2e. Série
59e Année
T. IX
Pag. 92, 93, 94
LES PAYSAGES ANIMES EN PHOTOGRAPHIE
On a souvent parlé d'Art en matière de Photographie, bien, que cette reproduction chimique de la nature ne permette à l'opérateur que le choix du sujet pour le paysage, la pose et l'éclairage du modèle pour le portrait. L'objectif reproduit alors avec sa fidélité brutale et sa perspective particulière tout ce qu'il a devant lui. Le reste ne comprend plus que des manipulations, presque mécaniques, dont des soins minutieux et une grande pratique peuvent assurer le succès, mais dont l'art est totalement exclu.
Jusqu'ici il était du domaine exclusif du dessinateur et du peintre de se soustraire à cette servile copie de la nature en introduisant leur personnalité et leur talent dans son interprétation, et de composer des œuvres où les fonds et les détails accessoires, plus ou moins éteints et sacrifiés, ne servent qu'à mettre en relief le motif principal qui acquiert alors toute sa valeur et toute son importance.
Les Anglais qui, en photographie, nous ont souvent précédés dans la voie des
Paysage animé d’après un nouveau procédé photographique. – Gravure de Clément Bellenger
découvertes, viennent de trouver un procédé dont ils ont gardé jusqu'à présent le secret et qui leur permet de composer des tableaux photographiques où les défauts que nous signalions tout à l'heure, c'est-a-dire la sécheresse du dessin et le manque de plans, sont non seulement atténués, mais disparaissent presque complètement.
Toulefois que nos artistes se rassurent, les temps ne sont pas encore venus, s'ils doivent jamais arriver, où un procédé industriel, quelque habile et ingénieux qu'il soit, puisse remplacer en les réunissant, le talent individuel, l'harmonie de la couleur et le charme de la composition. En attirant l'attention de nos lecteurs sur les curieux résultats obtenus par le procédé anglais, nous n'avons eu d'autre but que de leur signaler une nouvelle conquête de, l'industrie de nos voisins.
La photographie ci-contre habilement interprêtée et rendue par le burin de M. Clément Bellenger fera, mieux que les plus longues descriptions, connaître l'intérêt et le charme de ces paysages animés (c'est le nom qui leur est donné en Angleterre).
Il va sans dire qu'il ne s'agit plus ici d'une épreuve obtenue directement et d'un seul coup. Chacun de ces petits tableaux se compose de plusieurs poses que le procédé anglais atténue ou utilise tour à tour pour produire un tout harmonieux mais où, cependant, les lois de la perspective et de la lumière sont artificiellement respectées.
Qu'on veuille détacher en vigueur des personnages et des animaux sur un paysage d'une infinie profondeur, fouiller un premier plan dans un motif de peu d'étendue, montrer un village ensoleillé à travers les arbres d'une épaisse et sombre futaie, profiler le gréement compliqué des navires sur les maisons et l'horizon d'un port, et même composer de toute piéce le décor qui doit servir de cadre intime à quelques personnages, en un mot, quel que soit le choix du sujet, les résultats sont remarquables. Partout, cependant, le procédé se laisse sentir, rarement on croit l'apercevoir, nulle part on ne peut le saisir.
Mais ce qu'il faut surtout signaler, c'est le charme de ces compositions où tout est à sa place et habilement rendu, c'est la multiplicité des plans qui donne à ces paysages un relief et une profondeur inaccoutumés, c'est l'heureuse sélection d'un motif principal et de ses accessoires, pris ensemble ou séparément, c'est enfin le profond sentiment de la nature qui préside à l'arrangement des diverses parties de ce tout complet.
En France, nous avons essayé, et avec succès, de substituer des ciels, photographiés à part, aux ciels plats et incolores des paysages photographiques, mais que nous sommes loin, encore, de ces curieux résultats. Le procédé doit être simple et pratique cependant, puisque l'industrie l'applique et que le prix de ces épreuves est relativement modéré. Nous espérons qu'il suffira d'attirer sur ce sujet l'attention des chercheurs, pour qu'il nous soit bientôt donné de profiter du progrès réalisé par nos voisins. Ce serait pour les professionnels une ressource, et pour les amateurs un charme de plus que ce pas en avant vers la conquête de l'art en photographie.
S. D.
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