domingo, 19 de abril de 2009

1862 - Exposition Universelle de Londres de 1862

Exposition Universelle de Londres de 1862
*
Rapport des membres de la section française
sur l’ensemble de l’exposition universelle
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publiés sous la direction
de
M. Michel Chevalier
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Tome 4
Paris 1862
Pag, 145, 146
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Classe XIV
Photographie
Section I.
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Photographie Française
Par M. le Baron Cros

L’examen des impressions photographiques, c’est-à-dire des images produites par la lumière sur une couche sensible et incolore que cette lumière noircit plus ou moins, en raison de son intensité: des appareils et des substances qui servent à obtenir ces impressions, à les conserver, à les multiplier, à les réduire ou à les agrandir, à les amener à se reproduire par la gravure ou par la lithographie, appppartient à la quatorzième classe des produits soumis, dans le palais de l’Exposition internationale de Londres, à l’examen du public et au jugement du jury chargé d’en apprécier le mérite et d’en récompenser la valeur.
Cette quatorzième classe comprend donc: 1º les épreuves photographiques proprement dites, c’est-à-dire les images dessinées par la lumière agissant sur une couche sensible, soit que cette couche ait été déposée sur du papier, sur du bois, sur de la pierre, sur une étoffe ou sur un métal;
2º Les appareils d’optique qui servent à faire arriver l’image lumineuse sur la couche sensible où elle doit se produire;
3º Les appareils d’ébénisterie destinés à mettre en regard les objectifs de cristal que l’image luminueuse traverse, et la surface impressionnable sur laquelle cette image se tracera;
4º Les substances chimiques qui servent à former la couche sensible sur laquelle limagc se dessinera, et à développer cette image, à la reproduire, à lui donner le ton convenable, et à la fixer quand elle aura acquis une vigueur salisfaisante;
5º Enfin les procédés employés pour convertir une plaque impressionnée par la lumière en un type sur métal ou sur pierre, qui servira à reproduire, par l’impression employée par les graveurs, un nombre plus ou moins considérable d’épreuves inaltérables.
Quant aux photographies retouchées, c’est-à-dire à celles qu’une main plus ou moins habile a peintcs en camaïeu ou avec des couleurs, sèches, à l’eau ou à l’huile procédé qu’il no faut pas condamner et qui donne souvent des résultats heureux et lucratifs, elles ne doivent en aucune manière, à mon avis du moins, faire partie de la quatorzième classe puisque cc n’est pas la lumière qui les a entièrement produites, et que, par consèquent, elles n’appartiennent pas à la photographie.
Les exposants français de la quatorzième classe, au nombre de cent dix-neuf, sont répartis ainsi qu’il suit entre les divers départements, d’après la récapitulation faite par le secrétaire de la Société française de photographie, M. Laulerie, qui a si heureusement organisé et dirigé l’installation de cette partie de l’Exposition, comme inspecteur chargé spécialement de ce service.
Le département de la Seine en compte cent deux : le Calvados, qutre ; les Bouches-du-Rhône, deux ; les Alpes-Maritimes, la Haute-Marne, les Hautes-Pyrénées, le Haut-Rhin, l’Isère, le Pas-de-Calais, le Rhône, Saône-et-Loire, la Sarthe, la Seine-Inférieure, Seine-et-Oise et la Somme, chacun un seulement. C’est donc Paris qui a, pour ainsi dire, le monopole, en France, de cette attrayante industrie, dont Nicéphore Niepce, Daguerre et Talbot ont été les initiateurs.

CHAPITRE PREMIER

IMPRESSIONS PHOTOGRAPHIQUES

§ 1er . – Procédé Talbot


L’ensemble dês impressions photographiques envoyées par la France à Londres en 1862, laisse peu de chose à désirer. Des progrès sensibles ont été faits depuis les dernières expositions ; et ce qui frappe en premier lieu, c’est que le procédé Talbot, popularisé en France par M. Blanquard-Évrard, est maintenant exclusivement employé en photographie pour copier la nature, reproduire les tableaux et les gravures, aussi bien que les monuments et les objets d’art. Le papier mince, cependant, sur lequel M. Talbot obtenait l’image renversée et transparente qui servait de cliché, a été remplacé avec avantage par une glace mince, recouverte d’une couche limpide d’albumine ou de collodion rendue sensible à la lumière. Le procédé Talbot consiste, comme on le sait, à obtenir directement une image transparente que la lumière dessine en la renversant de droite à gauche et de haut en bas, et en changeant aussi la manière dont le modèle est éclairé, c’est-à-dire en mettant dans l’ombre sur l’image impressionnée, et avec toutes leurs dégradations en sens inverse, les parties qui sont lumineuses dans le modèle. Ce type primitif, ainsi renversé, auquel on a donné le nom d’épreuve négative, devient ce qu’on appelle un cliché. La lumière le traverse pour aller frapper une feuille de papier sensibilisé que l’on a placé derrière, et l’on tire ainsi, avec ce cliché négatif, autant d’épreuves qu’on veut en avoir : on les nomme épreuves positives, parce que les ombres et les lumières s’y trouvent repeoduites avec toutes leurs nuances, telles qu’elles existaient naturellement sur le modèle.

§ 2er . – Procédés Legray, Niépce de Saint-Victor et Archer

La plaque métallique d’argent où la lumière imprimait directement l’image à laquelle Daguerre a donné son nom, est à peu près abandonnée. La cherté de la plaque, le miroitage qu’elle présentait, la nécessité de recommencer toutes les manipulations à chaque épreuve qu’il fallait faire sur une nouvelle plaque, etc., avaient fait prévoir que, malgré l’admirable finesse que présentait l’image reproduite, ce procédé serait un jour remplacé d’une manière avantageuse. L plaque a donc été à peu près abandonnée, et c’est maintenant le papier ciré de Legray, l’albumine de Niepce de Saint-Victor, et le collodion d’Archer, qui ont été substitués au papier mince de Talbot, et donnent les merveilleux résultats que l’on admire dans le palais de Londres.
Les progrès obtenus dans la photographie depuis quelques années sont considérables sans doute ; mais il en reste encore à faire.
Le papier, rendu transparent par la cire, n’est jamais d’une pâte assez fine et assez homogène pour offrir à la lumière qui doit le traverser une transparence parfaitement identique. Les différentes épaisseurs de son tissu atténuent plus ou moins l'intensité de la lumière qui le traverse; elles produisent, sur les épreuves positives, une multitude de petites taches qui donnent à ces épreuves un aspect grenu, quelquefois désagréable, et altèrent aussi la finesse du dessin.
L'albumine, difficile à étendre d'une manière égale sur la glace, et surtout à préserver de la poussière, dont le moindre atome produit dans l'intérieur de le couche des taches inévitables, est lente à recevoir l'impression par la lumière.
Le collodion exposé dans la chambre noire au rnoment où, sensibilisé par le bain de nitrate d'argent, il est encore humide, est la substance qui donne les meilleurs résultats pour la finesse de détails et pour la rapidité d’impression; mais il n’est réellement facile à employer que dans le laboratoire. Préparé d'avance et sec, il perd sa sensibilité, et ce serait attacher son nom à une heureuse découverte, que de trouver le moyen de couvrir de collodion des glaces qui, exposées dans la chambre noire plusieurs jours après avoir été préparées et séchées, y recevraient, en quelques secondes seulement, une image latente que l’on pourrait ne développer ensuite que quelques jours après l’avoir obtnue sur ce collodion.
Des progrès réels ont déjà été faits dans cette voie. Une couche de collodion sensibilisé et recouverte ensuite d’une couche d’albumine également rendue sensible, peut être séchée sur la glace, et conservée ainsi pendant plusieurs jours avant d’être exposée dans la chambre noire pour y recevoir l’impression lumineuse. Elle peut attendre ensuite pendant plusieurs jours encore avant que l’on développe, au moyen des réactifs connus, l’image invisible dont elle est déjà imprégnée. Ce procédé, connu sous le nom de son inventeur, M. Taupenot, enlevé trop tôt à la science, est l’un de ces jalons qui indiquent la marche progressive de la phtographie; mais il a quelques inconvénients auxquels il faut chercher à remédier. La préparation des deux couches à étendre sur la même glace et à sensibiliser, l'une après l'autre, dans des bains différents, est compliquée el difficile, et la sensibilité de ce collodion albuminé sec est bien loin d’égaler celle du collodion humide. Or, pour les photographes qui voyagent ou qui s’éloignent de leur atelier, et c’est le plus grand nombre, un collodion sec, conservant sa sensibilité pendant plusieurs jour après sa préparation, serait une ressource précieuse.
D'autres recherches, non moins importantes que celles dont il vient d'être question, doivent aussi étre failes. Je veux parler de la stabilité à donncr aux tons des épreuves photographiques: dont les premières, tirées depuis longtemps, ont presque entièrement disparu de la feuille de papier sur laquelle la lumière les avait imprimées. C'est la lumière, en effet, qui, en noircissant plus ou moins certaines parties du papier rendu sensible à son action, a produit un dessin. Quelques opérations chimiques détruisent ou arrêtent cette action de la lumière, et semblent fixer l’image à l’intensité de ton qu’on a voulu lui laisser acquérir ; mais des réactions ont encore lieu, et il n’est que trop prouvé que les substances employées pour empêcher la lumière ou l’atmosphère de continuer à agir sur la couche qui porte le dessin, attaquent souvent les ombres et les demi-teintes que cette même lumière a produites. Déjà d'heureuses améliorations ont été apportées à cet état de choses, grâce surtout aux études sérieuses et raisonnées de MM. Davanne et Girard, qui, en employantdes bains neufs d’hyposulfite de soude et des sels d'or, ont fait disparaître ces tons d'un jaune sale que présentaient souvent les épreuves positives, et que les agents atmosphériques faisaient même disparaître assez souvent: mais il reste encore beaucoup à faire à ce sujet.

§ 2 . – Procédé au charbon.

La généreuse initiative de M. le duc de Luynes, et l'impulsion donnée par la Société française de pholographie, out fait chercher et découvrir déjà un nouveau procédé, qui consiste à remplacer les teintes que la lumiére a formées par le noircissement plus au moins intense du nitrate d'argent, c'est-à-dire le dessin, par une poussière impalpable de charbon, qu'absorbe, s'assimile ou emprisonne, en quelque sorte, la couche sensible dont on a enduit le papier, et en raison de l'intensité dont cette couche a été frappée par la lumière à travers le cliché. Cette heureuse idée, que M. Poitevin a le premier mise en avant, et qui, depuis lors, a été améliorée parMM. Garnier et Salmon comme par M.Farguier et par M. Poitevin lui-même, donne déjà des résultats remarquables dans son application, et ouvre peut-être une ère nouvelle à la photographie, dont Ics impressions pourront devenir ainsi aussi inaltérables que le sont les caractères typographiques de nos livres ou les traits de nos gravures.

CHAPITRE II

APPAREILS PHOTOGRAPHIQUES ET HÉLIOGRAVURE.

§ 1er . – APPAREILS

Les objectifs français dans leur matière première comme dans leur courbures, établis par nos premiers opticiens, rivalisent avec les meilleurs objectifs fabriqués à Vienne ou à Londres, et sont livrés au public à des prix moins élevés que ces derniers.
Les appareils de toute espèce ont été simplifiés et améliorés d’une heureuse manière. Les soufflets en maroquin, inventés par M. Humbert Dumolard et par M. le baron Séguier, ont permis de construire des chambres noires élégantes, légères, et qui, pour le voyage, se réduisent en un mince volume. Enfin les produits chimiques employés pour la photographie sont obtenus maintenant avec une pureté sans laquelle on ne peut avoir de résultats satisfaisants.
Une heureuse application des phénomènes d’optique est celle qui permet d’agrandir jusqu’à l’exagération l’image d’un petit cliché toujours facile à obtenir, même en voyage. Cette application est appelée, je crois, à un grand avenir, et MM. Bertsch, Aguado, Ed. Delessert, Dubose, ont généralisé d´jà en France ce mode de procéder. Or, un appareil quart de plaque, avec ses acessoires, est toujours facile à transporter et à manipuler. On peut, en voyage, prendre aisément un certain nombre de vues sur de très-petites glaces, et, revenu dans l’atelier, produire, avec ces clichés, des épreuves d’une dimension convenable, qui conserveront dans leur agrandissement, s’il n’est pas outré, la finesse et la pureté du petit modèle. Que de facilités donnés ainsi au photographe voyageur, surtout si l’on parvient à rendre très-sensible le collodion sec préparé depuis plusieurs jours.

§ 2 . – Gravure héliographique.

La gravure photographique, c’est-à-dire le moyen de transporter sur pierre ou sur métal l’image produite par la lumière, et de faire de cette image ainsi transportée une planche gravée qui servira de type pour repeoduire un nombre considérable d’épreuves imprimées, a déjà fait de sensibles progrès. Les grandes planches de M. Nègre, celles de M. Niepce de Saint-Victor, de M. Dufresne, et de MM. Garnier et Salmon, ainsi que les essais lithophotographiques de M. Lemercier, faits d’après le procédé de Poitevin, présentent déjà des résultats satisfaisants qui doivent encourager les études à faire encore.
Quelques épreuves obtenues sur des plaques métalliques par M. Niepce de Saint-Victor, d’après les procédés employés il y a déjà quelque temps par M. E. Becquerel, reproduisent avec les couleurs dont elles sont enluminées quelques unes de ces petites images qui représentent, sur papier, des costumes de théàtre ou de fantaisie. Peut-être y a-t-il dans cette découverte un avenir important. Les couleurs du spectre solaire, reproduites par M. Becquerel, étaient détruites en peu de temps par cette même lumière qui les avait développées sur la plaque. Quelques modifications apportées au procédé par M. Niepce de Saint-Victor retardent pendant dix ou douze heures à peu près l’action destructive de la lumière sur elles. Il y a donc déjà un progrès sensible dans ce procédé, bien qu’il faille convenir que, sous le voile violacé qui recouvre uniformément la plaque, ces couleurs, produites par la lumière, ont un aspect bien peu satisfaisant encore. Il serait à désirer qu’un bouquet de fleurs naturelles ou un vase de porcelaine colorié de diverses nuances fussent reproduits ainsi sur la plaque : car, si je ne me trompe, les images colorées dont il s’agit ne sont pas produites dans la chambre noire posée devant l’image peinte qui sert de modèle, mais sont obtenues en plaçant l’image colorée sur la plaque métallique et en l’exposant au soleil dont la lumière la traverse, comme on emploie une glace négative pressant un papier blanc couvert d’une couche sensible pour tirer une épreuve positive.

CONCLUSION.

En résumé, la photographie, qui tend chaque jour à se rapprocher de l’art, puisque l’on reconnaît déjà l’auteur de certains dessins photographiques aux qualités ou aux défauts qu’ils présentent, a fait des progrès considérables depuis quelques années. Les photographes ne s’arrêterons pas en si bonne voie. Le temps, l’étude des théories, le hasard surtout, amèneront sans doute de nombreuses améliorations, d’importantes d’ecouvertes, dans une industrie artistique qui, à peine naissante, donne déjà des résultats si attrayants pour tout le monde et si lucratifs pour quelques personnes. Les épreuves remarquables exposées dans le palais de Londres par MM. Braun, Muzel, Alophe, Bisson, Maxwel Lyte, Poitevin, Davanne, Jeanrenaud, Micheletz, Baldus, Bayard, Aléo, Cammas, Ferrier, Aguado, et tant d’autres, sont là pour le prouver. Enfin, chercher à obtenir un collodion ou une autre substance transparente et homogène qui, préparée longtemps d’avance et parfaitement sèche, soit aussi sensible à l’impression lumineuse que l’est le collodion humide, et qui puisse attendre pendant quelques jours encore sans s’altérer avant qu’au moyen de réactifs on développe l’image que la lumière y a gravée ; perfectionner les impressions positives au charbon, qui ne me paraissent pas encore tout à fait satisfaisantes, et donner ainsi aux épreuves une durée indéfinie, en empèchant la lumière ou les agents atmosphériques d’attaquer et de détruire les nuances obtenues ; continuer les recherches faites sur la gravure photographique, et ne pas perdre de vue la découverte si intéressante de M. Becquerel, améliorée déjà par M. Niepce de Saint-Victor, tels sont les points sur lesquels je crois devoir appeler l’attention du grand nombre de personnes qui s’occupent de la photographie. Je puis le faire d’autant plus aisément que les idées que je viens d’émettre sont les leurs, j’en suis convaincu, et que je ne fais ici que constater l’opinion unanime de tous ceux qui, comme moi, se sont occupés avec un intérêt toujours croissant de l’une des plus curieuses et des plus attrayantes découvertes des temps modernes.


Section II.

Photographie ÉTRANGÈRE

Par M. Benjamin Delessert


CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES.

M. le baron Gros sétant chargé de rendre compte de l’exposition des photographes français, nous avons pensé qu’après lui il était convenable de passer en revue l’exposition des photographes étrangers, pour signaler la supériorité ou l’infériorité de nos produits, comparés aux produits similaires étrangers, en rechercer les causes, et, en cas d’infériorité, indiquer les moyens d’y remédier.
C’est un fait généralement reconnu à l’Exposition universelle, que dans tous les produits où le goût est nécessaire au succès, l’industrie française l’emporte sur ses rivales. Il n’est donc pas étonnant que dans la photographie, où le succès dépend à un si haut degré de l’art de faire poser ou de grouper des personnages, de choisir un site, un paysage, ou l’aspect d’un monument, l’exposition française ait, de prime abord, obtenu de l’opinion publique un témoignage incontestable de supériorité.
Il est vrai que l’Angleterre, l’Autriche, l’Italie, la Grèce, exposent quelques photographies extrêmêment remarquables, et peut-être, par certains côtés, supérieures aux produits analogues français ; mais l’effet général de l’exposition pour la France est incontestablement plus satisfaisant que pour tous les autres pays, en ce que nos artistes n’ont rien envoyé de mauvais et presque rien de médiocre. On peut le dire en toute vérité, c’est un choix de produits hors ligne, tandis que dans les expositions des autres nations, et particulièrement dans celle de l’Angleterre, avec la nôtre la plus considérable, les produits distingués qu’elles referment sont comme noyés dans un ilot de photographies mauvaises ou médiocres, dont un grand nombre, indignes de figurer dans une Exposition universelle, nuisent à l’effet des meilleurs ouvrages.
Par la comparaison des expositions françaises et étrangères de la quatorzième classe, nous pouvons donc nous féliciter de la réserve et de la sévérité des jurys d’admission en France. C’est une excellente expérience don il sera bon de se rappeler dans l’avenir.
Reconnaissons aussi le goût qui a présidé à l’arrangement de l’exposition française, au placement des cadres, à la distribution, a puissamment contribué, après le chix sévère des épreuves, à l’effet qu’elle produit. En général, les épreuves y sont bien encadrées, siffisament espacées, et classées par catégories et sujets, de manière à se faire valoir réciproquement, tandis que dans les autres expositions, les épreuves sont disséminées au milieu d’autres produits d’un genre tout différent, parmi lesquels on les cherche souvent en vain ; ou bien, comme dans l’exposition anglaise, elles sont si entassées les unes sur les autres qu’elles se nuisent réciproquement, et par leur position ou trop élevée ou trop près de terre, elles échappent à l’œil du visiteur.
Avec la France, c’est l’Agleterre qui comprend le plus grand nombre d’exposants de la quatorzième classe. Ces deux pays ont envoyé à eux seuls plus d’ouvrages que tous les autres réunis.

CHAPITRE PREMIER.

PHOTOGRAPHIES ANGLAISES.

L’exposition anglaise est la plus remarquable après celle de la France, tant par son importance numérique que par la qualité des produits. Malheureusement , l’arrangement défectueux, l’entassement des épreuves, le mauvais classement, d’où résulte que les ouvrages du même auteur sont souvent séparés à de grandes distances, et, pardessus tout, le nombre considérable d’œuvres médiocres, nuisent considérablement à l’effet des produits de cette classe. On y voit aussi avec peine beaucoup de photographies peintes à la gouache, à l’aquarelle, à l’huile même, ce qui prouve combien ce genre d’un goût douteux a pris d’extension dans le pays.

§ 1er . – Paysages et figures


Les œuvres anglaises les plus remarquables sont sans contredit les paysages. Rien ne dépasse la perfection des vues de MM. Piper Bedford, Mudd, Heath Vernon, comme finesse, perspective aérienne, rendu des détails, harmonie ; il semble véritablement qu’on pourrait errer dans ces baies, ces prairies, ces montagnes dont les plans fuient dans le lointain à travers les brumes du ciel d’Angleterre. On regrette parfois que ces vues soient d’aussi petit format, et que ces habiles praticiens anglais n’aient pas tenté d’imiter les Bisson, les Baldus, et quelques-uns des photographes italiens, en reproduisant la nature sur une plus grande échelle. Ont-ils craint de perdre de la finesse en grandissant davantage leurs sujets ? Sous le rapport des procédés, je n’ai rien trouvé de particulier à signaler. Presque tous ces beaux paysages anglais sont faits par la voie du collodion humide ; ceux de M. Mudd, à signaler en première ligne, ont seuls été obtenus avec le collodion sec. Le négatif sur papier paraît entièrement abandonné par les photographes anglais. La catégorie des portraits est assez médiocre, bien peu semblent sans retouche, et c’est surtout dans cette classe qu’il est à regretter que le jury d’admission n’ait pas été plus sévère. Quelques exposants ont envoyé des groupes de figures obtenus à l’aide de plusieurs clichés. L’effet n’en est pas généralement heureux ; les atitudes manquent ordinairement de naturel, et les poses sont prétentieuses et sans grâce.

§2. – Stéréoscopes


Parmi les stéréoscopes, dont plusieurs sont fort bien exécutés, le public admire avec curiosité les effets de mer au soleil couchant, de Breese. Les positifs sont en verre et se voient en transparence ; l’effet des nuages dorés par le soleil couchant a été obtenu par un double verre teinté en rose. Une autre image stéréoscopique représente une statue éclairée par la lune : la statue appartient à un cliché ; le ciel, avec la lune, à un autre ; mais le photographe a eu tort de mettre le côté lumineux de la statue de côté opposé à la lune, c’est-à-dire lá où, d’après la position de la lune, l’ombre devrait se trouver. Au reste, ces petits effets de charlatanisme me paraissent peu dignes de figurer à une exposition universelle,
Il faut signaler en première ligne les photographies, sur une grande échelle, d’après les cartons de Raphaël, à Hampton-Court. Deux habiles praticiens, M. Caldesi et M. Thurston-Thompson )ce dernier dont les remarquables reproductions de dessins avaient été déjà signalées à l’Exposition universelle de 1855), sont les auteurs de ces photographies d’une si grande utilité pour l’art. Il est regrettable seulement qu’à cause de leur dimension et des frais nécessités par la difficulté de la reproduction, des œuvres si utiles soient d’un prix très-élevé.
L’exposition anglaise a peu d’intérêt sous le rapport des inventions ou de ces tentatives nouvelles dont l’exposition française offre plusieurs remarquables exemples, et qui, pour n’être pas encore tombées dans le domaine pratique, doivent cependant être signalées comme des jalons certains pour un nouvel avenir. En fait d’épreuves au charbon, rien qui puisse rivaliser avec les belles épreuves de Poitevin, Fargier et Charavet ; seulement, quelques essais peu réussis d’après les procédés de Salmon et Garnier. Il est impossible, cependant, de passer sous silence les épreuves sur planches métalliques de M. Talbot (qui, du reste, ne sont que l’application de ses anciens procédés et n’offrent aucun intérêt nouveau) ; celles de M. Pretsch, bien médiocrement réussies, et les bonnes reproductions pa la photozincographie du colonel James. Les procédés du colonel James dérivent de ceux indiqués par M. Poitevin, mais ses produits sont dignes d’attention par leur belle exécution. Les œuvres de M. Pretsch, qui laissent beaucoup à désirer sous le rapport de la réussite, ont l’intérêt que donne l’originalité d’une invention.

§ 3 . – Appareils photographiques

L’Angleterre expose un grand nombre d’appareils et de chambres d’un fini remarquable : ce qui constitue l’atelier et le bagage du photographe paraît y être l’objet d’une industrie spéciale très-développée, où les Anglais apportent toute la précision et l’intelligence de leur esprit pratique. Mais il n’y a rien là qui doive être signalé comme très-nouveau. Peut-être pourrait-on reprocher à la plupart de ces produits un excès de poids inutile ; sous le rapport du prix, nos fabricants ont l’avantage du bon marché.
Quant à la classe des produits chimiques anglais, applicables à la photographie, elle n’offre rien de particulièrement digne d’être signal’e.
La fabrication des lentilles et leurs combinaisons diverses, soit pour les objectifs à portrait, soit pour les objrctifs à paysage, s’est améliorée en Angleterre depuis plusieurs années ; deux maisons, celles de Dallmeyer et T. Ross, fournissent d’excellents objectifs, qui ont été essayés par le jury, comparativement avec ceux de France et d’Allemagne. Il est, du reste, résulté de cet examen des verres des trois pays que les objectifs de la maison Voigtlander et fils, de Vienne, sont ceux qui ont peut-être le plus de champ et qui donnent la netteté désirable sur le plus grand espace, soit en étendue, soit en profondeur ; ils possèdent aussi une plus grande rapidité que les objectifs français et anglais. Leur prix est plus élevé que ceux de France, et moins que ceux d’Angleterre ; pour un objectif de 3 pouces ¼ environ, les prix respectifs sont à peu près ceux-ci : objectifs anglais pour portraits à verres combinés. 423 fr. 20 c. ;objectifs allemands, 396 fr. 75 c. ; objectifs français de Derogy à trois combinaisons, 343 fr. 83 c. Un grand progrès mérite d’être signalé dans la fabrication générale des objectifs à portraits ; c’est la suppression presque complète du foyer chimique. Du reste, aucun pays n’offre les verres à aussi bas prix que la France. Sous ce point de vue important, nous l’emportons sans contredit. Nulle part en Europe on ne donne, comme la maison Alexis Millet, de Paris, un appareil quart de plaque complet pour 100 francs.
Je ne puis terminer ce que j’ai á dire sur l’Angleterre sans citer des œuvres qui, bien que n’ayant pas été exposées dans la quatorzième classe, s’y rattachent directement ; ce sont les magnifiques épreuves des diverses phases de la lune, par M. de La Rue, et les cartes des taches du soleil, par M. Beckley. Ces images, admirablement modelées, sont d’une grande utilité au point de vue astronomique, et prouvent quels services la photographie peut rendre aux scences.

CHAPITRE II.

PHOTOGRAPHIES DES AUTRES PAYS

AUTRICHE.

L’Autriche présente sous le nom de M. Augerer, de Vienne, une série de portraits qui sont les plus intéressants de l’Exposition par la netteté co,plète de la figure tout entière, l’absence absolue de déformation sur toute l’étendue de l’image, et l’admirable rendu des étoffes. Des portraits en pied d’environ 20 centimètres, des groupes de plusieurs figures d’assez grande dimension, un portrait agrandi huit fois par la chambre solaire, des paysages, des reproductions de tableaux, des intérieurs d’appartements, tous ces genres variés sont également bien réussis par M. Augerer. Il est à remarquer, dans les portraits, bombien les étoffes blanches, qui généralement n’offrent aucun détail, sont rendues avec toutes leurs nuances. La plupart des portraits et groupes ont été obtenus avec des objectifs doubles de Voigtlander de 5 à 6 pouces de diamètre, munis de diaphragmes, par la voie du collodion humide, développé au sulfate de fer, et avec une pose variant entre dix et trente secondes. J’ai déjà parlé plus haut des objectifs de Voigtlander, célèbres par leur rapidité. Ces habiles fabricants, dont les produits forment une des parties les plus intéressantes de l’exposition autrichienne, sont parvenus à remédier à un défaut de leurs objectifs doubles, qui faisait que l’usage en éait assez délicat : ils ont rendu insensible la différence qui existait entre le foyer visuel et le foyer chimique.
Je crois q’une partie du succès des belles photographies de M. Augerer est due à la perfection des appareils dont il se sert et à la manière dont il sait en tirer parti, en usant de diaphragmes de diverses grandeurs plus souvent que ne le font nos praticiens.
Il y a encore à signaler, dand l’exposition autrichienne, les épreuves d’armures de M. Widter. Ce genre de reproductions offre des difficultés particulières, à cause de la couleur sombre de la matière et des reflets du métal. M. Widter a vaincu ces obstacles d’une manière remarquable, et ses épreuves sont peut-être même supérieures, par le rendu des détails, aux productions du même genre de M. Berthier, dans notre exposition.

PRUSSE.

Parmi les produits envoyés par la Prusse, il faut distinguer principalement les portraits grande nature de M. Wothly, d’Aix-la-Chapelle, semblables à ceux de M. disderi. L’effet en est peu agréable, et ce genre de portraits, plus curieux que satisfaisant au point de vue artistique, ne me paraît pas devoir être encouragé. M. Minutoli a exposé un album de dessins industriels, modèles de meubles, ornements. On ne saurait trop applaudir à l’idée d’offrir aux fabricants des modèles de goût ; malheureusement, l’exécution laisse à désirer sous le rapport photographique : les épreuves sont médiocres, les détails n’y sont pas assez nets ni faciles à étudier par le fabricant, et, par suite, le but de l’ouvrage est en partie manqué. Il faut aussi distiguer les reproductions, remarquables par leur dimension, des dessins au crayon de Kaulbach, pour le poëme de Faust. Le dessin est bien rendu et sans déformation sensible.

Belgique.

Dans la Belgique, je n’ai à signaler que les reproductions de tableaux anciens et modernes de M. Fierlant. Plusieurs de ces tableaux offraient de grandes difficultés, les tons des couleurs dans les anciennes peintures ayant souvent poussé au noir ; mais le résultat paraît satisfaisant pour un grand nombre de ces reproductions. Cependant, comparée à l’exposition du même genre de M. Bingham, celle de M. Fierlant me paraît moins remarquable, tout en reconnaissant qu’il est plus difficile de reproduire des tableaux anciens que des peintures modernes dont les couleurs sont fraiches et n’ont pas encore noirci. Les œuvres de M. frielant sont faites sur commande du gouvernement belge, qui cherche ainsi à mettre à la portée du public la reproduction des chefs-d’œuvre de l’art. Pourquoi, en France, les administrations des musées et collections publiques n’adopteraient-elles pas une idée si utile et si populaire ?

Grèce.

La Grèce expose de magnifiques vues des monuments antiques d’Athènes, dues au talent distingué de M. Margaritis. Il n’y a rien de plus beau dans toute l’exposition de photographie. Ici, il était fort important de conserver à l’architecture la parfaite perspective de ses lignes, et d’éviter le plus possible toute déformation dans l’élévation des monuments. L’habile artiste y est parvenue avec bonheur ; il a su rendre aussi tous les détails de la sculpture, et on peut dire qu’aucune publication n’a aussi bien reproduit ces admirables monuments, qui ont si souvent déjà servi de modèle à la photographie.

Italie.

L’Italie offre des spécimens de photographie tout à fait remarquables par leur grandeur : ce sont naturellement des vues de monuments et des reproductions de peintures à fresques. Les belles vues d’Alinari, de Florence, de Dovizielli et deCuccione, de Rome, nont de comparables dans toute l’exposition que les œuvres de Baldus, et peut-être même quelquefois les dépassent-elles en dimension. Ces belles épreuves ont été obtenues sur glaces collodionnées, et souvent en plusieurs morceaux, dont les positifs sont habilement juxtaposés. Quant à la reproduction des fresques de la Farnésine et du palais Farnèse, c’est un genre de photographies qui n’a pas son pareil dans le reste de l’Exposition ; la réussite en est très-satisfaisante, si l’on songe aux difficultés d’exécution provenant de la position même des fresques en plafonds ou en voussures, et à l’état de dégradation de la peinture, souvent détériorée ou restaurée. A côté d’un pareil succès, on ne sait ce dont il faut le plus s’étonner, ou de la hardiesse des photographes qui ont entrepris des œuvres aussi difficiles, ou de l’indifférence des gouvernements qui négligent ce noyen de répandre la reproduction des chefs-œuvre de l’art. Ils ont sous la main le moyen de conserver le souvenir d’ouvrages qui, malheureusement, tendent chaque jour à se dégrader, et dont quelques-uns disparaitrnt peut-être bientôt. Pourquoi ne s’en servent-ils pas ?

Conclusion.


Après cette revue rapide des expositions étrangères de photographie, je conclurai en toute conscience que la France, malgré les mérites de certaines expositions étrangères, reste à la tête de l’industrie, et comme perfectionnement des procédés et comme exécution.
Mais je ne veux terminer ce rapide examen sans indiquer deux moyens par lesquels le gouvernement pourrait encourager encore et stimuler le développement de cette industrie en France.
S’il faisait photographier et publier à bon marché les chefs-d’œuvre de sculpture, peinture, dessins, gravures, bronzes, curiosités de tous genres que renferment nos musées et nos collections publiques, le gouvernement, d’une part, donnerait un nouvel essor à l’industrie de la photographie : et, d’autre part, il accomplirait une œuvre d’une utilité générale ; car en popularisant ainsi les œuvres de goût, il mettrait à la portée des écoes de dessin, des industriels, des artistes, et de tout le public, les modèles irréprochables de l’art, dont la connaissance, plus facile et plus générale, développerait encore d’avantage en France la bon goût qui distingue particulièrement nos industries nationales, et leur donne la prééminence dans cette Exposition universelle comme dans les autres.
Les objections qu’on a faites à la réalisation de cette id´´e, qui aurait des résultats si f’econds et si utiles, me paraissent futiles et peu dignes des vues élevées qui doivent diriger le gouvernement.
À un point de vue tout différent, l’État peut rendre encore un grand sevice à la photographie : c’est en fixant une question légale encore indécise, celle de la propriété photographique. Aujourd’hui il est incertain si le premier venu n’a pas le droit d’acheter une épreuve photographique, de la reproduire dans la chambre noire, et de vendre les épreuves de ce nouveau cliché fait sur un modèle acheté. Des arrêts, en sens divers, ont été rendus sur ce point par les tribunaux.
La propriété d’une planche photographique est une propriété qui, comme toute autre, doit être protégée ar la legislation ; et s’il existe à cet égard une lacune dans nod lois, il est indispensable et juste qu’elle soit comblée au plus tôt.
On ne peut admettre équitablement qu’un photographe, après avoir fait de grandes dépenses pour aller relever dans des pays lointains des vues ou des monuments encore inconnus, puisse, lors de la publication de son voyage, se voir frustrer par le premier venu qui achèterait une suite d’épreuves, les photographierait tranquillement à nouveau, et publierai à son profit cette sorte de contrefaçon.
Comme ce genre de fraude ne paraît pas d’une manière certaine tomber sous l’application de la loi, il serait équitable qu’une nouvelle disposition législative y pourvût au plus tôt.
D’un autre côté, il semble juste de défendre la propriété artistique contre la contrefaçon photographique, qui, depuis quelque temps, a pris de grandes proportions, surtout à l’étranger. Ainsi, des éditeurs français, après avoir payé des sommes considérablespour des planches de gravures, ont vu ces gravures à peine éditées, copiées par la photographie. Faites à l’étranger et répandues en France á fort bon marché, puisqu’aucun traité n’en interdit l’entrée, ces copies photographiques ont fait le plus grand tort aux éditeurs mêmes de la gravure.
Il est manifestement opportun de prendre à ce sujet quelque disposition législative ou de négocier quelque traité international pour interdire cette contrefaçon, qui peut nuire considérablement, par une concurrence illégitime, à une branche si intéressante des beaux-arts.
Il m’a paru utile d’attirer l’attention du gouvernement sur ces questions, dont la solution peut avoir de l’influence sur l’avenir de la photographie en France. L’État, qui a, pour ainsi dire, crée cette industrie dans l’origine, en achetant, répandant et mettant dans lo domaine public le procédé de Daguerre, continuera sans doute sa protection à cette partie de plus en plus importante de l’industrie française.

SECTION III.

PRODUITS CHIMIQUES POUR LA PHOTOGRAPHIE,

Par M. Barreswil.


On ne peut pas dire qu'il y ait une fabrication spéciale de produits chimiques pour la photographie, attendu que les réactifs employés par la photographie sont appliqués à d'autres usages. Toutefois, comme ilest indispensable, pour obtenir de belles épreuves, d'employer des produits appropriés, il s'est créé des maisons qui,essayant les produits, les épurant et les éprouvant elles-mêmes, donnent toute garantie de surccès. On peut dire de ces maisons qu'elles ont accompli ou fait accomplir des progrès très-réels à certains détails de la fabrication des produits chimiques, et qu'elles ont aidé au développement et au sérieux perfectionnement de plusieurs branches des autres industries: 1'ébénisterie, l'optique, la reliure, le travail de la gutta-percha, la fabrication de plaques el celle du papier de qualité supérieure.
Les principaux produits chimiques employés par la photographie sont l'eau distillé, l'iodure de potassium, l’hyposulfite de soude, le cyanure de potassium, l’alcool, l’éther, le fulmicoton, l’acide pyrogallique, le nitrate d’argent, le chlorure d’or.
L'eau distillée est livrée à bas prix aux photographes: elle est recueillie dans plusieurs fabriques, où l'on a le soin de la tenir à l'abri de la poussière, et où l'on exclut toute possibilité d'introduction do matières étrangères dans les bouilleurs, par l'emploi de l'ingénieux appareil de M. Duméry (le déjecteur anticalcaire). Le large emploi que certaines industries font de l'eau distillée date de la vulgarisation des procédés Daguerre; on peut la remplacer par l'eau de fonte des glaces qui se forment lentement dans des cours d'eau tranquillcs. Cette observation, faite par les chimistes américains, s'est confirmée en France: elle est acquise à la pratique.
L'iodure de potassium est traité en grande manufacture; les fournisseurs spéciaux des photographes se bornent à l'épurer.
La photographie a considérablement augmenté la consommation do l'iodure de potassium; mais la médecine à elle seule en demandait des quantités très-considérables, et c'esl aux applications à l'art de guérir qu'il faut attribuer la conquète de ce beau produit et les nombreux perfectionnements apportés à sa abrication.
Il n'en est pas de même de l'hyposulfite de soude. Ce sel a été créé comme article de commerce par les besoins du daguerréotype. Il est aujourd'hui fabriqué sur une grande échelle et a reçu des applications nouvelles; on l'emploie notamment et a reçu des applications nouvelles ; on l’emploie notamment concurremment avec le sulfite de soude comme antichlore, c’est-à-dire comme réactif destiné à absorber le chlore que certains fabricants laissent dans la pâte de papier après le blanchiment gazeux. (Cette pratique, il faut bien le dire en passant, est contraire aux principes de l’économie ; l’hyposulfite de soude est en effet dépensé pour détruire le chlore, qui est un produit utile. Il est bien plus rationnel d’employer juste ce qu’il faut de chlore plutôt que d’avoir à détruire un excès, ainsi que l’a démontré M. Godin de Huy en Belgique.) L’hyposulfite de soude a été fabriqué en grand d’abord en France, puis en Allemagne et en Angleterre.
Le cyanure de potassium est trop souvent appliqué par les photographes, qui doivent le bannir: c'est un poison violent, et son emploi n’est pas indispensable : aussi la la vente pourrait-elle être surveillée sans inconvénient pour l’avancement de la photographie. Ce sel est obtenu d’après les indications de Licbig, et c’est en France qu’il a été pour la première fois préparé à l’état de pureté. Il convient de citer, à l’occasion de ce produit et du précédent, avant tous autres, MM. Fordos et Gélis, de Paris.
L'alcool est un article de grande fabrication, qui est livré directemcnt pur et à un degré très-élevé. Tout le monde sait que c'est à la France que sont dus les procédés de rectification et de concentration de l’alcool. Par occasion, il est peut-être bon de dire qu’il faut encore se résoudre à demander ce produit à la fermentation des sucres, malgré l’annonce hâtée de sa production au moyen du gaz de l’éclairage. Cette source d’alcool, acceptable à priori comme pint théorique, n’est nullement à recommander ni même á expérimenter, si l’on s’en tient aux termes du brevet qui a tant ému le monde industriel.
L'éther est devenu l'objet d'un commerce important depuis qu'il est appliqué à la photographie. C'est à la France qu'on doit sa fabrication industrielle, et nous l'avons payé assez cher: elle nous coûte un chimiste éminent, Polydore Boullay, collaborateur de M. Dumas, mort des suites de brûlures graves faites par l’éther. Le procédé de laboratoire décrit par Boullay, modifié par Soubeiran, a été appliqué tel quel à des opérations de manufactures. Nos fabriques françaises, notamment celle de M. Désesprigalle, de Lille, livrent aujourd’hui à l’industrie de léther pur à bon marché.
La fabrication des acides galliques et pyrogallique mérite d’être signalée ; elle a été crée pour les besoins de la photographie. M. Fontaine, de Paris, la pratique sur une grande échelle ; il suit le prcédé de Braconnot, en faisant fermenter la noix de galle. L’acide pyrogallique que ce fabricant prépare en grande quantité, est obtenu selon les prescriptions de Liebig; ces deux produits sont très-beaux.
Le fulmicoton, dont la préparation et l’application comme collodion appartient à la France, est d’une préparation délicate et dangereuse; les fabricants ne le préparent pas tous également bien. M. Mathieu Plessy en a exposé un spécimen remarquable par sa complète solubilité.
Quant au nitrate d’argent et au chlorure d’or, le photographe les obtient le plus souvent lui-même, surtout s’il utilise ses résidus. Un sel d’or pourtant est fabriqué spécialement pour la photographie: c’est l’hyposulfite d’or et de sodium, que MM. Fordos et Gélis ont obtenu de la liqueur de M. Fizeau (dissolution mélangée de chlorure d’or et d’hyposulfite de soude), en modifiant la nature du dissolvant. Ce beau produit a joué un rôle important dans l’avancement des procédés photographiques.
Tels sont les principaux réactifa employés par la photographie, qu’on peut appeler électro-chimique, et qui comprend le procédé Daguerre et le procédé Talbot. Quant à ceux qu’emploie la photographie à laquelle on peut, avec quelque raison, donner le nom de photographie plastique, laquelle comprend le procédé de Nicéphore Niepce, la lithophotographie, telle que je l’ai établi, et dont les spécimens remarquables ont été produits par MM. Davanne, Lemercier et Lerebours, les procédés de MM. Garnier et Salmon, Fagier, Poitevin, etc.: ces produits sont trop nombreux pour être énumérés, et ils sont d’un emploi trop peu général pour être des objets de commerce et rentrer dans le cadre de ce rapport.

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