande finesse; mais cette méthode n'est pas généralement répandue. Le Portugal a également esposé un certain nombre de photogravures; ce sont de grandes reproductions de cartes géographiquis, qui, gravées au trait, présentent moins de difficultés que s'il s'agissait de demi-teintes. Une série de cartes du même genre devait être envoyée par le service de 1'État-major de Suède; mais elle n'est pas parvenue.

L'Autriche est representée par quelques épreuves en photogravure, exposées par M. Franz Adalbert et par M. Jaffé.

 

Typographie photographique. - Ce mode d'impression a une grande importance au point de vue de l'imprimerie, de la librairie et des œuvres illustrées. Le nom de phototypie nous paraîtrait mieux lui convenir qu'aux procédés lithographiques auxquels il a été attribué.

Jusqu'à présent la typographie photographique n'est pratiquée que pour la reproduction des gravures ou dessins présentant les traits ou les points nécessaires pour l'encrage. C'est déjà un pas considérable; mais l'application ne sera complète que par la transformation facile d'une planche photographique quelconque à teintes dégradées en une planche en reliefs typographiques. De grands efforts sont faits pour résoudre cette difficulté; ils sont représentés à l'Exposition, tant dans la riche exposition du gouvernement de Portugal, où M. Rodrigues avait essayé l'emploi de réserves partiellement perméables aux acides, que clans celle de M. Gillot, qui avec une extreme habileté emploie les procédés les plus divers, tels que les dessins sur papiers à grains, à rayures, papiers gaufrés a la molette, etc.

Pour obtenir par les acides un dessin en relief sur plaque dc métal, il faut procédér par morsures répétées, en protégeant convenablement les parois deéjà creusées. On y parvient en faisant descendre par une chaleur douce l'encre protectrice, de manière à l’étaler sur les prois sans boucher le fond. Cette méthode est due a M. Gillot père; de la les noms de gillotage et dc gilloteurs, donnés à l'opération et aux ouvriers qui la mettent en œuvre.

M. Gillot fils a perfectionné l’ œuvre son père, qui ne pouvait prévoir l'extension que la photograpie donnerait à son invention et rnaintenant le gillotage est employé comme moyen courant pour fournir à l'imprimerie, par l'intermédiaire de la photographie, les clichés ou petits bois sans recourir à l'art du graveur sur bois.

M. Gillot fils, par des progrès soutenus, a maintenu sa fabrication a la tête de la typographie  photographique. Nous clevons mentionner aussi MM. Yves et Barret, dont un des plus beaux spécimens est la planche typographique d’une carte de l'État-major permetant de tirer à grande vitesse et économiquement un nombre d'éreuves aussi considérable qu'il peut être nécessaire.

M. Dujardin fait également de la gravure en relief pour les œuvres typographiques escessivement soigées.

Les amateurs des illustrations gravées sur bois a la main reprochent à ce procédé une coupure moins nette et par conséquent un trait moins franc qu'avec la gravure où le burin entaille le bois d'un trait vif. Tout en faisant la part d'une période de transition et de progrès à venir, nous croyons que le nouveau procédé, au point de vue artistirpe, est, même actuellement, de beaucoup préférable à l’ancien, et que le public ne tardera pas à l'apprécier à sa valeur. En effet, la photographie suivie du gillotage nous rend l’œuvre de l'artiste lui-même: c'est un fac-similé.

Le graveur sur bois, au contraire, est forcé d'interpréter, par des lignes et des tailles régulières mais froides, l'intention du dessinateur; l’ œuvre originale y perd la majeure partie de son charme.

Aussi voyons-nous actuellement toutes les publications artistiques recourir aux procédés phototypographiques.

Les illustrations scientifiques admettent plus volontiers la sécheresse du trait; mais elles ne tarderont pas a suivre la voie nouvelle, qui permet de changer à volonté les formats; et lorsque ce procédé se sera perfectionné et pourra s'appliquer à tout cliché photographique, il présentera pour les sciences cet avantage considérable de traduire l'exacte vérité.

L'exposition étrangère n'offre que très peu de spécimens de ce mode d’impression; nous mentionnerons seulement, en Angleterre, quelques épreuves très fines de MM. Unwin frères.

La photogaphie peut également rendre des services aux dessinateurs

et aux graveurs sur bois, en leur donnant immédiatement sur la surface du bois à graver le dessin fourni par le cliché photographique. Ce procédé, si simple en théorie, est d'une exécution pratiquc difficile; la moindre pellicule de collodion ou de gélatine interposée entre le bois et l'outil pour retenir l’argent sensible vient gêner le travail du graveur et produit des éraillures. Mme Billon-Daguerre aurait, paraît-il, résolu cette question délicate, et elle a exposé un certain nombre de bois recouverts du dessin photographique, prêts pour la gravure et ne présentant pas, dit elle, les inconvénients que nous venons de signaler.

 

§ 4. – RECHERCHES NOUVELLES

 

Nous pensons rappeler rapidement dans ce paragraphe quelques travaux théoriques ou pratiques qui se ratlachent à des points déjà connus, mais qui se sont développés depuis la dernière exposition. Telles sont les recherches chimiques du docteur Éder (Autriche) sur la composition et la fabrication du coton-poudre, celles du rmême auteur au sujet de l'action du bichromate de potasse sur la gélatine et les substances analogues. Tels sont également les travaux persévérants de MM. Ducos du Hauron, d'une part , et ceux de M. Ch. Cros, d'autre part, pour rendre plus faciles et plus pratiques les procédés héliochromiques qu'ils ont fait connaîre.

Ces procédés consistent à analyser les rayons lumineux diversement colorés qui nous font voir les objets avec leurs variations de couleur, et à les ramener à trois types primitifs par leur passage à travers les milieux coloreés complémentaires. Ainsi la séparation du rouge (le négatif des rayons rouges) s'obtient en interposant un verre vert; le négatif du jaune, en interposant un verre violet; le négatif du bleu, en interposant un verre jaune orangé.

Une des difficultés de ce procédé est de rendre la préparation sensible aux rayons antiactiniques, comme les rayons verts ou jaune orangé. Les auteurs de ces recherches ont successivement employé la chlorophylle et l'éosine pour donner aux plaques sensibles la possibilité d'être impressionnées à travers ces milieux, et obtenir une production plus parfaite des trois négatifs nécessaires pour les trois epreuves rouge, jaune et bleue, qui constituent l'image héliochromique définitive. M. Ch. Cros, travaillant sous les auspices de M. le duc de Chaulnes, a cherché à réaliser les impressions héliochromiques par les encres grasses, soit au moyen de trois pierres lithographiques recevant chacune leur dessin par les clichés photographiques qui doivent donner les trois couleurs primitives, et produisant ainsi des chromolithographies, qui ont été imprimées par les soins de M. Berthaud, soit en employant ces mêmes clichés pour obtenir des gravures métalliques en creux, faites par les soins de M. Dujardin et donnant, par une impression superposée et bien repérée, les effets multicolores.

Dans ces diverses conditions, les procédés ne présentent pas encore la parfaite réalisation des espérances de leurs inventeurs, et les épreuves esposées prouvent que, s'ils sont proches du but, ce but n'est pas completement atteint.

Nous mentionnerons également l'emploi fait par M. Pellet des propriétés photographiques d'un mélange de perchlorure de fer et d'acide tartrique, signalées précédemment par M. Poitevin. M. Pellet, en faisant réagir la lumière sur une surface couverte de cette préparation et en employant le cyanoferrure de potassium comme révélatuur, obtient avec un positif une épreuve positive bleue. Cette méthode est très avantageuse pour la reproduction directe des plans par un simple décalque, qui donne les traits bleus sur fond blanc; elle permet l'addition de toutes les teintes convenlionnelles. Ce procédé et celui exposé par M. Marion se coniplètent l'un par l'autre, ce dernier donnant les mêmes effets avec un négatif qu'il est nécessaire de faire toutes les fois qu'au lieu d'employer le plan original on veut en obtenir une réduction ou un agrandissement.

 

III

APPLICATIONS DE LA PHOTOGRAPHIE

 

La photographie, devant répondre à des besoins multiples, a donné naissance à cette série de procédés si différents que nous avons énumérés; pour chacun de ces besoins, en effet, il fallait une appropriation particulieère. Les applications sont très nombreuses, et elles relient la photographie aux arts, aux sciences, à l'industrie. Nous ne nous occuperons que des principales, qui sont: les portraits, les reproductions d'œuvres d'art, l’architecture, les paysages, les stéréoscopes et les épreuves pour projections, les émaux et vitrifications, les applications aux sciences, telles que l'astronomie, la micrographie, la géographie, les missions scientifiques, les applications administratives, les applications à l’industrie.

 

§ 1er. – PORTRAITS

 

Quelle que soit, depuis une dizaine d'années, la tendance des procédés photographiques a se généraliser, la production du portrait reste encore l’application qui réunit le plus grand nombre d'adeptes. C'est elle, en effet, qui, au point de vue commercial, est la plus rémunératrice, et, bien qu'elle ne paraisse pas susceptible, comme chiffre d'affaires, d'un éveloppement sensiblement supérieur à celui qu'elle atteint actuellement, il est probable que pendant longtemps encore les portraitistes formeront, comme nombre, l’appoint le plus considérable des expositions photographiques. Mais nous ne pourrions prouver que ce soient eux qui fassent faire les plus grands progrès. Car, si en 1873 nous constations avec regret que. depuis 1867 les seutes améliorations pratiques étaient la retouche plus habile du cliché, nous sommes bien près de le répéter en 1878. Nous devons reconnaître cependant que l'impulsion artistique donnée à Vienne, il y a plus de dix ans, par M. Fritz Luckhardt, a euii de favorables résultats. En général, la pose et l’éclairage ont été mieux étudiés, mais aussi trop régulièrement répétés et imités; trop souvent le sentiment artistique de celui qui dirige la pose du modèle ne se fait pas assez sentir sur les épreuves obtenues, et pourtanl il a une influence si grande qu'il a fait seul autrefois le succès des épreuves de M. Adam Salomon, comnie il a fait, en 1878, remarquer en premieère ligne l’exposition de M. Sarony aux États-Unis et, en France, celle de M. Nadar. Pour le portrait, comme pour le paysage, le point principal est bien plus l’étude artistique qui précède la pose, et dont la reproduction, t-elle médiocre, présentera encore des charmes, que la parfaite exécution d'un sujet mal choisi ou mal présenté, dont l’épreuve ne sera que plus désagréable par sa perfection même. L’œuvre  ne sera complète que par la réunion de ces deux conditions: l'art et le savoir-faire.

Ce que nous disons de l'influence du sentiment artistique nous amène à reconnaître l'action personnelle incontestable de celui qui est le directeur réel d'un établissement photographique, quels que soient ses opérateurs. Cette action se reflétera tantôt sur le côté artistique des œuvres faites sous sa direction, tantôt sur l'ensemble général de la maison, et elle pourra même s'étendre au delà. C'est ainsi que nous avons été amené à reconnaître que, s'il a été fait depuis quelques années de grandes améliorations dans les premiers ateliers de Paris, ces améliorations ont été la conséquence forcée des soins exceptionnels que M. Walery avait donnés a tout l'ensemble de son établissement.

Relativement à la retouche, nous sommes obligé de redire ce que nous avons répété depuis bientôt quinze ans: la retouche est nécessaire pour les portraits; quels que soient le sexe et la condition du modèle, il acceptera difficilement la vérité, presque toujours crue et heurtée, de la photographie actuelle; mais trop souvent on abuse de ces corrections. En attendant que de nouveaux progrès, bien lents à se faire, sans doute parce qu'ils ne sont pas assez cherchés, permettent d'obtenir naturellement des ombres plus adoucies, des modelés plus délicats, les nécessités d'une fabrication courante forcent le photographe à faire passer tous ses clichés sous le travail du retoucheur, et dans tous les portraits nous retrouvons ce pointillé qui vient adoucir les ombres, arrondir les méplats et faire de l’œuvre  de la lumière une œuvre manuelle, plus agréable peut-être, mais à coup sûr moins ressemblante. Nous ne pouvons faire ici une énumération de tous les noms parmi lesquels les différents ordres de récompenses ont forcé le jury de faire un choix et d'établir des démarcations tranchées , qui parfois n'existent dans les œuvres que d'une manière peu sensible. Nous constaterons que, dans les divers pays ou la photographie est le mieux cultivée, on trouve un ensemble d'epreuves très satisfaisant, dont quelques unes ont merité à leurs auteurs les premières récompenses. Nous ajouterons seulement qu'il serait préférable de trouver dans cet ensemble plus de varieté dans le mode de faire, une originalité plus attrayante, telle qu'elle ressort, par exemple, des œuvres de M. Dupont, d'Anvers, de M. Tœschler (Suisse), de M. Kareline, de Nijni Novogorod, dont les étucles touchent presque a la composition et s'arrêtent a la limite de ce genre si difficile dans lequel nous retrouvons M. Robinson. Seul jusqu'ici, ce dernier a pu reussir d'une manière complète à produire une composition, par le talent avec lequel il sait harmoniser l'ensemble. Quelques imitateurs ont suivi M. Robinson; tels sont M. Samuel Fry, qui a exposé le résultat de la combinaison de plusieurs clichés, et M. Delorn, de Toulouse, qui a place au milieu de ses portraits deux scènes de genre qui prouvent un réel talent photographique.

Nous ne mentionnerons pas comme compositions, mais plûtot comme mosaïques, les portraits groupés, comme ceux que MM. Notman et Shandham ont exposés dans leurs scènes canadiennes, ou encore ces personnages divers réunis sur une même feuille par M. Lonborg, de Copenhague; de même M. Smith, de Chicago, a présenté toute une charmante série de portraits, d'enfants très habilement réunis en une même épreuve positive.

Dans ce genre si difficile des portraits d'enfants, qui demande une grande habileté unie à une extrême patience, nons citerons quelques bonnes épreuves de M. Boissonnas, de Genève, et surtout l'exposition entière de M. Charmbay, de Paris; mais nous croyons qu'autant il est charmant de voir ces petites physionomies rieuses, malignes, quelquefois même chagrines, dans un album de famille et dans les tons légers des épreuves dites à teintes dégradées, etc., autant les agrandissements qui transforment le petit chagrin en une fâcheuse grimace font sur le public une impression pénible et voilent l’habileté dépensée pour vaincre les difficultés d'un pareil travail.

La question des dagrandissements, que nous venons de soulever, s'impose maintenant d'une telle façon pour la photographie, elle répond si bien à un besoin du cœur humain, surtout quand la perte d'un être cher, dont le plus souvent il ne reste qu'une petite carte, inspire le désir de retrouver son image grande comme nature, que nous ne nous sentons pas complètement libre d'exprimer toute notre pensée: nous ne pouvons pas plus critiquer celui qui demande cette reproduction que celui qui fait tous ses efforts pour la réaliser. D'ailleurs ces agrandissements constituent pour l'industrie photographique une partie importante de ses bénéfices; ils donnent une valeur réelle a ces collections de clichés conservés par centaines de mille, dont un certain nombre seulement sont utiles et viennent couvrir avec bénéfice les frais considérables nécessités par un semblable emmagasinage. Les procédés d'agrandissements ont été très améliorés: au lieu d'employer des appareils coûteux et de dépenser un temps très long pour faire par le soleil sur papier sensible une grande image positive directe et unique, on emploie le procédé bien plus simple et bien plus rapide de faire un grand négatif, soit en agrandissant par copie à la chambre noire le petit positif obtenu directement du cliché par une simple superposition, ainsi que le font M. Liébert et un grand nombre d'autres photographes, soit que l'on retourne l'opération en faisant par développement une grande épreuve positive sur glace, avec laquelle on obtient par contact un grand négatif au charbon, ainsi que le  préfère M. Carette, de Lille. Dans l’un et l'autre cas, le négatif agrandi s'obtient rapidement, reçoit facilement la retouche et donne ensuite le nombre d’épreuves positives que le client désire, en se prêtant à tous les divers modes d'impression.

En France comme a l’étranger, un grand nombre de photographes ont exposé des agrandissements. Il nous semble toujours que l'impression poduite est triste; ces grandes pages sont froides, et le plus souvent on sent le désir d'y ajouter des colorations qui les animent. Nous avons déjà parlé du procédé au moyen duquel M. Braun et M. Chéri-Rousseau, après avoir développé des épreuvres dites au charbon en les retournant sur un subjectile provisoire, ajoutent quelques teintes, puis les transportent sur le support définitif. Ces teintes légères laissent subsister tout le modelé photographique. C'est la transition à une transformation complète, dans laquelle l'œuvre de la lumière n'est plus qu'une simple esquisse reportée sur la toile et sert de canevas à  l’œuvre du peintre. Ceci devient une application qui nous échappe complètement; un peintre habile peut produire de cette manière de belles œuvres artistiques, et il y a dans l'exposition de M. Nadar, de M. Walery, des peintures ainsi exécutées sur leurs épreuves, mais elles ne sont plus du ressort de notre classe. M. Truchelut, dans une transformation moins complète, produit par la retouche peinte a l'huile des portraits en grisaille qui restent davantage dans les apparences photographiques, et qui présentent un certain charme.

Nous retrouvons encore cette retouche en couleur (pastels ou aquarelles) dans quelques jolis portraits de M. Penabert (France). MM. Elliot et Fry (Angleterre) ont présenté au jury les épreuves noires de portraits ainsi transformés par une harmonieuse coloration. M. Koller (Hongrie) avait joint a une belle exposition, franchement photograplique, une série d'épreuves habilement peintes, et M. Fritz Luckhardt a exposé en Autriche une collection de charmantes figures stéréoscopiques coloriées avec un soin d'autant plus exceptionnel que les teintes des deux épreuves doivent se présenter avec une exacte valeur.

Le jury a refusé avec raison de tenir compte, dans ses appréciatons, de ces œuvres coloriées, quelque séduisantes qu’elles puissent être ; il n’a voulu juger que les œuvres purement photographiques, tout en constatant qu’en France, en Autriche-hongrie, en Russie, en Angleterre, ce genre de portraits prend une certaine importance, etque c’est une aplication dont las artistes savent de jour en jour tirer un meilleur arti. Une tentative qui est surtout originale a été faite par M. Guérin, photographe des Etats-Unis ; blanchissant son modèle, il a fait sur nature des imitations photographiées de bustes en sculpture. Ces portraits tout blancs, aux yeux vivants, sont d'un effet singulier, qui étonne plus qu'il ne plaît.

Si nous nous reportons a l'Exposition de 1873, à Vienne, époque à laquelle nous constations qu'il y avait quelques progrès à faire pour les portraitistes francais, s'ils voulaient marcher les égaux des meilleurs portraitistes étrangers, et si nous faisons aujourd'hui la même comparaison, nous devons reconnaître que les progrès sont faits et que nos premiers ateliers soutiennent facilement la comparaison.

 

§ 2. – REPRODUCTIONS D’ŒUVRES D’ART.

 

La reproduction des œuvres d'art par la photographie a pris un grand développement. A l'Exposition elle était surtout représentée par la France. Dans les expositions étrangères, nous n'en trouvons que de rares applications. Ainsi l'ltalie, où il se fait une quantité si considérable d'épreuves sur les chefs-d'œuvre anciens, est représentée par MM. Alinari, qui ont envoyé quelques-unes des plus grandes et des plus belles photographies de leur remarquable collection artistique. En Russie, la Fabrique des papiers d'État a seule exposé quelques bonnes reproductions de gravures et de dessins, éxécutées tantôt en taille-douce, tantôt en planche typographique. En Grèce, M. Romaïdes a très bien reproduit, moins comme objets d'art que comme curieux spécimens d'archéologie, les bijous anciens trouvés dans les fouilles faites à Olyrnpie et à Mycènes, et nous rappellerons pour mémoire, en Belgique, les études académiques sur nature de M. Marconi. Peut-être cette application artistique, étudiée dans des conditions tout à fait favorables, pourrait-elle rendre de réels services.

En Autriche, M. Winter a exposé des agrandissements considérables, qui, par le fait même de leur dimension, manquent d'une netteté suffisante; ils sont plus spécialement destinés a être recouverts de peinture et a jouer le rôle de copie pour la décoration et l'ornementation. encore le travail photographique dispraît sous la retouche complète et est masqué par les couleurs.

Nous retrouvons en France, parmi les œuvres si diverses de M. Braun, des agrandissements aussi étendus que les précédents, mais superieurs comme netteté; tels sont les tombeaux des Médicis. En outre, à côté des fac-similés des maîtres anciens, M. Braun a mis quelques belles photographies d'après nos maîtres modernes, de sorte que son exposition représente les reproductions d’œuvres d'art dans tous les genres.

Les artistes commencent à mieux apprécier tous les avantages que leur offre la photographie pour la vulgarisation de leurs œuvres, et il en est peu maintenant qui songent à réclamer le secours de la gravure au burin. La photographie, en effet, leur offre de nombreuses ressources, avec une rapidité d’exécution que le graveur ne peut leur donner. Aussi des tableaux, dessins à la plume, au crayon, au fusain, passant-ils maintenant dans l’atelier du photographe et, suivant le goût ou les intentions de l’artiste, ils peuvent être rendus par les divers procédés photographiques. Parmi les épreuves faite au chlorure d’argent, nous citerons celles de M. Lecadre qui a exposé de très beaux spécimens des œuvres de nos premiers maîtres, et de M. Michelet, un de nos plus anciens praticiens en ce genre. S’il s’agit d’une édition un peu considérable, l’impression peut être faite par les procédés photoglyptiques. MM. Goupil et Cie et M. Lemercier emploient ce mode d’impression, qui facilite l’adoption, pour l’épreuve, du ton préférable. Bien que dans l’exposition si considérable de la maison Goupil les reproductions photoglyptiques aient cédé la place aux reproductions par la photogravure et aient été placées comme encadrement, elles n’en étaient pas moins importantes comme perfection et comme modèles des nombreux tirages produits par l’atelier spécial de photoglyptie.

L'artiste peut désirer un autre mode de reproduction et chercher à rentrer dans 1es imprcessions aux encres grasses, soit par la gravure, soit par la lithographie. Nous avons présenté, à Vienne, les premiers débuts des procédés de M. Rousselon; en cinq années, sous son énergique et habile direction, cette mméthode a fait de tels progrès qu'elle est devenue une des branches importantes de l'atelier qu'il dirige, et qu'en quelques semaines les plus beaux tableaux des expositions des beaux-arts sont ainsi reproduits et livrés au public. On peut reprocher à ce procédé de nécessiter une somme de retouches encore trop considérable; mais il y a un tel interêt à s'efforcer de diminuer ces retouches coûteuses, que des perfectionnements successifs parviendront certainement à les amoindrir, sinon à les faire disparaître d'une manière complètet. Les reproductions d’œuvres artistiques, tableaux, dessins, gravures, sont également obtenues par le procédé de M. Dujardin, dont l'exposition contient de très remarquables résultats.

Ce que l’on exécute par la photogravure peut aussi être rendu par l'impression directe sur couche de géatine (phototypie, photolithographie). Ce mode différent est peut-être moins fin, mais il sera quelquefois préféré: il est plus simple, plus rapide, plus économique. Les essais faits par M. Berthaud dans cette voie sont des plus encourageants et méritent d’être mentionnés tout spécialement; car l'artiste pourra ainsi, presque sans dépense, sans rien abandonner de ses droits, faire faire un tirage restreint ou nombreux de ses œuvres, ce qui n'est possible ni avec la gravure ni avec le prix relativement élevé de la photogravure.

Cette méthode convient parfaitement aussi pour les dessins faits largement, comme les fusains, les crayons noirs, dont les reproductions sont rendues alors comme de véritables fac-similés.

La typographie a aussi son importance dans cette question de reproduction d’œuvres d'art, et nous avons déjà expliqué par quelle série de perfectionnements M. Gillot était arrivé a reprendre photographiquement et à transformer en une planche typographique les dessins destinés à paraître dans les livres et gazettes consacrés aux beaux-arts, ou à accompagner les éditions illustrées.

Comme pour les portraits, nous retrouvons ici les essais de coloration. Ils peuvent être faits directement sur l'épreuve, telles sont quelques reproductions de faïence exposeees par Mme Gouin, ou appliqués par des procédés beaucoup plus larges, comme ceux que M. Vidal a inventés et fait exécuter, sous le nom de photochromie, dans les ateliers de la Société des publications périodiques. Dans la reproduction des Trésors d'art de la galerie d'Apollon faite par cette société, un grand nombre de pièces polychromes obtenues par un mélange de photographie et de chromolithographie ont un aspect que nulle autre méthode ne pourrait rendre avec une vérité aussi saisissante.

Selon nous, ces procédés ne peuvent pas encore être appliqués indifféremment, et jusqu'á présent la photochromie, qui convient si bien aux objets tels que les gemmes, les émaux, l'orfèvrerie, donne des résultats inférieurs lorsqu'il s'agit de tableaux ou de portraits.

 

§ 3. – ARCHITECTURE ET PAYSAGES

 

Sous le titre architecture nous comprenons principalement les reproductions de monuments, pour lesquelles on a si souvent recours à la photographie. Ce sont les grandes administrations qui en font le plus fréquent usage. Aussi la photographie architecturale se retrouve-t-elle surtout dans les grandes collections, comme celle de la ville de Paris, qui représente ainsi l'ensemble et les détails des nombreux édifices qu'elle a fait construire; dans celles de l'École des ponts et chaussées, du ministère de l’instruction publique section des monuments historiques) ; ajutons, à l’étranger, les collections des monuments de la ville de Pesth, sous la direction de M. Lechner, celle des travaux des chemins de fer du Canada, etc. Quelqueschiffres pourront donner une idée de l’importance de cette appication. Dans l'Exposition, la ville de Paris a fait représenter photographiquement ses divers services par un nombre de photographies s'élevant a plus d'un mille. On peut évaluer que les deux tiers sont des reproductions se rapportant à l’architecture. Les  vingt-deux albums exposés par l'École des ponts et chaussées, qui comprennent les ponts, canaux, chemins de fer et gares, phares, etc., forment un ensemble considérable d’épreuves, dont la majeure partie a été exécutée avec beaucoup de soin par M. Magny et par M. Duclos. Le chiffre de la collection des monuments historiques de France dépassait 4,000 en 1876, et il n'est pas douteux que ces chiffres n'aient été toujours en augmentant.

Constatons cependant que cette application, demandée presque toujours par des hommes d'un savoir éminent, mais qui ne connaissent pas les ressources actuelles de la photographie, est le plus souvent mal comprise et  ne rend pas tous les services qu'on peut en attendre. Au lieu d’être dirigée avec cet esprit d’ensemble que doit avoir toute administration en vue des besoins et des collections d'avenir, on se contente, à un moment pressé, de demander une reproduction photographique qui, faite aux sels d'or et d’argent, disparaîtra dans un temps plus ou moins long, et dont on ne tirera plus aucun service. Sans prétendre que toutes les grandes administrations devraient avoir leur atelier photographique comme elles ont leur atelier de dessinateurs, elles devraient au moins adopter pour leurs reproductions des mesures générales, se réserver la propriété du cliché, qui pourra servir pour les diverses publications, et ne produire que des épreuves dites aux encres grasses, qui, peut-être moins séduisantes, auront au moins le mérite d'une conservation indéfinie.

La direction des monuments historiques serait, paraît-il, entrée dans cette voie; et nous avons vu dans les salles du Trocadéro deux belles collections d'épreuves, faites par M. Mieusement, qui attestent une notable amélioration sur le système adopté précédemment.

Il y a dans cette application un vaste champ de travail, souvent difficile; car pour obtenir une reproduction non déformée, il est certaines règles absolues auxquelles il faut se conformer, pour conserver le parallélisme des lignes verticales. Trop souvent encore, parmi les œuvres exposées, on peut constater des déformations de ce genre, pardonnables chez un amateur qui saisit à la hâte quelques souvenirs, mais qui ne doivent pas exister quand il s'agit d’œuvres spécialement destinées à la reproduction architecturale. C'est ainsi que, parmi les belles épreuves de M. Collard, de M. Cognacq, de La Rochelle, il. en est un certain nombre qui présentent l'inclinaison des lignes. Ces opérateurs eussent peut-être pu l'éviter en prenant une meilleure position, en employant des échafaudages, ou même en utilisant, conme le fait M. Neurdein, des pieds photographiques de très grande élévation munis d'une échelle, et des objectifs capables d'embrasser un angle suffisant pour qu'on puisse les excentrer de manière à obtenir les parties hautes du monument sans inclinaison de la chambre noire.

Il est vrai qu'on se trouve quelquefois en face d'impossibilités; mais le photographe qui a embrassé cette spécialité doit s'efforcer d'en restreindre le nombre.

Parmi les épreuves les mieux réussies en ce genre, nous citerons les reproductions de l'Hôtel-Dieu de Paris et celui du mont Saint-Michel par M. Durandelle. Dans la section étrangère, nous rappellerons les albums de sculpture et d'architecture imprimés à l’encre grasse par M. Brusa, l'iconographie de l'église de Brescia par M. Rosetti, quelques intérieurs bien rendus par M. Rocchini  (Portugal), les épreuves déjà citées, soit a l’argent soit a l'encre grasse, exposées par M. Carlos Relvas, pour appeler l'attention sur les richesses peu connues de l'architecture portugaise.

La photographie de paysages rentre plus que la précédente dans le domaine de la fantaisie artistique; elle peut être interprétée d'une manière très différente, suivant le goût et le sentiment de l'opérateur. Elle est cultivée au point de vue industriel dans les pays plus particulièrement parcourus par les touristes, tels que les contrées pittoresques, les villes d'eaux, d'où les voyageurs tiennent a rapporter d'exacts souvenirs. M. Neurdein a montre dans son exposition de nombreux spécimens fort bien réussis d'une très grande collection qu'il a faite des vues de France et d'Algerie. Nous citerons également les belles épreuves de pays etrangers que M. Levy imprime sur papier, et joint a ses vues stéréoscopiques, celles des Pyrénées par M. Delon, le mont Dore et Royat par M. Couton, les vues de Boulogne par M. Chamoin, une très belle série de l'Égypte et de l'Asie Mineure par M. Bonfils. A Monaco, M. Deroux a reproduit non seulement la principauté, mais aussi les points de vue les plus intéressants de Nice et de Menton. La Suisse est peut-être la contrée qui devait le plus tenter les photographes, et ce ne sont pas seulement les opératcurs établis dans le pays, comme M. Charnaux et M. Garcin, qui nous en représentent les beaux sites pittoresques, mais encore les maîtres étrangers, parmi lesquels nous rappelons les belles épreuves de M. England, dont le jury a apprécié toute la finesse, mais qu'il n'a pu recompenser, leur auteur étant membre du jury. En Autriche, nous retrouvons les beaux paysages panoramiques de MM. Baldi et Wurthle, la collection du château de Mirarmar, près Trieste, par M. Sebastianutti, des marines par M. Rottmayer, les plus belles parties du Tyrol par M. Largayoli et par M. Lorent. M. Moraïtes, en Grèce, a photographié avec beaucoup de succès les restes des monuments antiques d'Athènes. Nous avons été surpris de ne pas voir dans l’exposition italienne un plus grand nombre de photographies du même genre, car c'est un des pays les plus riches pour les sites, les antiquités et les monuments, et il eût été désirable de retrouver pour Naples, Florence, Milan, quelques belles épreuves, comme celles que M. Alessandri à faites á Rome, et nous pensions que Venise y serait représentée comme précédemment par la grande collection  M. Naja, dont nous avons regretté l'abstention.

Quelques expositions, comme celles de M. Lindt, de M. Daintrée, offraient un grand intérêt, parce qu’elles nous faisaien connaître divers parties de l’Australie. M. Yermakoff exposait les vues de l’Arménie; M. Brownrigg nous conduisait dans les Indes, ainsi que l’album trop peu remarqué de M. Pont, exposant de la section française. L’Algérie était principalement représentée par un grand panorama de M.Geyser et par les photographies de M. Cayrol, de M. Péra, et parquelques types très artistiques de M. Klary. D’autres épreuves, dont quelques-unes appartiennent aux missions scientifiques, nous initiaient aux usages 3et à l’aspect de pays lointains ; telles sont celles de M. Robin pour la Nouvelle-calédonie, de Houzé de l’Aulnay pour le gabon, de M. Gsell pour la Conchinchine, et une série de types et paysages du Japon para M. le baron de Stillfried.

À ces côtés utiles de la photographie de paysages joignons les recherches uniquememt artistiques, comme les ont comprises M. Jennings Payne, qui a fait, sur les bords des lacs anglais, de véritables études parfaitement rendues par des épreuves positives très chaudes et très luminenses, et M. Quinet, dont les photographies, fines et légères, sont recherchées des artistes pour enrichir leurs collections.

Les amateurs, très brillamment représentés par M. Chardon, M. Jeanrenaud, M. Balagny, M. Harrisson, n'’étaient pas en nombre suffisant. La photographie est, pour les personnes qui ont des loisirs, pour les touristes, un passe-temps des plus agréables, instructif et moral, donnant par l'étude, les recherches et les voyages, une occupation saine de tous points. Nous regrettons d'avoir à constater que le nombre des amateurs sérieux va plutôt en diminuant qu’en augmentant; et pourtant, grâce aux travaux de leurs aînés, les manipulations photographiques deviennent de plus en plus faciles, et c'est peut-être cette facilité même que nous devons accuser. Quand autrefois on voulait obtenir quelques resultats, il fallait se donner quelque peine, et le plaisir que l'on éprouvait était en raison de la peine dépensée; la moindre épreuve excitait le désir de faire mieux; on étudiait et l’on se passionnait. Aujourd'hui les appareils sont perfectionnés, on trouve les préparations toutes faites, on croit qu'il sufit de les faire poser tant bien que mal, on va jusqu'à renvoyer à l’industriel qui les a fournies les surfaces exposées pour qu'il en fasse le développement. Dans ces conditions, les résultats sont presque toujours déplorabes, le est nul, le dégoûtt et l'abandon ne tardent par à suivre. On accuse succcssivement les préparations, les appareils, quand mieux vaudrait s'accuser soi-même et se rappeler qu'on ne peut faire et réussir que ce que l'on a appris lentement et soigneusement.

Les vues stéréoscopiques, surtout les positives imprimées sur verre, ont un charme tout particulier, lorsqu'elles sont aussi habilement faites que celles formant la collection si considérable de M. Levy. Elles ramènent celui qui les regarde à la realité des distances et des plans, si souvent mal rendus par la photographie monoculaire. Ce genre d’épreuves doit être fait avec un soin exceptionnel. Deux maisons seulement en France (nous ignorons s'il en est d'autres a l'étranger) produisent couramment des épreuves de choix; ce sont celle de M. Lévy, que nous venons de citer, et celle de MM. Lachenal et Favre, qui possèdent également de très belles collections. Nous ne dirons rien des images stéréoscopiques sur papier; elles manquent presque toujours de la finesse désirable; les fibres et le grain de la pâte, grossis par l'appareil, nuisent à l'effet. Aussi ces épreuves sont-elles beaucoup moins recherchées qu'autrefois.

Aux épreuves stéréoscopiques il faut joindre la production des épreuves pour projections, si employées aujourd’hui pour les cours, les conférences scientifiques, et qui permettent de montrer rapidement à un nombreux auditoire les sujets qui ne seraient rendus que d'une manière imparfaite par le dessin ou par la description. Aux collections si curieuses de M. Lévy et de MM. Lachenal et Favre, qui comprennent presque tous les sites connus de la terre et un grand nombre de sujets scientifiques, nous joindrons celles que M. Molteni a réunies pour l'instruction et le service des conférences.

En Angleterre, en Autriche, en Russie, en Suisse, on retrouve aussi un certain nombre de ces épreuves, qui sont devenues un accessoire obligé de l'enseignement.

 

§ 4. – ÉMAUX ET VITRIFICATIONS

 

Dans les divers envois faits a l'Exposition, on a un peu abusé de ce nom de potographies émaillées. Depuis un certain nombre d'années, le goût du public s'est porté sur un genre d'épreuves dont un glaçage particulier, obtenu aumoyen de la gélatine, fait ressortir les moindres finesses. Ce glaçage a été, très à tort, qualifié d'émaillage. Nous n'avons pas à en parler ici et, tout en constatant ce qu'il peut avoir de séduisant, nous établissons la distinction très nette qui existe entre cette fausse appellation d'un procedé éminemment altérable et fragile et les vérilables émaux qui, fondus au feu de moufle, presentent au contraire la plus grande inaltérabilité que 1’on puisse demander.

Les émaux photographiques s'obtiennent par cette réaction connue du bichromate de potasse sur certaines substances à propriétés adhésives et hygrométriques, telles que le miel, la glucose, etc. Sou l'influence de la lumière, cette propriété se modifie, et si l'on passe une poudre d'émail sèche sur une surface ainsi préparée et insolée sous un cliché, cette poudre adhère d'autant moins que l'action lumineuse a été plus grande, et forme une image qui, après de délicates manipulations, peut être passée au moufle d'émailleur.

Le procédé au bichromate n'est pas le seul: on peut employer également celui au perchlorure de fer additionné d'acide tartrique, inventé par M. Poitevin; seulement la réaction est inverse, et la poudre d'émail adhère sur les parties impressionnées par la lumière. Dans le premier cas, il faut employer un positif; dans le second, un négatif. M. Lafon, de Camarsac, fut le premier inventeur des émaux photographiques, et, depuis 1854 à jusqu'à nos jours, il est resté à la tête de cette industrie éminemment française. Nous le retrouvons, après vingt-cinq ans de travail, agrandissant ses résultats et substituant aux petites épreuves sur émail, à fond de métal, de grandes épreuves sur fond de lave, qui pourront permettre à la photographie d'entrer dans la voie décorative et de trouver ainsi un débouché nouveau. Avec M. Lafon, de Camarsac, mentionnons deux habiles opérateurs: M. Mathieu-Deroche, dont la belle exposition, presque entièrement composée d'épreuves non coloriées, prouve le soin extrême avec lequel le procédé est exécuté, et MM. Gougenheim et Forest, qui ont ajouté à de beaux émaux monochromes des émaux en couleurs, sur lesquels la retouche faitde l'image photographique une simple esquisse entièrement recouverte par un travail de main. Mlle Mezzara et M. Lochard ont égalementexposé quelques épreuves dans ce genre difficile, et nous tenons a donner un éloge special a M. Peignot (et sœur) un nouveau venu, exposant pour la première fois, mais dont les œuvres avaient le double mérite d'être faites avec beaucoup de soin et de présenter un ton brun et chaud, dû à une nouvelle préparation d'émail inventée par M. Peignot. Nous n'avons en France qu'un seul amateur, M. le comte de Roydeville, qui ait cultivé avec succès les émaux photographiques; il a exposé comme souvenir les épreuves qui déjà avaient figuré à Vienne, a l’Exposition de 1873, auxquelles ont été donnés alors de justes éloges, aujourd'hui renouvelés sur les mêmes sujets.

Cette application de la photographie est presque exclusivement française; un seul exposant étranger, M. Henderson, avait envoyé de jolis spécimens de travaux qui lui ont valu une réputation en Angleterre, mais qui ne nous ont pas semblé pouvoir entrer en comparaison avec ceux de nos premiers exposants français.

A côté du travail spécial de la photographie reportée et vitrifiée sur plaque d'émail, se plaçait autrefois toute une application à la céramique, dont nous avons constaté précédemment le manque d’harmonie. Cette application, en effet, a été jusqu'ici mal comprise. Le photographe, prenant une poterie quelconque, s'efforce d'y coller, en médaillon ou autrement, un sujet dont la teinte grise ou noire s'harmonise le plus souvent très mal avec le vase qu'elle a la prétention de décorer. Les quelques très rares spécimens qui ont été présentés ne montrent aucun progrès en ce genre.

Dans les vitrifications, il faut joindre a la céramique l'art du verrier, et nous avons vu par les essais antérieurs de M. Maréchal que la photographie peut être utilisée d'une manière directe ou  indirecte dans cette fabrication. Nous ne savons pas si en 1878 photographie est entrée pour quelque chose dans le travail des belles verrieres exposées; mais dans des conditions beaucoup plus modestes nous devons mentionner les essais de vitraux photographiques de M. l'abbé Salvi, qui, avec quelques progrès et un pluslarge développement, pourraient s'appliquer a la décoration des églises. M. Firmin-Didot avait également exposé dans une autre classe des reports de gravure vitrifiés sur verre, application qui pourra prendre un développement lorsque, devenue courante, elle donnera à bon compte des sujets à intercaler dans les vitraux décoratifs.

Ainsi, en dehors des portraits émaillés, qui sont une industrie acquise, les vitrifications ne sont pas encore tout à fait pratiques, mais les germes sont pour ainsi dire semés, et il suffira d'une amélioration, d'un caprice de mode, pour que la photographie prenne encore une certaine extension de ce côté.

 

§ 5. – APPLICATIONS  AUX SCIENCES.

 

Trouver, montrer, prouver, instruire, tel est le but des recherches scientifiques, et dans ces conditions nous croyons que la science a rencontré dans la photographie un de ses plus puissants auxiliaires. Elle n'en connaîtra toute la valeur que lorsqu'elle aura appris a l'employer et à l'adapter à ses divers besoins, et qu'elle aura contribu par ses recherches mêmes a la maintenir dans une voie toujours progressive.

Astronomie. - Sous l'impulsion que lui a donnée M. Janssen (de l'Institut), la photographie astronomique a produit des résultats du plus haut interêt. Dans ses recherches sur la constitution du soleil, M. Janssen, en utilisant des préparations d'une grande pureté et d'une grande sensibilité, a pu, au moyen de poses excessivement rapides, saisir le réseau de la surface solaire et, par un agrandissement habilement réussi, en montrer tous les détails.

On avait espéré trouver dans la photographie une méthode nouvelle et rigoureuse de constater les passages importants de quelques planètes sur le soleil. L’essai fait lors du dernier passage de Vénus, tout en donnant des résultats utiles, n'aurait pas cependant répondu, dit-on, d'une manière complete aux espérances que l'on avait conçues. De nouvelles tentatives faites par M. Angot, spécialement envoyé par la France en mission aux États-Unis, et celles de M. Capello, directeur de l'observatoire de l'infant don Luys de Portugal, pour photographier le passage de Mercure sur le soleil, n'ont pas encore donné la netteté suffisante: les bords des astres ne sont pas arrêtés avec assez de franchise pour qu'il soit facile d'en prendre des mesures rigoureuses, et il se pose une série de questions que des recherches commencées par M. Angot résoudront sans doute. Est-ce la préparation photographique qui cause le phénomène complexe auquel on a donné le noni d'auréole, et qui ne permet pas d'obtenir la netteté désirable? Ou cette auréole, cette dégradation de teintes, est-elle due aux instruments employés, qui, parfaits sans doute pour l’œil, peuvent ne pas l'être pour la surface sensible. Enfin est-ce un résultat inévitable de l'action lumineuse?

Un nouveau passage de Vénus va se présenter prochainement. Ces questions reviennent donc avec un intérêt d'autant plus grand que le phénomène ne se représentera ensuite que dans un avenir très eloigné. Mais elles sont d'un ordre beaucoup trop élevé pour que nous puissions faire autre chose que d'en souhaiter la solution par des études et des essais préparatoires faits en temps utile.

Micrographies. - Nous trouvons dans l'infiniment petit un champ de recherches non moins intéressantes que les précédentes, surtout à cette époque où les travaux scientifiques, particulièrement ceux de M. Pasteur, ont révélé l'immense influence de l'être microscopique, ous toutes ses formes, ferments, parasites, etc., sur a santé, sur la richesse publique, sur l'ensemble des grandes lois aturelles. La photographie devrait être appelée à constater chacune de ces études et à reproduire, considérablement agrandi, non seulement ce que l’œil découvre, peut-être même ce qu'il ne voit pas dans le champ du microscope. Pourtant cette apllication et resté en quelque sorte stationnaire. A côté des éreuves e M. Ravet, de Surgées, nous montrent le phylloxéa sous ses divers aspects et les agrandissements considérables de diverses  diatomées, nous signalerons les études microscopiques de M. J. Girard sur les phases de la préparation d'une couche de colloclion sensibilisée. Ce travail, qui intéresserait au plus haut degré les théories photographiques, n'a eu ni la suite ni les conséquences que nous aurions desirées.

Dans l'Exposition autrichienne, M. Ultzmann a fait sur les sédiments et produits de l'urine un travail de micrographie photographique moins bien réussi comme épreuves, mais mieux compris que les précédents au point de vue scientifique: c'est l'étude d'un sujet faite au microscope, et à laquelle la photographie vient apporter son concours, en constatant par l'épreuve obtenue les faits avancés par le savant.

Plusieurs causes ont empêché jusqu'à présent les savants micrographes d'entrer dans cette voie. La première est qu'ils ne veulent pas commencer par apprendre la photographie et chercher à résoudre les difficultés de cette application spéciale, difficultés qui se présentent aussi bien dans les instruments employés, dans l'éclairage, que dans les surfaces sensibles, et dont la solution ne peut être realisée que par l'habileté pratique de celui qui les rencontre dans le cours de ses travaux. D'autres causes tiennent à l'état du sujet, à sa coloration; qu'il faut harmoniser avec les exigences de la photographie, comme l'a si bien compris le docteur Luys dans ses études sur le cerveau: elles tiennent encore à la netteté, a la pureté de la préparation, dont le savant peut parfois négliger l'ensemble, si le seul point qui l’intéresse est suffisamment bien présenté, mais dont la reproduction photographique grossira tous les accidents, de façon à ne plus présenter qu'une image informe. Nous n'avons pas a insister pour montrer tout l'avenir de cette branche des applications photographiques, lorsque de patientes recherches en auront résolu les principales difficultés.

 

Géographie - La géographie trouve dans la multiplication facile des cartes par l'héliogravure, la phototypie, la typographie photographique, de nouveaux pocédés non seulement de vulgarisation, mais aussi de fabrication et d'adaptation. Les facilités de réduction d'échelle permettent d'utiliser les cartes locales ou générales pour en obtenir de nouvelles, ainsi que cela se fait pour l'atlas des ports de France. En prenant à la fois les cartes marines, les cartes de 1'État-major, les cartes départementales, M. Huguenin, sous la direction de M. Reynaud, a crée ainsi, par la superposition des pièces, de nouvelles minutes pour le travail du graveur. Au Ministère de la guerre et surtout dans les ateliers organisés aux Invalides par M. de La Noë, les nouveaux procédés sont mis en pratique; de même en Portugal, en Autriche, en Italie, en Belgique, dans les Pays-Bas, et même dans les Indes, par les soins de M. Waterhouse, les travaux géographiques sont facilités par la photographie.

Le lever des plans, ce point de départ de la carte geographique, peut dans certaines conditions être realisé photographiquement, et dans l'exposition de M. Duboscq nous avons retrouvé la planchette photographique d'Aug. Chevalier destinée à faciliter les travaux de ce genre. Déjà M. Laussedat et M. Javarry avaient employé des procédés analogues, et si ces procédés ne rendent pas encore tous les services que l'on peut en attendre, n'est-ce pas à l'ingénieur à les perfectionner par l'expérience et à les adapter a ses divers besoins?

 

Missions scientifiques. - Les progrès de la géographie sont reliés à ces voyages des missionnaires scientifiques, qui ont surtout pour but d'explorer les régions inconnues. Les services que la photographie peut rendre dans ces diverses conditions sont tellement évidents que nous n'avons pas à y insister; mais nous devons reconnaître qu'au point de vue pratique ils sont tout a fait incompris. Des modifications successives dues à l'initiative de M. le Ministre de l'instruction publique et à la Société française de photographie ont amélioré la partie matérielle; d'ici à peu les instruments et les préparations donneront les plus grandes facilités aux voyageurs pour rapporter des épreuves prises dans leurs excursions lointaines. Mais il ne suffit pas d'avoir les instruments, d'avoir vu une ou deux fois comment ils fonctionnent; il faut, pour obtenir quelques résultats, en posséder le mode d'emloi et connaître à fond fensemble des opérations que l'on est appelé à exécuter dans des conditions souvent fort dificiles. Or, jusqu’à présent la photographie a rendu peu de choses entre les mains des missionnaires, parce que, sauf de rares exceptions, ils sont partis complètement inhabiles sur ce sujet. Nous citerons cependant, dans l’exposition du Ministère de l'instruction publique, quelques éreuves de M. Raffray prises dans la Nouvelle-Guinée, d’autres de M. André faites dans l’Amérique équatoriale, une collechon rapportée par M. Ujfalvy de son voyage au centre de l'Asie, mais beaucoup d'épreuves de cette collection ont teé choisies parmi celles existant déjà dans les pays parcourus. M. Wiener a fait aussi lui-même un grand nombre de clichés dans son voyage du Pérou et de la Bolivie; mais bientôt il ne restera rien de ce grand travail, car la majeure partie des épreuves, brisées, ne peuvent plus donner de positives, et ces derniéres, tirées par des mains inexpérimentées,sont déjà presque effacées.

La photographie n'est pas moins utile dans les missions littéraires et archéologiques, pour donner, ainsi que l'a fait M. Rivière pour les squelettes humains de l’âge préhistorique trouvés dans les grottes de Menton, les copies exactes des documents découverts; elle rend avec une authenticité indiscutable les reproductions des titres et parchemins importants. Nous avons ainsi les titres curieux de l'hospice de Meaux et des renseignements géologiques et archéologiques précieux, comme les montrent les albums de M. Trutat, de M. Mieusement et les reproductions des découvertes faites dans les fouilles de Mycènes, d'Olympie, qui nous ont été communiquées par les belles photographies de M. Romaïdes, d'Athènes.

Ainsi, dans cet important service de l'instruction publique, la photographie vient à chaque pas offrir son appui, et nous devons regretter qu'une organisation spéciale et complète, conçue par M. le baron de Watteville, alors qu'il était directeur des sciences et des lettres, soit en parlie restée a l'état de projet et ne permette pas de l'utiliser plus largement.

 

Enseignement. - La photographie, qui vient aider les recherches du savant, qui montre ce qu'il a trouvé et donne la preuve la plus irréfutable du fait découvert, puisqu'elle en est le reflet, se prête encore à l'instruction générale; elle facilile les études en permettant de réunir sous forme de collections les ensembles de sujets divers. Ainsi, pour l'histoire naturelle, nous avons vu les reproductions zoologiques de M. Hedges , de M. Fisk , de M. York, montrant des animaux photographiés instantanément, les études des plantes de la Ligurie par M. Guido de San Remo, celles de M. Antoine Franz, à Vienne. Ces épreuves facilitent les publications, et un grand nombre d'ouvrages, parmi lesquels nous citerons ceux édités par la maison Rothschild, tels que le Cocon, les Plantes des promenades de Paris, etc., sont illustrés, directement ou indirectement, a l'aide des procédés photographiques.

 

Elle vient encore aider le professeur dans ses leçons, qu'il rend beaucoup plus instructives et plus intéressantes au moyen des projections. Des milliers d'épreuves, formant des collections très importantes, aussi bien par leur nombre que par la variété des sujets, sont maintenant à la disposition de l’instruction générale, depuis

les leçons les plus élémentaires, qui, présentées sous cette forme, charment l'enfance, jusqu'aux cours les plus élevés de la science; dans ces cours les plus éminents professeurs utilisent les projections comme le meilleur mode de démonstration, ainsi que M. A. Girard l'a fait, le premier, au Conservatoire des arts et métiers. Nous avons déjà cité, en France, parmi les plus belles collections en ce genre, celles de M. Levy, de MM Lachenal et Favre, de M. Molteni; ajoutons, en Autriche, les micrographies de M. Reisinger, en Angleterre les études zoologiques déjà indiquées et les reproductions d'art de M. England.

 

§ 6. - APPLICATIONS ADMINISTRATIVES.

 

C'est surtout dans l'exposition de la ville de Paris et dans celle de la préfecture de police que nous trouvons les exemples les plus nombreux de ce genre d'applications. Nous avons montré ci-dessus la large part que prend la photographie pour représenter les divers travaux d'art et d'architecture de la Ville; nous la retrouverons également employée comme constat et comme pièce de conviction à montrer au jury dans les questions d'expropriation. Nous avons revu avec plaisir les audacieux essais faits autrefois par M. Nadar pour photographier, au moyen de la lumière électrique, les parties les plus intéressantes des égouts et des catacombes, et les premières épreuves obtenues par lui en ballon pour saisir instantanément un plan de ville ou de campagne. Ce qui paraissait presque une impossibilité au moment où M. Nadar l'a tenté avec quelque succès serait aujourd’hui une application toujours difficile, mais moins surprenante. Au moyen du procédé sec nouveau dit au gélatino-bromure, qui est beaucoup plus rapide que le collodion humide, on comprend qu'il soit possible, avec des appareils fonctionnant automatiquement, de prendre instantanément le plan des panoramas successifs qui se déroulent au-dessous d'un ballon. Dans certains ateliers, comme ceux de M. Van der Veyde à Londres, de M. Liébert à Paris, on remplace courammment la lumière solaire absente par la lumière électrique, ainsi du reste que le font depuis longtemps M. Dujardin, M. Rousselon, pour leurs travaux spéciaux.

La précision de la reproduction photographique ne devait pastarder à venir en aide à l'œuvre de la police, el par les soins de M. Lombard un service fut installé à la préfecture, où, avec la collaboration de MM. Bouché et Lissonde, on ne tarda pas à rassembler une utile collection de portraits des malfaiteurs qui passent par la préfecture. Ce service s'étend aux constatations des faits si nombreux dans lesquels la police doit intervenir, tels que les accidents,comme l’explosion de la rue Béranger, les incendies, les inondations ou les relevés des localités où un crime a été commis,la reproduction de toutes les choses qui peuvent servir de pièces de conviction et aider les recherches de la justice. On retrouvait également, dans cette exposition, la photographie des altérations faites par les faussaires sur les billets de caisse, sur les bons du Trésor, etc., et, par les soins de M. Gobert, spécialement chargé du service photographique de la Banque de France, on pouvait relire sur ces piéces les anciennes écritures régénérées photographiquement et démontrant le faux avec une indéniable évidence.

Une autre application importante de la photographie administrative qui, à un moment donné, peut rendre d'immenses services, est celle qui se rapporte aux dépêches microscopiques photographiées et transportées par pigeons voyageurs. La première idée est due à notre regretté ami Barreswil et a recu, vers le milieu d'octobre 1870, un commencement d'exécution par les soins de M. de Lafollye, inspecteur des lignes télégraphiques, qui connaissait très bien la photographie, et qui obtint les premiers résultats avec M. Blaise, a Tours, puis avec M. Terpereau, à Bordeaux. Les dépêches photographiques furent ensuite rendues plus pratiques pour la légèreté et le nombre des épreuves envoyées, grâce a l’habileté de M. Dagron, qui, assiste de M. Fernique, substitua aux épreuves premières des épreuves microscopiques enlevées sur pellicules lgeères. Ces pellicules, roulées et placées dans un tuyau de plume, permirent de confier a un seul pigeon jusqu'à quarante mille quatre cents dépêches (l) ([iv]).

 

§ 7. – APPLICATIONS À L’INDUSTRIE

 

Nous n'avons pas à revenir sur les applications industrielles de la photographie à la gravure, à la lithographie, à la typographie; nous les avons fait suffisamment ressortir en parlant des procédés les rendent pratiques. Nous avons pu constater que, si ces industries étaient restées un instant stationnaires en France, elles sont actuellement en plein développement, dans des conditions qui en assurent l'avenir, parce qu'au lieu d’être le monopole d'un seul, elles sont accessibles à tous.

La reproduction des œuvres industrielles n'a pas encore pris toute l’extension qu'elle atteindra certainement; elle était representée par quelques bons spécimens de M. Mandar. Pour que cette application devienne courante, il faut l’abaissement drs prix et l'impression économique par les procédés de phototypie.

Lorsque les fabricants pourront faire reproduire à petit nombre et économiquement leurs cartes d'échnantillons par ce procédé, il n'est pas douteux qu'ils ne se servent d'une manière exclusive de la photographie, puisque déjà quelques grandes maisons ont à leur service des opérateurs spéciaux.

 

IV

APPAREILS ET PRODUITS

 

Les appareils et les produits photographiques ont certainement une grande importance, puisque ce sont les instruments du travail; toutefois, sauf quelques exceptions basées sur des inventions, sur des progrès ou sur des services réels, ils ne peuvent prendre, dans l'exposition photographique, qu'une place secondaire. Les fabricants de produits photographiques ne sont vraiment producteurs que pour un petit nombre de substances; le plus souvent ils ne font qu'employer, suivant des formules ou des procédés connus, les matières premières rentrant dans la grande industrie des produits chimiques, et ressortissant principalement de la classe 47, à laquelle incombait plus spécialement le droit de les juger et de les récompenser.

Répondant au reproche, depuis longtemps répété , que le jury n'essaye pas les produits et les appareils exposés, nous ajouterons qu'un exposant peut toujours, par un sacrifice d'argent ou par les soins exceptionnels du moment, mettre dans son exposition des échantillons hors ligne, qui ne sont nullement la preuve de la supériorité d'une fabrication courante; l'essai, sauf le cas d'une invention nouvelle, ne ferait qu'entraîner une erreur; une exposition, outre la notoriété qu'elle donne, doit être un prétexte de récompense pour les efforts soutenus, pour la réputation justement méritée d'une maison, et non pour l'effort d'un moment, sur lequel on pourrait baser toute une espérance de réclame.

Parmi les appareils et produits, nous mettrons en premièreligne les objectifs, qui se rattachent aux questions scientifiques les plus élevées; il faut les calculs conipliqués du savant pour établir les formules d'un bon objectif, que l’opticien réalise ensuite par un travail convenablement fait. Pour les appareils d'ébénisterie,

on doit tenir compte de la bonne construction, de la précision dans l'ajustage des pièces, mais surtout des tentatives faites pour en améliorer la bonne disposition et pour les adapter d'une facon plus commode aux divers services qu'ils doivent rendre. Dans la question des produits chimiques, les préparations doivent être surtout appréciéess lorsque, ne rentrant plus dans l'intlustrie nérale des produits faits par tous, elles sont spéciales, bien faites, et d'une utilité reconnne par l'usage.

 

§ 1er. - OBJECTIFS.

 

L’objectif est l'âme de l'appareil, et, pour être parfait, il devrait répondre à tant de conditions, souvent opposées, qu'un seul instrument ne peut les réunir toutes. Il a donc fallu créer des objectifs divers en vue des services qu'on avait à leur demander.

Pour le portrait, on a sacrifier la netteté générale et l'étendue du champ à l'intensité lumineuse; pour l'architecture et la reproduction des plans, on recherche la finesse, la rectitude des lignes, la planimétrie de l'image; pour le paysage, il faut obtenir la profondeur du foyer et l’étendue en surface. De de nombreuses combinaisons optiques qui ne sont pas toujours réalisées avec succès par un seul fabricant.

En Angleterre, M. Dallmeyer s'est acquis une juste renommée , non seulement pour l'ensemble d'une excellente fabrication régulière, mais aussi par de nombreuses recherches, qui lui ont permis de créer de nouveaux instruments repondant aux besoins qui lui éaient signalés. La partie matérielle des montures n'est pas moins soignée que la partie optique, et il a été un des premiers à supprimer, aussi bien dans les lentilles que dans les cuivres, tout excédent inutile pouvant attirer l’œi,l sans autre résultat que l'excès de poids et l’exées de prix. Les objectifs à court foyer de M. Ross, pour paysages et pour intérieurs, etc., sont également très appréciés.

Nous regrettons qu'en France M. Prazmowski ne s'attache pas davantage à une construction industrielle des objectifs photographiques. Ceux dont il a calculé les éléments et qu'il a exécutés pour satisfaire quelques demandes qui lui ont été adressées soutiennent toute comparaison avec les meilleurs; mais jusqu'ici il n'a pas voulu étendre cette fabrication, pour laquelle ses connaissances en optique lui donnent une cornpétence exceptionnelle, et il s'est arrêté a quelques objectifs de même genre, quand il eût pu, en les abordant tous, entraîner de nouveaux progrès.

Nos opticiens français, MM. Darlot, Derogy, Fleury-Hermagis, Francais, fabriquent bien; et, ce qui est un mérite, le prix relativement peu élevé de leurs instruments les rend abordables pour chacun. Mais nous voyons rarement nos opticiens francais chercher et présenter des combinaisons nouvelles; nous ferons exception, cependant, pour les objectifs à combinaisons variables (trousse universelle de M. Darlot et objectifs à foyers multiples de M. Derogy) et pour la substitution, faite également par M. Derogy, d'un prisme intérieur plus petit et plus économique au prisme extérieur très coûteux, généralement employé lorsqu'ii faut redresser l'image. Si nous avons peu de progrès à faire en France au point de vue commercial courant, nous devons chercher à en réaliser au point de vue des perfectionnements optiques.

L'extension de la photographie à l’instruction a amené le perfectionnement des instruments de projection, dont MM. Duboscq, Molteni, Charconnet et Laverne ont exposé différents types pouvant fonctionner soit a la lumiére électrique, soit à la lumière oxhydrique. Il est à désirer que le prix de moins en moins é1evé de ces instruments, leur fonctionnement facile, les modifications permettant d'y employer de nouveaux modes d'éclairage, rendent ces agents d'instruction de plus en plus abordables, et qu'après les grands cours publics, ils passent dans les colléges, dans les pensions et même dans la famille, substituant des projections intéressantes et vivement éclairées aux inepties défectueuses de la lanterne magique.

 

§ 2. – APPAREILS ET MATÉRIEL DES PHOTOGRAPHES

 

Sous le nom d'appareils nous rangeons plus spécialement les chambres noires, châssis et pieds, qui sont des articles d'ébnisterie, exigeant, pour être bien exécutés, une connaissance suffisante de l'usage qui doit en être fait. Les bons appareils réunissant toutes les conditions nécessaires sont rares et demandent des ouvriers spéciaux. Nous n'avons vu, dans l’exposition étrangère, que les instruments de M. Dallmeyer dont on s'accorde à louer la bonne fabrication, mais qui sont un peu massifs, et ceux de M. Hare, très bien compris dans leurs diverses dispositions.

En France, nous avons des constructeurs très anciens, renommés á juste titre. Ainsi, les chambres et les pieds d'atelier de MM. Gilles frères, de M. Ruckert , ont la solidité, l'ajustement,le poids nécessaire pour résister longtemps au travail journalier, et leurs chambres universelles sont trés bien disposées; toutefois, depuis dix ans et même plus, nous avons constaté peu de dispositions nouvelles dans les chambres d'atelier. M. Wilz a également exposé des appareils bien compris. Mais lorsqu'il s'agit d'instruments de campagne et de voyage, la réalisation des conditions nécessaires est beaucoup plus dificile; il faut allier la légèreté à une précision tout aussi grande, à la solidité et a la commodité.M. Jonte est celui des fabricants français qui a fait le plus d'efforts et qui a le mieux réussi dans cette voie. Certains modèles de ses appareils sont à la fois légers et solides, capables de résister aux températures les plus variées, répondant à toutes les exigences et donnant les mouvements nécessaires. Quelques parties sont encore un peu compliquées, mais il n'est pas douteux qu'il n'arrive à les simplifier et à doter le voyageur d'un ensemble réunissant les meilleures conditions possibles. M. Nicolle et M. Deyrole ont exposé des appareils portatifs de prix peu élevé, qui sont généralementles premiers que prend l'amateur; nous croyons que leur facilité d'emploi est plus apparente que réelle, et qu'il faut déjà être photographe habile pour savoir en tirer un bon parti.

Lorsqu'il s'agit de travailler en campagne, quelques opérateurs préfèrent encore le collodion humide au collodion sec. Il faut alors, soit une tente, avec organisation de prorluits et de cuvettes, qui permette d'opérer à l'abri de la lumière (M. Jonte a construit dans ce genre un système léger et peu volumineux, que nous avons vu plusieurs fois fonctionner avec succès), soit un appareil muni de la série des cuvettes nécessaires pour que la glace y subisse successivement, à l'ensemble da la lumière, la série des opérations qu'exige la production d'un négatif. M. Valette a exposé un appareil assez bien disposé pour ce genre d’opération, mais présentant le même inconvéniente que tous ceux du même qui l’ont précédé: l'opérateur ne peut facilement se rendre compte de ce qu'il fait, et il lui faut une grande habitude pour pouvoir réussir couramment.

Outre ces appareils, le photographe doit avoir dans son atelier des meubles, des fonds qui se prêtent au goût des clients ou de l'opérateur, mais qui sont une cause d'encombrement. M. Guilleminot a présenté un mode d'enroulement des fonds qui permet une économie de place. M. Seavey, des États-Unis, ne pouvant envoyer la riche collection de fonds qu'il exécute pour les photographes, en a montré les résultats dans une très belle collection d'epreuves exposées sous son nom.

Les meubles doivent compter parmi les causes les plus encombrantes, et il faut savoir gré à M. Boulanger d'avoir inventé des meubles à transformations, formant successivement bureau, bibliothèque, table, cheminée, etc. , ce qui facilite les changements de pose et de décors, sans prendre une place inutile.

Mentionnons encore dans le materiel les glaces, cuvettes, calibres, dont M. Demaria s'est fait une spécialité.

L'industrie comprenant les divers appareils au moyen desquels on regarde les épreuves, tels que stéréoscopes, monocles, graphoscopes, etc., a pris, depuis quelques années, un certain développement.

Ces appareils se distinguent surtout par les soins donnés á l'extérieur; ils sont destinés à pendre place au salon, et soignés en conséquence. Leurs transformations sont bien comprises; mais les lentilles qu'on y adapte sont presque tonjours de qualité assez inférieure, ce qui se comprend d'après le prix auquel on doit les livrer. Quatre maisons, MM. Fouquet et Guétant, Carré, Fruchier et Person, repreésentent pour la France cette fabrication tout a fait accessoire.

 

§ 3.- PRODUITS CHIMIQUES ET FOURNITURES POUR PHOTOGRAPHIE

 

La France seule comptait des exposants pour cette branche de la classe 12, sauf le docteur Heid, qui représentait l'Autriche par un ensemble de produits chimiques justement estimés par ses compatriotes.

Dans la section francaise, parmi les exposants, dont plusieurs, comme M. Poulenc, M. Schæffner, sont connus pour la regularité de leur fabrication, le jury a tenu à distinguer MM. Puech fréres; leur établissement, des plus anciens, est exclusivement consacré à la photographie, qu'ils pratiquent très bien eux-mêmes, ce qui leur permet de faire de continuels essais. Aussitôt que de nouveaux procédés apparaissent, on est sûr de trouver chez eux non seulement les matiéres premières nécessaires, mais la préparation prête à être employée et les conseils de leur expérience. Ce sont ces services rendus consciencieusement depuis plus de vingt-cinq ans que le jury a voulu reconnaître par la récompense accordée.

On rctrouve chez M. Schæffner, chez M. Audoin, la même tendance à se tenir toujours au niveau des applications les plus récentes, et nous mentionnerons également la bonne fabrication de M. Guillenminot, de M. Vivien, qui préparent des collodions appréciés par les praticiens, ainsi que la maison Carette, qui réunit à la fabrication soignée de divers poduits la représentation de grandes maisons étrangères.

Outre cette fabrication générale des matières employées en photographe, il existe quelques produits qui sont l'objet d'une industrie spéciale; tel est l’albuminage du papier, que M. Garin réussit parfaitement dans sa fabrique de Valence (France), et que M. Schæffner a également fait entrer comme production particulière de sa maison; la fabrication des papiers pour décalque de M. Pellet et de M. Marion, dont nous avons parlé plus haut; la préparation des cartes, cartons, bristols, passe-partout, dont M. Hutinet a fait une branche très importante des fournitures photographiques; la fabrication des papiers dits au charbon, telle que l'exécute M. Lamy; celle des plaques sensibles, qui maintenant sont préparées en quantité assez considerable par divers opérateurs français et étrangers. Elle n'était représenteée que par deux exposants anglais : la Liverpool dry plate Company et M. Warnercke, qui avaient envoyé comme spécimens les résultats obtenus avec leurs produits.

 

La somme des affaires qui, en France, sont la conséquence de ces fournitures et procluits photograplhiques est assez considérable et peut se décomposer de la manière suivante:

 

 

Produits chimiques ……………………

4,000,000f

Papiers albuminés …………………….

1,600,000

Cartes, cartons, bristols ……………….

3,200,000

Instruments d’optique ………………...

600,000

Ébéniste et acessoires de pose ………..

250,000

Matériel divers, vases, cuvettes ………

100,000

Verres et glaces pour clichés …………

600,000

Appareils spécieux ……………………

150,000

Presses de divers modèles …………….

80,000

Total ………………………………..

10,580,000

 

Dans l’industrie photographique, les calculs souvent renouvelés des prix de revient, etc., font entrer les procluits et fournitures pour un tiers, la main-d'œuvre pour un tiers, les frais généraux et néfices pour le dernier tiers. En se biisant sur le total ci-dessus, on arrive donc nu chiffre de 31,740,000 francs comme représentant l'industrie photographique Française. Nous n'avons aucun element qui puisse nous faire connaître l'importance industrielle de photographie à l'étranger; mais elle doit être considérable en Angleterre, en Allemagne, en Autriche, en Italie, aux États-Unis. Aux nombreuses applications utiles sur lesquelles nous avons appelé l’attention, nous pouvons donc ajouter, avec les chiffres à l’appui, que la photographie est désormais une branche industrielle assez importante, qu’elle réunit dans le monde des capitaux assez considérables pour élever la voix et demander qu’il soit tenu compte de ses besoins et de ses intérêts, jusqu’ici négligés

 

RÉSUMÉ

 

Si nous cherchons à faire sortir de l'ensemble qui précède les progrès realisés depuis 1873, nous relevons principalement les points suivants :

 

1º L'invention de nouveaux procédés, plus simples, plus commodes pour prendre les épreuves dans des conditions même très difficiles, ainsi que nous l'avons expliqué pages 15-16-17. Depuis 1878, ces méthotles nouvelles ont déjà conduit à des améliorations importantes, au point de vue de l'extrême sensibilité, et, par la substitution de la gélatine au collodion, elles amènerons de profonddes modifications dans toute l'industrie photographique. Ces progrès sont dus surtout aux recherches faites en Angleterre, en France et en Belgique.

 

Le développement des procédés dits aux encres grasses, qui relient la photographie à la gravure, à la lithographie, a la typographie, et lui ouvrent un horizon illimité, en la transformant, d’industrie spéciale et fermée, en une industrie générale se rattachant tous les arts graphiques. Ces procédés, que des brevets avaient rendus stationnaires, et qui restaient le monopole de grands ateliers, où ils n'étaient qu’accessoires, se développent maintenant sous les soins que leur donnent des ateliers moins importants, dont ils sont l'industrie principale.

 

Les conséquences de ce développement, qui ont permis à la France de reprendre le rang qu'elle n'avait plus en 1873 et de rivaliser aujourd’hui avec les nations les plus avancées dans les applications des procédés dits aux encres grasses.

 

Malheureusement, comme nousl'avons fait ressorlir dès le début de ce rapport, la photographie est encore incomprise et délaissée ; tou lui manque au point de vue de l’enseignement technique. Depuis un an seulement, un cours fait à l’École de dessin par M. L. Vidal, quelques conférences faites à la Sorbonne par le rapporteur, propagent un peu les connaissances générales et théoriques; mais, malgré les applications de toutes sortes que nous avons tenu à énumérer et à faire ressortir dans la note de la page 6 et plus loin aux pages 35 et suivantes, il n'existe pas encore un seul centre où patrons, employés, amateurs ou même savants puissent trouver l’enseignement technique nécessaire. Il est fait administrativement des sacrifices considérables pour les ecoles de dessin, et avec raison, puisque ce sont les ecoles du goût et de la supériorité de toute notre industrie artistique. Ne serait-il pas éminemment utile et juste, sans vouloir faire une assimilation qui ne peut exister, de guider dans ses applications artistiques, scientifiques, industrielles, cette grande invention moderne, qui se répand partout et deviendrait plus féconde s'il ne lui manquait, comme point d’appui, le centre d'enseignement où elle pût trouver les notions artistiques, scientifiques ou techniques qui lui sont nécessaires, et que nous

avions espéré un instant voir créer au ministère de l'instruction publique? Ne serait-il pas pratique qu'une de nos grandes administrations publiques, qui emploie journellement et à grands frais la photographie, créât pour ses propres besoins un atelier compris économiquement au point de vue budgétaire, mais dans un esprit assez large pour qu'il pût devenir le foyer d'un enseignement général ?

 

A.     Davanne

Vice-présidente de la Société française de photographie



([i]) (1) Nous pourrions citer tel pays où, dans l'administration des télégraphes, il était en quelque sorte défendu de s'occuper de photographie… On sait maintenant quels services elle peut rendre pour la transmission des dépêches.

([ii]) (1) Nous divisons ces collections suivant les nationalités.

Section étrangère.

Angleterre. - Collection du prince de Galles: portraits de rajahs et souvenirs des Indes. - Spécimens des usines et outils employés a la fabrication du fer. – Spécimens divers dans toute la galerie des machines. - Représentation des locaux et des machines employées à l'exploitation du guano. - Spécimens de wagons. – Machines de M. Shaville, a Sheffield. - Machines de MM. Ruston, de Robey, de Proctor. - Charrues diverses et instruments agricoles de MM. Randsome, Fowler, Clayton.

Colonies anglaises. - Les grands travaux du Canada et toutes les diverses colonies de l'Australie sont représentés par des albums et de nombreuses photographies.

 

Autrche-Hongrie. - Tous les grands travaux publics de Vienne et de Buda-Pesth sont représentés par des vues et des albums photographiques, de même pour l'instruction publique, l'organisation des classes, etc.

 

Belgique. - Les eaux de Spa. - Les grolles du Han.

 

Egypte. - Spécimens pour l'enseignement de l'écriture.

 

Espagne. - Nombreuses représentations de travaux publics et agricoles, panorama de Barcelone par l'Institut géographique.

ETATS-UNIS. - Les souvenirs de I'exposition de Philadelphie.

 

HOLLANDE. - Deux colonnes a cadres mobiles sont consacrées aux photographies des travaux publics. - Détails de construction du pont de Lek. - Plans et salles d'école. - Construction de vaisseaux en fer. - Machines à vapeur, grues, etc.

 

Colonies hollandaises. - Fruits des colonies. - Culture du café.

 

Italie. - Travaux publics du gouvernement. - Application de la photographie à la marine italienne- Tir du canon. – Enregistrement des coups sur les cibles. - Examen comparatif de l'action de l'artillerie sur les cuirasses de navires (arsenal de la Spezia).

 

Japon. - Écoles. - Enseignement.

 

Luxembourg. - Représentation de la fabrique de M. Godchaux.

 

Monaco. - Album général de la principauté par M. Deroux.

 

Saint-Martin: - Photographies d'instruments de musique japonais. – Démonstration du doigté pour le piano.

 

Nicaragua. -Types indiens. - Culture du Cacao.

 

Portugal. - Passage de Mercure sur le soleil, par M. Capello. – Organisation de l'Imprimerie nationale de Lisbonne. – Représentations de l'Académie, de l'Institut industriel de Porto, de la casa Pia pour les orphelins, de l’université de Coimbra, de la ferme-école de Cintra, de l’institut  général d'agriculture, de la municipalité de Lisbonne. - Photographies des colonies portugaises.

 

République Argentine. - Belle collection anthropologique de types de crânes (photographies de grandeur naturelle).

 

Russie. - Travaux publics, houillères du Midi, do Don. - Machines et exploitations. - Mines de cuivre, de fer de l’Oural. - Modes d'exploitation par bancs à ciel ouvert. - Types divers. - Types humains du Caucase; animaux, moutons de Crimée. - Photographies des écoles. - Épreuves pour l'enseignement.

 

Suissse. - Travaux publics du Simplon, du Saint-Gothard. - Chemins de fer du Jura bernois, du Righi (machines et voies). - Bateaux du Leman. - Ateliers de Ateliers de MM. Sultlger frères (machines pour bateaux, très bien photographiées par M. Linck). - Photographies pour projections et instruction de M. Ganz.

 

Tunisie. - Types divers.

Section française.

Dans ta section française, nous trouvons une telle quantité de représentations de choses par la photographie, que nous devons faire un classement méthodique de celles que nous avons relevées.

Instruction publique. - Photographies du soleil, de M. Janssen. – Observations du passage de Vénus et installations de la mission du Japon, de M. Janssen. - Vues et installations pour le passage de Mercure, par M. Angot. - Les grands instruments de l'Observatoire de Paris. - L'observatoire du pic du midi, de M.Nansouty. - Photographies des missions scientifiques de  MM. Raffray, Ujfalvy, Aug. Wiener. - Vues de la haute Egypte, de M. Béchard. - Photographies microscopiques, études de M. Des Cloizeaux sur la constitution des roches; autres études microscopiques faites à Montpellier. Épreuves pour l’enseignement par projections.

Dans le domaine des beaux-arts. restauration des monuments historiques.

Épreuves pour l'enseignement du dessin, par M. Ravaisson. - Reproductions de décors, d'affiches de théâtre.

Dans l’exposition spéciale de l'anthropologie, de l'ethnologie, toutes les nations exposantes ont apporté leurs spécimens photographiques. II faut y joindre un certain nombre d'épreuves archéologiques.

 

Marine et colonies. - Appareil photographique de M. Huel pour enregistrer le roulis. - Types et vues de nos diverses colonies: Gabon, types pahouans; la Réunion, types malgaches, cafres, indiens; Cochinchine, vues et types; Martinique, types et vues; Nouvelle-Calédonie, paysages et types canaques.

 

Travaux publics, agriculture et commerce, manufactures de l’État. – Les lampes des phares, manière d’en régler les flammes, nombreux albums formant un recueil considérable des travaux du corps des ingénieurs des ponts et chaussée. – Les reboisements, fascinages, clayonnages dans les Basses Alpes, très belles épreuves de M. Gayffier. - Les travaux dans les dunes des Landes. - Appareils pour la fabrication du tabac ; magasins et usines de Gironde. – Machines agricoles, manufactures d’engrais. – Chambres de commerce des ports de Dieppe, Fécamp, Boulogne, Le Havre, Honfleur, Brest, Nantes. - Essais des fers, forges de basse Indre, Bordeaux, Cette, Reims, Elbeulf, Amiens. Tontes ces villes ont envoyé les spécimens photographiques de leurs grands travaux, de leurs écoles, de leur enseignement.

 

Génie civil et travaux publics. - Spécimens des travaux de la compagnie de Fives-Lille, du matériel des chemins de fer, des ateliers de M.Baudet. - Les grands ponts de la compagnie de l'Ouest. - Les modèles de voitures et wagons de la compagnie d'Orléans. - Les voitures des tramways. - Ponts et travaux divers MM. Joly, Jorel et Bessèges, Legrand. - Le pont de Pesth, de M. Gouin. -- Le grand pont sur le Douro, à Porto, par M. Eiffel. - Les ports de Marseille. - Les portes d'écluse, les barrages, les machines de M. Durenne, les travaux de la compagnie des eaux à Nice, le service des eaux de la ville de Paris, les forges et chantiers de la Méditerranée, les inventions diverses de l'ingénieur Bazin, les usines de l'Ardèche, les reproductions de plans et travaux en cours d'exécution, par M. Fernique, etc.

 

Ville de Paris. - Dans les diverses branches de son immense administration, la ville de Paris a continuellement recours à la photographie, et le pavillon spécial de son exposition nous en a montré de nombreux spécimens. La collection exposée dépasse mille épreuves: reproduction de tableaux, œuvres d'art et monuments exécutés par son ordre. - Ponts, divers: Billancourt, Suresnes, Chennevières, Courbevoie, la grande Jatte, etc. - Églises, mairies, marchés, abattoirs. - Modification des rues: photographies des rues anciennes, des rues nouvelles. - Services el manœuvres des pompiers. - Service photographique de la préfecture de police, costumes divers, affaires criminelles, releve des lieux, constatations, ruines de la rue Beranger, du Palais de Justice, inondations, constatation des faux, vols qualifiés, fausses clefs, prisons diverses. - Assistance publique, l’Hôtel-Dieu (photographies de M. Durandelle). - Les égouts et les épreuves aérostatiques de M. Nadar. - Enseignement : les écoles Chaptal et autres établissements scolaires, applications a l'enseignement.

Sociétés diverses. - Club Alpin: très nombreuses photographies. - Union centrale: epreuves du musée retrospectif, par M. Frsnck de Villecholles. – Spécimens présentés par la Société protectrice des animaux. - Voitures diverses des ambulances militaires. - Illustrations par la photographie aux encres grasses, exposees par la Société des publications périodiques et autres.

 

Villes d’eaux minérales. - Toutes représentées par leurs photographies.

 

Algérie. - Travaux divers de chemins de fer: d'Alger à Oran, à Dellys. – Marchés de Constantine. - Spécimens des bois et forets. - Ensemble de minoteries diverses, phares, barrages, pont de l'lsser, exécustés par Geysser, photographe à Alger. – Mines de Mokta, de Souma, de la Tafna, port de Benilaf. - Ensemble et travaux de la Ferme de Narbonne. - Bâtiments hospitaliers de Bône, de Constantine, de Philippeville. – représentation de l’élevage et de la domestication de l’autruche. – Vues intéressantes diverses du monastère de la Trappe de Staouëli, faites par les frères du monastère, etc

([iii]) (1) Renseignements donnés par l’exposant.

([iv]) (1)  mémoire sur la section photographique et administrative du service des dépêches par pigeons voyageurs pendant le siège de Paris, par M. Lafollye, inspecteur des lignes télégraphiques d’Indre-et-Loire. – Tours, 1871.

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