1892, 31 de Maio - LE MAGASIN PITTORESQUE

LE MAGASIN PITTORESQUE
2e. Série
60e Année
T. X
Pag. 166

LA PHOTOGRAPHIE DES COULEURS

Nos lecteurs se rappellent sans doute l'étude complète que nous avons faite de la si remarquable méthode employée par M. Lippmann pour réaliser la photographie des couleurs (1) ([i]).
M. Lippmann a poursuivises expériences et réalisé des progrés considérables; on peut aujourd'hui affirmer que la photographie des objets et des êtres vivants, avec leurs couleurs exactes, est un probléme résolu. Voici en effet, d'après la communication qu'il a faite dernièrement à l'Académie des Sciences, à quels résultats il est parvenu. M. Lippmann a d'abord obtenu des photographies du spectre qui sont extrémêment brillantes, alors que les premières soumises à 1'Académie étaient un peu ternes. Abordant ensuite le problème de la photographie des couleurs composées, c'est-à-dire des couleurs réelles revêtues par les objets qui nous entourent, il a réussi à les reproduire aussi fidèlement et avec autant d'éclat que les couleurs simples du spectre, et il a pu obtenir la photographie d'un disque formé de quatre secteurs de couleurs différentes: rouge, vert, bleu, jaune; puis celle de drapeaux franco-russes: l'écusson rouge se détache nettement au centre de l'aigle russe, et le blanc du drapeau français est absolument net; celle d'un plat d'oranges surmontées d'un pavot; celles d'une perruche aux couleurs les plus variées; enfin celle d'une branche de houx portant ses petites baies rouges, cette dernière épreuve est la plus instructive: on y perçoit les plus infimes détails; les différences de nuances les plus délicates existant entre diverses parties des feuilles; en outre elle n'a pas été obtenue à la lumière électrique ou en plein soleil, mais à la lumière diffuse simplement.
Ainsi M. Lippmann recueille cette double gloire d'avoir inventé la méthode de la photographie des objets colorés, et d'avoir ensuite perfectionné sa méthode au point de la rendre presque pratique. Nous ne doutons pas qu'il saura augmenter encore l'isochromatisme et la sensibilité de ses plaques. Alors sera résolu définitivement le problème de la photograhie des couleurs et M. Lippmann aura doté la science d'une des plus merveilleuses découvertes qu'ait vues le dix-neuvième siècle qui en a déja tant vu.
([i]) (1) Voir année 1891, pag 102.