domingo, 29 de agosto de 2010

1839, 20 de Fevereiro – JOURNAL des DÉBATS POLITIQUES et LITTÉRAIRES

1839

20 de Fevereiro

jOURNAL DES débats politiques et littéraires

 Pag. 1,2

Feuilleton du Journal des Débats

ACADÉMIE DES SCIENCES.

Séance du 18 février

 

Il a encore été beaucoup question de M. Daguerre dans cette séance ; nous voudrions donner une idée nette des nouveaux faits qui ont été rapportés ; mais il y a nécessairement dans tout ce que l’on nous communique sur ce sujet, un mélange de révélations et de réticences, qui donne à tout ceci un air de mystère d’où nous ne pourrons sortir que lorsque le mécanisme de cette invention sera décidément expliqué et mis au grand jour ; jusques-là, nous risquons de mal interpréter ce que nous n’entendons qu’à demi, et nous craindrions môme de chercher à l’approfondir, dans la crainte d’en dire plus qu’il n’est dans les intérêts de M. Daguerre que l’on en sache actuellement. Bornons-nous donc à raconter les faits très curieux, quoique incomplets, dont on entretient l’Académie, sans risquer une appréciation et un jugement que ne permet pas l’obscurité dont ils restent enveloppés ; les résultats des recherches de M. Daguerre n’arrivent pas directement à l’Académie, et apportés par lui-même comme cela se passe ordinairement ; c’est toujours, comme on sait, MM. Arago et Biot qui leur servent d’interprètes ; nous devons, donc accepter les faits que l’on nous rapporte, sans demander d’autres explications que celles que l’on se croit en droit de donner.

Peut-être cependant ce mode de communication n’est-il pas tout-à-fait sans inconvénient dans une Académie suivie par un nombreux auditoire, et nous hasarderons à cette occasion quelques timides réflexions.

Nous ne nous occuperons pas d’abord de savoir s’il est bien dans l’intérêt de l’auteur que sa découverte soit ainsi publiée par fragmens, qu’elle soit morcelée, éparpillée avant de pouvoir en donner le dernier mot ; ou bien s’il ne vaudrait pas mieux pour lui que son travail fût présenté entier, en un seul faisceau bien lié, sans aucune réserve ni réticence ? Ce point ne nous regarde pas, et l’auteur sait protablement mieux que nous ce qui lui convient à cet égard ; tout ce que nous pouvons dire, c’est qu’une fois sa propriété bien assurée par la publication de ses résultats, il serait peut-être plus dans la règle des travaux académiques d’attendre qu’il n’y eût plus de secret à garder pour appeler de nouveau l’attention sur des faits qu’il n’est pas permis de discuter ; la publicité est essentiellement faite pour les découvertes de l’esprit humain, pour tout ce qui peut étendre nos connaissances ou augmenter même la somma de nos jouissances ; aussi les Académies, ces foyers de lumière et de civilisation, répugnent-elles naturellement à tout ce qui est secret et mystère ; la réserve et la réticence sont tellement contraires à l’esprit des travaux scientifiques, qu’elles ne veulent en user que le moins possible et avec ménagement.

Mais en outre l’Académie des Sciences a un nombreux public, et elle ne peut plus faire abstraction des deux cents auditeurs qui l’écoutent ; or il ne nous France pas tout-à-fait sans inconvénient de publier du haut de la tribune académique des faits incomplets, dépouillés de tous les détails nécessaires à leur juste appréciation et environnés méme volontairement d’une sorte d’obscurité qui leur donne quelque chose de mystérieux st de merveilleux ; l’Académie des Sciences doit procéder dans la publication de la vérité autrement qu’on ne le fait dans le monde, et son but est précisément de donner la raison physique des phénomènes naturels extraordinaires aux yeux du vulgaire. Tel fait rapporté dans son état brut, pour ainsi dire, et privé des circonstances qui l’expliquent, aura un air de surnaturel et de miraculeux, dont la science est chargée de la dépouiller ; c’est là qu’est la différence entre un fait scientifique et un fait mondain, si l’on peut s’exprimer ainsi ; que l’on dise par exemple au monde qu’une substance qu’un métal s’enflamme au contact de l’eau, et que plus on la couvre d’eau, plus on excite sa combustion au lieu de l’éteindre, et on lui donnera l’idée d’un fait merveilleux, en dehors des lois naturelles ; qu’on lui apprenne au contraire que l’eau est composée de deux gaz dont l’un est inflammable et dont l’autre anime la combustion à un haut degré, que le métal en question a la propriété de décomposer l’eau et de s’approprier le gaz comburant qai l’échauffe au point d’enflammer le gaz combustible, et la monde ne verra plus là que ce qu’il doit y voir, un phénomène très curieux sans doute, mais très naturel et circonscrit dans les lois connues.

Appliquons maintenant ces principes au fait signalé par M. Arago dans la séance de ce jour, et résultant des expériences de M. Daguerre sur la phosphorescence, et l’on appréciera la valeur de nos observations.

Et d’abord il faut rappeter que la phosphorescence est la propriété qu’ont certaines substances de briller dans l’obscurité, et de conserver dans l’ombre un éclat lumineux, après avoir été exposées à l’action du soleil ; les écailles d’huîtres sont particulièrement dans ce cas ; cette matière réduite en poudre et calcinée au feu conserve pour ainsi dire, pendant un certain temps, la lumière qu’elle a absorbée au soleil, et la refléte quand on vient à la placer aussitôt après dans un lieu parfaitement sombre ; MM. Biot et Becquerel vont nous montrer tout à l’heure a quelle cause il faut probablement rapporter ce phénomène.

M. Daguerre paraît avoir fait d’ingénieuses recherches sur les mattères propres à produire la phosphorescence, et sur les circonstances capables de la déterminer a un haut degré ; le sulfate de baryte, vulgairement appelé phosphore de Bologne, lui a surtout fourni des résultats très singuliers ; en traitant cette pierre d’une certaine manière, en la chauffant daus un tube fait avec la substance des os etc., M. Daguerre obtient une matière éminemment phosphorescente ; un jour, France l’avoir exposée au soleil, il la place dans une assiette de porcelaine, puis en portant cette assiette posée sur sa main, dans un lieu obscur, il vit dit M. Arago, sa main à travers l’assiette, ou se dessiner sur le fond de l’assiette.

Est-ce la chaleur de la main qui produisit cet effet ? Non, car il ne se passa rien d’analogue en mettant l’assiette avec la substance sur un poële. C’est au rayonnement de la main agissant sur la matière phosphorescente qu’il taut attribuer cet effet ; mais quelle espèce de rayonnement ? Est-ce un rayonnement calorifique, électrique ou de quelque principe inconnu jusqu’ici dans sa nature et dans ses effets ? Nous ne pouvons rien dire, nous ne le savons pas, nous sommes absolument dans la position d’un homme ignorant la composition de l’eau et l’action de l’oxigène, auquel on raconterait le fait brut du potassium brûlant sur l’eau.

En attendant les explications ultérieures, les imaginations et les esprits ardens ne vont-ils pas avoir beau jeu pour se donner carrière sur les analogies entre cette expérience et les prétendus faits de visions à travers les corps opaques, jusqu’ici repoussés par la raison froide et sans passion ? N’y a-t-il pas le plus légitime rapprochement à établir entre la main de M. Daguerre se dessinant dans le fond d’une assiette sous laquelle elle est placée, et certains phénomènes magnétiques dont on a fait grand bruit ? N’est-ce pas enfin le magnétisme dévoillé, ou du moins de quel droit rejettera-t-on maintenant des faits attestés par un si grand nombre de personnes, sous prétexte qu’ils sont inexplicables, miraculeux, en dehors des lois connues, en présence de cette assiette devenant transparente, ou de cette main se dessinant a travers un corps opaque, et laissant une empreinte immatérielle par l’action d’un agent inconnu !

On voit combien cette expérience ainsi présentée prête au merveilleux, combien elle tend à jeter les esprits en dehors de la vérité, tandis qu’il ne s’agit bien certainement ici que d’un fait ni plus ni moins extraordinaire, ni plus ni moins explicable, qu’une multitude d’autres phénomènes physiques quand on aura fourni tous ses élémens ; c’est pour exprimer notre pensée d’un mot, l’inconvénient de donner une serrure, sans donner en même temps la clef ; c’est plus piquant, mais c’est moins selon l’esprit de 1a science.

La même matière phosphorescente a été, de la part de M. Daguerre l’objet d’autres observations non moins curieuses, mais d’un ordre moins éloigné des phénomènes physiques connus. Le sulfate da baryte préparé comme nous avons dit s’est montré plus brillant sous un verre bleu que sous un verre blanc ; il y aurait donc dans la lumière des rayons plus favorables les uns que les autres au phénomène de la phosphorescence ? Ce serait un fait nouveau et d’un grand intérêt.

M. BIOT a également rendu compte à l’Académie d’expériences faites sous ses yeux par M. Daguerre au moyen de ses préparations extrêmement sensibles à l’action de la lumière ; il ne s’agit pas ici, bien entendu, de celle qu’emploie M. Daguerre à la confection de ses admirables dessins ; celle-ci est noire, comme on sait, puisque la lumière l’enlève dans les points qu’elle frappe suivant son degré d’intensité, et qu’elle ménage les points protégés par l’ombre des objets dont l’image est projetée au foyer de la chambre noire ; c’est la même le grand mérite de la matière employée par M. Daguerre ; elle lui permet de retracer la nature comme elle est, avec ses teintes et ses demi-teintes en noir ; tandis que dans tous les essais tentés jusqu’ici, et à ce qu’il paraît dans ceux même de M. Talbot à Londres, la préparation employée étant blanche, et susceptible de noircir à la lumière, les parties éclairées se teignent en ombre, et les objets reflétés dans la chambre noire, sa dessinent en blanc sur ce fond noir ; c’est, comme on voit, la nature renversée. Mais la préparation dont se sert M. Daguerre pour obtenir les merveilleux effets qu’il a eu la complaisance d’exposer aux yeux detout Paris, est un secret qu’il doit garder précieusement jusqu’à ce que l’on décidé du sort de sa découverte.

Les expériences, qu’il a répétées avec M. Biot, ne concernent que des concernent que des comprsitions blanches, d’une extrême sensibilité à la lumière, et capables de se colorer rapidement au moindre jour. Ces préparations pouvant rendre de grands services dans plusieurs expériences de physique, M. Daguerre s’empresse d’en faire connaître la composition : Du papier non collé, trempé dans de l’éther muriatique, et bien séché à une douce chaleur, puis trempé, de nouveau dans une dissolution de nitrate d’argent, et mis à sécher dans un endroit obscur, se colore rapidement en noir ou en brun plus ou moins foncé sous l’influence d’une lumière même aussi faible que celle dont nous jouissons pendant ces jours sombres et pluvieux. Cette sorte de papier-réactif acquiert plus ou moins de sensibilité, il prend une teinte plus ou moins foncée diversement mélangée de brun rougeâtre, suivant qu’au lieu d’éther on emploie pour le tremper, diverses autres liqueurs. Lorsque la lumière a produit son effet sur quelques points de sa surface, il suffit de le bien laver pour le soustraire toute action ultérieure de la lumière.

On voit qu’avec un papier semblable on obtiendrait, ainsi que nous l’avons dit, au moyen de la chambre noire, des dessins en blanc sur un fond obscure ; les parties sur lesquelles porterait l’ombre des objets, étant préservées de l’action de la lumière, resteraient blanches, tandis que celles frappées par le jour se coloreraient en noir ou en brun.

Sem comentários:

Enviar um comentário