1833 | L’ARTISTE Vol. V 1ª. Serie 15e Livraison Pag. 184 | DIORAMA. LA FORÊT-NOIRE. Pour la troisième fois depuis huit jours, je suis allé ce matin voir le Diorama. Aussi est-ce encore sous le charme du magnifique spectacle qui m'a été offert que je vous écris ces lignes. Mais, au lieu de ma prose, il faudrait la grande poésie de Byron. M. Daguerre nous donne aujourd'hui son plus beau chef-d'œuvre; jamais, jusqu'alors, malgré son immense talent, il n'avait poussé aussi loin l'imitation de la nature; jamais son pinceau n'avait fait des arbres dont les branches murmurent sous le vent de la nuit, des feuilles qui se balancent, et qui se montrent tour à tour luisantes ou sombres. Vous voyez tout cela. Quand vous entrez sous la coupole éclairée, l'immensité de la Forêt-Noire se déroule à vos yeux; la lune jette d'aplomb ses clartés que les arbres de la haute forêt rendent inégales; le chemin seul est éclairé d'une vive lumière. Là vous apercevez le cadavre d'une femme: c'est celui de la comtesse de Hartzfeld, qui vient d'être assassinée; au-dessous, à quelques toises, le chapeau galonné de son domestique et des traces de sang sur le pont d'un torrent, dont la rampe est brisée, attestent quelle résistance cet homme a faite pour défendre sa maîtresse. A gauche, un feu allumé par les bandits se consume lentement. C'est alors que vos yeux, familiarisés avec l'aspect du tableau, commencent à en découvrir toutes les beautés. Dans la plus lointaine perspective, la Forêt-Noire parsemée de quelques arbres rares permet de découvrir la grande chaîne des Alpes qui parcourt tout le littoral du Rhin; trois pics énormes, dont les interstices ont fait surgir des sapins et des mélèzes, la dérobent un instant à la vue, pour la laisser apparaître de nouveau, plus haute, plus vigoureuse, et semée des flancs à la crête de hêtres, de chênes et de sapins séculaires, qui viennent, en ondulations capricieuses, s'abaisser am pieds du spectateur. Puis c'est la lune qui semble s'être dégagée des nuages pour tout éclairer; l'étoile de Cyrus qui scintille, et dans les interstellaires quelques nuages blanchâtres qui glissent sur l'azur des cieux. En contemplant ces grandes choses, vous avez l'ame émue; on oublie la balustrade sur laquelle on est appuyé; on se croit transporté dans cette vieille et froide Allemagne; on craint de voir surgir à ses côtés les assassins! Cette vague lumière bleuâtre, cette légère teinte de brouillard qui se répandent sur tout le paysage, contribuent à rendre l'illusion plus complète encore. Puis c'est le ravin où l'on distingue l'empreinte des pieds, l'herbe touffue du chemin qui vacille, et plus bas le pont de bouleaux, le pont grossier jeté avec tant d'art sur le lit profond et desséché du vieux torrent! M. Daguerre n'est pas seulement peintre, il est poète, il comprend la nature dans ce qu'elle a de plus pittoresque et de plus effrayant; il est initié à tous les secrets de l'art, il possède toutes les inspirations. Il est bien malheureux qu'un tel artiste n'ait pas sa part dans les encouragemens du gouvernement, et que nous soyons toujours à la veille de nous le voir enlever par l'Angleterre, plus généreuse que nous pour les grands talens. |
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segunda-feira, 6 de setembro de 2010
1833 - L’ARTISTE
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Daguerre (Louis Jacques Mandé) 1787-1851,
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