domingo, 29 de agosto de 2010

1839, 18 de Fevereiro - COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES

1839

18 de Fevereiro

COMPTES RENDUS  DES SÉANCES DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES

T. VIII

Nº.7

Pags. 246, 247, 248, 249

CORESPONDANCE

 

PHYSIQUE  CHIMIQUE. – Note de M. Biot sur un papier sensible préparé par M. Daguerre.

 

« M. Daguerre ayant appris par moi, le grand service qu’il pourrait rendre aux physiciens, en leur indiquant pour leurs expériences, une préparation qui fût plus promptement sensible à l’action de la lumière que ne le sont celles qui ont été jusqu’ici publiées, il a bien voulu m’en faire connaître une qu’il avait obtenue dès 1826, et qui a éminemment cet avantage. Comme, d’ailleurs, celle qu’il emploie aujourd’hui pour ses tableaux est encore bien plus prompte, qu’elle reproduit les clairs et les ombres avec leurs caractères propres, et qu’enfin elle est fondée sur des principes tout-à-fait différents de celle dont il m’a parlé, il m’a auctorisé à présenter celle-ci de sa part à l’Académie ; et je me suis chargé de cette mission d’autant plus volontiers, que j’ai plus récemment regretté de n’avoir pas á ma disposition un pareil instrument de recherche : peu importe en effet, pour de simples expériences de physique, que les clairs et les ombres des objets soient ou ne soient pas invertis, pourvu que l’effet de la radiation soit manifesté presque instantanément.

» Voici la recette indiquée par M. Daguerre, recette dont il a réalisé en quelques instants l’exécution devant moi, à la faible lumière diffuse que donnait hier l’atmosphère, à travers les vitres d’une fenêtre à quatre heures et demi du soir.

» Prenez du papier sans colle, ou collé légèrement, comme du papier d’impression ; trempez-le dans l’éther muriatique, faiblement acidifié par l’effet de la décomposition lente qu’il éprouve avec le temps ; ou bien encore, appliquez ce liquide avec un pinceau-brosse assez doux ; laissez sécher à l’air, ou faites sécher à une douce chaleur. Mais, de manière ou d’autre, attendez que la dessiccation soit tout-à-fait complète : cela est très essenciel.

» Prenez alors une dissolution de nitrate d’argent dans l’eau distillée, dissolution qu’ilconvient de tenir habituellement à l’abri de la lumière, dans un flacon parfaitement bouché à l’émeri ; et trempez-y le papier séché qui a été imprégné d’éther muriatique. Vous pourriez aussi étendre cette dissolution avec un pinceau très doux ; mais, comme on est alors obligé de l’étendre par raies sucessives et contiguës, M. Daguerre trouve que les par lesquels ces raies se touchent, étant, d’après la nécessité de leur sucession même, accolés l’un à l’autre dans des conditions physiques différentes, ils prennent des états électriques dissemblables, dans la ligne de contact ; ce qui fait qu’ensuite cette ligne est peu sensible à la lumière et se dessine en raie blanchâtre sur le fond. On évite cet inconvénient en trempant le papier dans le nitrate, ou en versant ce liquide sur une seule des ses faces avec égalité. Au reste, cette particularité, qui serait d’une grande conséquence pour des dessins, est sans inconvénient pour des expériences de physique, à moins que l’on n’eût à faire des comparaisons d’une complète rigueur.

» Faites alors sécher ce papier dans l’obscurité ; et, si vous voulez accélérer la dessiccation par la chaleur, ne l’employez qu’excessivement faible. Car, lorsque cette préparation est encore humide, la radiation calorifique, même émanée des corps non lumineux, agit sur elle, dans le même sens que la lumière, pour la colorer. Si vous ne devez pas opérer de suite, avec le papier ainsi préparé, il faut le serrer, et le presser, dans un livre ou dans un portefeuille, pour que, non-seulement la lumière, mais l’air, ne puisse pas circuler autour.

» Ce papier étant exposé à la lumière solaire, ou à la lumière diffuse, soit directe, soit transmise à travers un écran de verre diaphane, se colore avec une promptitude extrême, surtout s’il est encore humide ; et il marque déjà des teintes très sensibles avant que le nitrate montre les moindres traces d’altération. La différence de rapidité se soutient dans toutes les phases de coloration par lesquelles le papier passe ; et elle se manifeste à une époque quelconque par l’excès actuel de coloration de la proportion préalablement imprégnée  d’éther muriatique. On peut la fixer définitivement à tel degré voulu, et arrêter tout progrès ultérieur, en enlevant le nitrate qui n’est pas encore entré en combinaison. Pour cela il suffit de baigner le papier dans une quantité d’eau suffisante pour le bien laver ; alors quand il est bien séché, mais sans chaleur, il n’est plus impressionable à la lumière. Si l’on ne tient pas à conserver ce papier dans un état fixe et immuable de coloration, il suffit de le tenir enfermé à l’ombre dans un portefeuille, et de ne le regarder qu’à la lumière artificielle, surtout pendant les premiers jours qui suivent sa préparation. Car, à mesure que l’on s’éloigne de cette époque, sa sensibilité s’affaiblit, et il finit par n’être plus que très lentement excitable. M. Daguerre a remarqué que le lavage n’est pas  également efficace sur toutes les pâtes de papier ; mais n’ayant pas trouvé dans cette préparation les qualités qu’il y désirait sous le rapport de l’art, il n’a pas cru devoir s’en occuper plus long-temps.

» Les effets qu’on obtient par ce procédé, reproduisent nécessairement l’intensité de la lumière par une intensité de coloration ; conséquemment, si on l’employait comme préparation du tableau  de la chambre noire, les objets clairs, le ciel par exemple serait représenté en noir, et les objets noirs, comme les arbres, resteraient totalement blancs. Le procédé actuellement employé par M. Daguerre est exempt de cet inconvénient capital pour la reproduction de la nature en général ; et l’un de ses principaux avantages est au contraire de distinguer, par un ménagement d’une extrême délicatesse, la dégradation des tons donnés par la perspective aérienne, telle que l’état momentané, et actuel, de l’atmosphère l’exie au moment où le tableau est fait.

» Tout liquide quelconque étant appliqué sur le papier, au lieu de l’éther muriatique acidifié, et avant le nitrate, détermine une teinte d’un ton différent et plus ou moins facilement impressionnable. La qualité même de la pâte dont le papier est fait, qu’il soit collé ou non collé, détermine aussi des différences de nuances. Mais, dans tous les cas, on peut toujours arrêter la progression de la coloration, à une époque quelconque, en renfermant, et pressant le papier, dans un livre, où il soit à l’abri de la lumière et de l’air.

» M. Daguerre a remarqué que l’intensité de la coloration, ainsi que son progrès, varient avec la nature des écrans diaphanes, colorés ou incolores, que l’on interpose dans le trajet de la lumière solaire, soit directe, soit diffuse, qui agit sur le papier ainsi préparé. Mais il a surtout varié et suivi ces effets des écrans, dans leur application à la substance infiniment sensible dont il compose aujourd’hui ses tableaux, ou plutôt qui les dessine elle-même sous l’influence de la radiation qui la modifie. Et, non-seulement les conséquences pratiques qu’il en a tirées lui ont servi pour donner à sa découverte de nouveaux et importants usages qu’il n’a pas rendus publics encore, mais le seul énoncé des résultats qu’il a ainsi observés, et qu’il a su saisir avec une sagacité rare, suffisent déjà presque, à ce qu’il me semble, pour ainsi indiquer avec une probabilité très grande, sinon pour définir complétement les caractères physiques de la radiation qui produit de si étonnants effets. Car il ne faut plus que joindre, aux observations déjà faites par M. Daguerre, les résultats que l’on obtiendra par l’emploi des écrans diaphanes mixtes, comme on va voir que nous l’avons fait, M. Becquerel et moi, pour analyser la portion  de la radiation émanée de l’étincelle électrique qui produit la phosphorescence à distance (1)([i]) 1)(1). M. Daguerre a déà bien voulu faire pour moi, par ce procédé, diverses expériences sur ce que j’appellerais volontiers les sensations de la précieuse substance qu’il possède. Mais, en attendant qu’elle nous soit connue, rien n’empêchera d’analyser ainsi la manière dont la radiation solaire, soit directe, soit diffuse, affecte le papier sensible qu’il vient de nous donner ; et j’espère pouvoir communiquer très prochainement à l’Académie les résultats de cette recherche : car il ne faut que disposer commodément l’appareil à écrans mixtes, pour faire les expériences dans l’obscurité.

» A la suite de cette communication, M. Biot présente à l’Académie de nombreux échantillons de papiers ainsi préparés par M. Daguerre, en choisissant des liquides très divers pour précéder l’application du nitrate. Il en fait remarquer les caractères et les accidents, conformes à la description qui vient d’être donnée. Il ajoute que plusieurs de ces échantillons ont été préparés en sa présence, et qu’il a vu lui-même la promptitude des changements qu’ils ont éprouvés sous l’influence de la faible radiation que l’atmosphère transmettait à travers les vitres d’une fenêtre, à quatre heures et demi du soir, par un temps couvert. »



([i]) (1) Cette Note avait été lue avant la communication faite dans cette même séance au nom de MM. Bequerel et Biot.

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