domingo, 29 de agosto de 2010

1839, 26 de Fevereiro - COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES

1839

26 de Fevereiro

COMPTES RENDUS  DES SÉANCES DE L’ACADÉMIE DES SCIENCES

T. VIII

Nº. 8

Pags. 302, 303, 304, 305

CORRESPONDANCE

Communication de deux lettres de M. Talbot  à M. Biot, contenant l’exposition de son procédé pour faire le sensitive paper.

 

«Dans une lettre que j’avais écrite à M. Talbot, le 13 de ce mois, dit M. Biot, je lui avais témoigné le regret de ce que l’extrait de son Mémoire inséré dans le Nº. 589 de l’Athenæum ne contînt aucune indication spéciale sur le procédé qu’il employait pour la préparation de son sensitive paper, et je lui exprimais combien il serait désirable qu’il voulût le rendre public dans l’intérêt des expérimentateurs. Dimanche, 17, M. Daguerre m’ayant communiqué le moyen qu’il avait trouvé depuis plusieurs années, pour produire un effet analogue, et m’ayant autorisé à en faire part à l’Académie, je me fis un devoir d’informer M. Talbot de cette circonstance, par une lettre écrite le lendemain 18, mais sans l’instruire d’ailleurs de la préparation que M. Daguerre employait. Je reçus alors de M. Talbot les deux lettres suivantes, qui me parvinrent ensemble le samedi 23. Présumant qu’elles pouvaient contenir des communications sur sa découverte, et voulant conserver tous ses droits intacts, je portai ces deux lettres non décachetées, le soir même, à la Société Philomatique, où elles furent ouvertes et paraphées par le président, M. Milne-Edwards. Comme M.Talbot avait bien voulu les mettre à ma libre disposition, je m’empresse de les communiquer textuellement à l’Académie, persuadé quelle ne peut que les accueillir avec le plus grand intérêt. Les voici, telles qu’elles ont été écrites en français, par M. Talbot lui-même.

 

Londres, 20 et 21 février 1839

« Monsieur,

 

» Je m’empresse de répondre à vos deux lettres du 13 et 18 de ce mois, dans la dernière desquelles vous me faites l’honneur de m’informer que M. Daguerre a découvert de son côté un procédé pour faire du papier sensitif.

» Comme il n’y a pas un seul mot dans votre lettre sur la fixation ou conservation subséquente des images ainsi obtenus sur le papier, je dois conclure de là, ou que M. Daguerre ne fait pas usage d’un tel procédé, ou que du moins il n’a pas jugé à propos de le communiquer.

» Je ne sais si M. Daguerre aura mis sous les yeux de l’Académie, dans sa séance de lundi dernier, une série aussi nombreuse et variée de desseins photogéniques exécutés sur papier, que celle que j’ai montrée de mon côté à la Société royale et à l’Institution royale, et aussi long-temps et fraîchement conservée ; mais, quoi qu’il en soit, et quelle que soit d’ailleurs la perfection des procédés, une fois qu’il est reconnu que mes recherches ont été parfaitement indépendantes, je ne me mettrai pas trop en peine qu’on soit arrivé ailleurs à de semblables résultats.

» Pour vous montrer, Monsieur, combien je suis sensible aux sentiments que vous avez bien voulu me témoigner, dictés par l’amour sincère et véritable de la science, je répondrai aux questions que vous m’avez faites, et je vous décrirai nettement ma manière de faire les tableaux  photogéniques ; en vous épargnant les détails minutieux que la pratique fait découvrir, et qui ajoutent quelque chose à la perfection du travail, ainsi qu’à la certitude du succés, sans rien changer au principe essentiel.

» Pour faire ce qu’on peut appeler du papier photogénique ordinaire, je choisis d’abord un papier ferme et de bonne qualité ; je le plonge dans une solution faible de sel ordinaire, et je l’essuie avec un linge pour que le sel soit distribué dans le papier aussi uniformément que possible ; ensuite j’étends sur un côté du papier un solution de nitrate d’argent mêlée de beaucoup d’eau ; je le sèche au feu, et l’on peut s’en servir de suite. En répétant cette expérience de diverses manières, on trouvera qu’il y a une certaine proportion entre la quantité du sel et celle de la solution d’argent, que l’on doit employer de préférence. si l’on augmente la quantité du sel au-delà de ce point, l’effet diminue, et en certains cas, peut même devenir presque nul. Ce papier, si on l’a bien fait, peut servir à grand nombre d’usages photogéniques ordinaires. Rien de plus parfait, par exemple, que les images des feuilles et des fleurs qu’on peut en obtenir avec le soleil de juillet ; la lumière pénétrant à travers les feuilles, en dessine chaque nervure.

» Maintenant, que l’on prenne une feuille de papier ainsi préparé et que l’on étende dessus une solution saturée de sel marin, et qu’on le laisse sécher au feu ; on trouvera alors ordinairement la sensibilité du papier très diminuée, quelquefois même réduite à fort peu de chose ; surtout si on l’a gardé quelques semaines avant d’en faire l’expérience : Mais si l’on y met encore une fois de la solution d’argent, le papier redevient sensible à la lumière et même plus qu’il n’était la première fois. C’est ainsi, en mettant alternativement sur le papier des couches de sel et d’argent, que je parviens à le rendre assez sensible pour pouvoir fixer avec une certaine rapidité les images données par la camera obscura.

« Mais il y a une observation qu’il ne faut pas négliger. Comme on arriverait de cette manière à des résultats tantôt plus tantôt moins satisfaisants, par suite des petites variations accidentelles, on trouve, si l’on répète souvent l’expérience, que parfois le chlorure d’argent ainsi obtenu est disposé à se noircir peu à peu sans être exposé à la lumière. C’est aller trop loin ; mais aussi c’est le but dont il faut s’approcher autant que possible sans l’atteindre tout-à-fait. Ainsi, après avoir préparé un certain nombre de feuilles de papier, avec des proportions chimiques un peu différentes pour chacune, j’en expose des échantillons marqués et numérotés, en même lieu, à une lumière diffuse très faible, pendant un quart d’heure ou une demi-heure. S’il y a entre ces échantillons un quelconque qui montre avoir un avantage marqué sur les autres, comme cela arrive, je choisis le papier avec le numéro correspondant, et je ne manque pas de m’en servir aussitôt que possible après l’avoir préparé.

» Il me reste à vous décrire, Monsieur, les moyens dont je me sers pour fixer les images ainsi obtenues. Après plusieures tentatives infructueuses, le premier moyen qui m’a réussi c’est de laver le dessin avec de l’iodure de potasse mêlé de beaucoup d’eau. Il se forme alors un iodure d’argent qui est tout-à-fait inattaquable par le soleil. Ce procédé, toutefois, exige des précautions, car si l’on fait usage d’une solution trop forte, cela pourrait enlever les parties noires du tableau qu’il faut laisser intactes. Mais on réussira bien en prenant une solution d’une médiocre faiblesse. En faisant usage de ce procédé, j’ai des dessins parfaitement consrvés depuis près de cinq ans, quoique pendant cet intervalle, souvent exposés en plein soleil.

» Mais un moyen plus simple, et duquel je me suis très souvent servi, consiste à plonger les dessins dans une forte solution de sel marin ordinaire, les essuyer légèrement et les sécher. Plus le soleil a été brillant dont on s’est servi pour faire le tableau, plus ce moyen de conservation est efficace ; car alors les parties noires du tableau ne souffrent aucune altération par suite de l’action du sel. Maintenant, si l’on expose le tableau au soleil, les parties blanches prennent assez souvent une teinte lilas clair, puis deviennent insensibles. En porsuivant et répétant ces expériences j’ai trouvé que cette coloration en lilas n’est pas uniforme, et qu’il existe des proportions avec lesquelles elle ne se produit pas ; on obtient alors, si l’on veut des lumières absolument blanches (1) ([i]) .

» Mon excellent ami, sir J. Herschel, m’a communiqué ces jours derniers une méthode très belle de son invention pour la coservation des tableaux photogéniques. Cependant je ne dois point la décrire sans lui en avoir demandé la permission. Je dirai seulement que j’ai répété son expérience avec un plein succès.

» Recevez, etc. 

Signé, H. Fox Talbot,

         membre de la Société royale



([i]) (1) D'après ce qui précède, et d'après la nature même du procédé, il semble que les lumières blanches, dont l'auteur parle, sont celles des parties blanches du dessin photogénique, correspondantes aux parties obscures ou ombrées des objets réels. (Note de M. Biot)

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