segunda-feira, 6 de abril de 2009

1869, 12 de Abril - Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences

1869
12 de Abril

Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences
Janvier-Juin
T. LXVIII
Nº. 15
Pag. 852, 853, 854, 855, 856
*
RAPPORTS.

TOPOGRAPHIE. - Rapport sur la planchette photographique inventée par A. Chevallier, et construite par M. Duboscq

(Commissaires: MM. Regnault, Fizeau, d'Abbadie rapporteur.)

« Dès que Daguerre eut employé la chambre noire pour fixer les images sur une plaque métallique, Arago vit tout de suite que le topographe pourrait emprunter à la photographie ses moyens rapides d'investigation. Cette prévision du grand physicien suscita diverses idées pour une solution pratique du problème, et, cinq ans plus tard, M. Martens montra que l'on pouvait fixer sur la surface d'un cylindre une suite d'images reçue à travers une fente étroite et un objectif mobiles. On n'obtenait ainsi qu'un demitour d'horizon, mais M. Garella, Ingénieur en chef des Mines, ne tarda pas à perfectionner l'appareil, de manière à obtenir les images sur une surface plane et à prendre, à la rigueur, un tour d'horizon entier. Ces dispositions étaient ingénieuses, mais quand il s'agissait ensuite de construire une carte plane, il fallait recourir préalablement soit à de longs calculs, soit à des réductions graphiques, où la possibilité des erreurs se joignait à des retards inévitables.
« Dix-sept ans après l'invention de Daguerre, A. Chevallier posa enfin d'une manière précise le problème à résoudre, en établissant que, pour obtenir un plan sur le papier, il fallait construire dans chaque station un rapporteur spécial, formé photographiquement par l'ensemble des signaux à relever, que l'instrument enregistre automatiquement selon les écartements angulaires où l'œil les aperçoit de la station choisie.
» Ce résultat est obtenu en promenant autour de l'horizon, par un mouvement d'horlogerie, un objectif vertical qui reçoit les images des signaux situés autour de la station. Reçues ensuite par un prisme à réflexion totale solidaire avec l'objectif, ces images sont renvoyées de haut en bas à travers une fente placée au-dessus d'une glace sensibilisée et horizontale. L'axe de cette fente fait partie du plan vertical mobile qui contient à la fois l'axe optique de l'objectif et le centre autour duquel il se promène en azimut. La fente s'ouvre automatiquement et sans secousse, après que l'objectif et le prisme ont déjà acquis un mouvement circulaire uniforme. Quand le tour d'horizon est terminé, cette fente se ferme d'elle-même, et l'on peut tourner horizontalement tout l'appareil, jusqu'à ce que l'aiguille d'une boussole attachée coïncide avec le zéro de son cercle divisé. En ouvrant alors une fente spéciale, on laisse la lumière tracer sur le bord de la glace un trait qui ajoute à l'épreuve la direction du méridien magnétique. Cette précaution sert à orienter le cliché et permet au dessinateur du plan définitif de se retrouver dans la combinaison ultérieure de plusieurs tours d'horizon.
» Dans ce cercle d'images photographiées, tous les signaux conservent entre eux les vrais écartements angulaires sous lesquels on les voit de la station. Pour les cas rares où un signal serait trop haut ou trop bas par rapport à l'objectif, une petite lunette à éclimètre, mobile autour d'un bras horizontal et qui surmonte tout l'appareil, permet de rapporter ce signal à un jalon placé dans le champ de l'instrument. Enfin,une ligne déliée, produite par un fil situé à la hauteur de l'axe optique, montre tous les points du panorama photographique dont l'altitude est égale à celle de la station où 1'on opère. En mesurant la distance de cette ligne au sommet de chaque signal et en s'aidant d'une table numérique, on obtient aisément les altitudes relatives. L'usage de tout cet appareil n'exige d'autre connaissance spéciale que celle de la photographie.
» Pour comprendre la grande simplification apportée ainsi dans l'art de lever les plans, reportons-nous aux méthodes employées jusqu'ici:
» Après avoir dirigé péniblement sur chaque signal l'axe optique de la lunette du théodolite, on lit et l'on écrit successivement les chiffres du niveau, des deux limbes et de leurs verniers. Quand les relèvements sont très-nombreux on est forcé de consacrer plusieurs heures à un seul tour d'horizon. Puis on place convenablement un rapporteur: on lit d'abord et l'on pointe ensuite un à un chaque angle horizontal. Ces opérations successives sont fort longues: souvent on y commet des erreurs d'autant plus difficiles à redresser qu'elles remontent plus haut. Le théodolite ordinaire ou théodolite à lecture n'est réellement préférable que si l'on veut approcher des limites de l'exactitude en appliquant le calcul à la construction de chaque triangle.
» Au contraire, le théodolite autographe ou planchette photographique achève dans une demi-heure le tour d'horizon le plus compliqué. On sera donc porté à pousser bien plus loin le nombre des détails en multipliant les signaux artificiels, car on enregistre involontairement les moindres accidents du paysage et mème des signaux dont on ne prévoyait pas le besoin. L'opérateur évite ainsi ces précautions supplémentaires que dans les méthodes usuelles on est obligé de prendre pour bien marquer la station, afin d'y relever, dans une seconde opération, les signaux importants qu'on avait omis, par ignorance ou par mégarde, de noter dans la première. Pour construire enfin le plan ou la carte, on applique directement la règle
sur l'épreuve photographique, car dans la méthode nouvelle chaque station a son rapporteur spécial. Le dessinateur n'a jamais à s’y préoccuper des lectures ni des transcriptions d'angles qui, disparaissant dans le résultat final, ne sont, dans tous les cas, que des séries de rapports et en quelque sorte des intermédiaires destinés à disparaître dès que le travail est terminé.
« A ces avantages de la planchette photographique il faut ajouter qu'elle affranchit l'opérateur de ces fautes d'attention si souvent difficiles à reconnaître ou mème à délimiter quand on s'en doute après coup. Le nouvel instrument jouit du précieux avantage des appareils automatiques, car la lumière s'y charge elle-même de faire les observations. De plus, on peut tirer d'un seul cliché autant d'épreuves qu'on voudra et plusieurs dessinateurs rédigeront ainsi au besoin un même plan en expéditions multiples. Les méthodes de contrôle sont toujours précieuses pour constater les faits, et celle que nous venons de mentionner ne peut s'employer lorsqu'on a opéré au théodolite, ni à plus forte raison quand on a fait des levés avec la planchette d'arpenteur. Au lieu de leurs levés discontinus et si souvent insuffisants, on obtient une véritable intégration en azimut, et en même temps une courbe d'égal niveau que le cliché donne sans calcul préalable.
» II n'est pas sans intérêt d'examiner les objections qu'on peut élever contre le théodolite imprimant de Chevallier. Le cliché qu'il fournit présente dans les angles azimutaux une incertitude de 4 ou 5 minutes, ce qui donne lieu à une erreur d'environ 1 mètre à une distance de 1000 mètres. Cette incertitude, due à des causes encore inconnues, peut varier ou même grandir un peu dans les épreuves positives, selon la qualité du papier et son retrait inégal par suite des lavages et autres manipulations de la photographie. L'emploi d'une règle spéciale pourvue de microscopes pourrait atténuer ces erreurs, qui, en rendant l'instrument impropre jusqu'ici à fournir des plans de la dernière présion, lui laissent toujours un avantage
immense, même dans ces reconnaissances exactes qui doivent précéder les opérations de la grande géodésie. Il est d'ailleurs difficile de prévoir le degré de perfection qu'une grande habitude de l'appareil permettra d'atteindre.
»Comme le topographe ne fait pas des vues artistiques, il n'y a pas lieu de blâmer l'inégalité des teintes qui résulte des variations de la lumière. Le rayon de nos rapporteurs ordinaires est de 9 à 10 centimètres seulement: dans le rapporteur photographique il est de 1 5 centimètres, ce qui donne une précision plus grande; et si la déformation produite par la convergence des lignes vers le centre vient jeter quelque doute sur l'identification d'un signal, on peut toujours s'éclairer en comparant les images des signaux voisins et en examinant la hauteur relative de chacun d'entre eux. Cette dernière donnée, souvent omise dans nos anciennes méthodes de levés, ne s'y obtient que par des opérations relativement fort longues.
« L'inventeur a ajouté à son appareil une boussole qui donne l'angle à 3 ou 4 minutes près. Il s'est aussi ménagé les moyens d'entourer chaque épreuve d'une division en degrés imprimés photographiquement au moyen d'une glace type. Cette addition est de luxe, mais elle plaira aux personnes que l'habitude amène à considérer avant tout les angles azimutaux.
« Après avoir suivi, pendant plusieurs années, les perfectionnements de détail que l'inventeur ne cessait d'ajouter à son idée fondamentale, votre rapporteur a voulu connaître les résultats de la pratique. II s'est assuré personnellernent, auprès de M. Viollet le Duc, que cet architecte éminent est compléternent satisfait du plan du château de Pierrefonds levé par A. Chevallier: on sait d'ailleurs combien l'oeil d'un artiste est sévère à l'égard de légéres imperfections dans les proportions d'un travail d'art où chaque relief doit conserver sa vraie grandeur pour donner un ensemble harmonieux.
« Sans insister sur un monument de Paris où l'architecte avait compté, non sans raison, sur un effet de perspective pour dissimuler une irrégularité de construction, nous citerons le levé partiel des environs de Toulon, qui, fait par la photographie sous les yeux de deux savants officiers, MM. Mouchez, Capitaine de vaisseau, et E. Paté, Capitaine du Génie, signala une erreur dans le plan directeur auquel on le comparaît. L'invention de Chevallier est ainsi non-seulement un rapide moyen de fonder une topographie, mais encore un précieux instrurment de contrôle pour les plans déjà exécutés. Dans les féconds travaux de la paix, il servira à refaire, sans trop d'efforts, notre carte du cadastre, où tant d'erreurs se sont glissées. En temps de guerre, il pourrait avancer nos principes de tactique, en retraçant fidèlement les divers épisodes d'un combat. Mais c'est surtout en achevant promptement le plan directeur pour l'attaque d'une place à peine investie que le théodolite imprimant sera utile, car il exécute rapidement, et il épargnera la vie de plus d'un officier du Génie, souvent trop porté à s'exposer au canon de l'assiégé. Dans ce cas, en effet, on conçoit l'avantage d'un appareil qui peut fonctionner discrètement derrière un épaulement, en ne découvrant au tir de l'ennemi qu'un tube et un objectif.
» Après douze années d'études incessantes, Chevallier est mort l'an dernier au moment où il espérait voir sa découverte adoptée par les savants spéciaux. Elle abrége beaucoup le temps consacré aux opérations sur le terrain d'où les intempéries et tant d'autres accidents bannissent le calme et le loisir. On y réalise aussi une économie notable dans le personnel et dans les délais nécessaires pour la confection des plans. En effet, c'est une machine à levers topographiques, qui introduit dans la planimétrie une révolution complète et heureuse. Cet appareil laisse à désirer pour les manipulations de la photographie qu’on voudrait parfaire à chaque station et dès l'achèvement du tour d'horizon. Mais il est légitime de compter sur ce progrès.
« En conséquence, votre Commission vous propose d’honorer de votre haute approbation l'invention si neuve et si ingénieuse de la planchette photographique. »

Les conclusious de ce Rapport sont adoptées.

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