Comptes Rendus des Séances de L'Académie des Sciences
Juillet-Décembre
T. CXVII
Nº. 5
Pag. 286, 287, 288, 289
*
ZOOLOGIE. - Sur la Photographie sous-marine. Note de M. Louis Boutan, présentée par M. de Lacaze-Duthiers.
« L'outillage zoologique du laboratoire Arago s'est beaucoup enrichi dans ces dernières années. Grâce à la présence du vapeur qui permet d'évoluer dans la baie, même par les temps les plus calmes, grâce aussi au scaphandre dont les marins pratiquent la manœuvre depuis plusieurs années, j'ai pu tenter mes premiers essais de photographie sous-marine. M. de Lacaze-Duthiers m'ayant encouragé dans cette voie nouvelle, nous avons fait établir les appareils nécessaires pour impressionner des plaques sensibles au fond de la mer (1) ([i]).
« Sans entrer dans le détail des appareils employés, nous nous contenterons d'en indiquer le principe.
« Un appareil photographique quelconque, de préférence cependant, un de ces petits appareils à déclenchement qui permettent d'obtenir successivement plusieurs clichés et qui sont toujours au point partir d'une distance donnée, est enfermé dans une boîte en métal ayant la forme d'un parallélépipède rectangle. Des lunettes formées par des verres plans enchâssés dans des bagues en cuivre sont disposées sur chacune des faces de l'appareil et correspondent aux viseurs et à l'objectif. Deux manettes placées a l'extérieur pénètrent par l'intermédiaire de presse-étoupes dans l'intérieur de la boîte et actionnent l'obturateur et le déclencheur des plaques.
« La boite en métal est rendue étanche à l'aide de rondelles de caoutchouc; un ballon compensateur, fixé dans sa partie supérieure, atténue les différences de pression, en diminuant de volume quand la pression augmente l'extérieur.
» Voila l'appareil photo-sous-marin constitué; pour le compléter, il faut y joindre un pied robuste et des poids qui donnent de la stabilité au système tout entier, quand il repose sur le fond.
« Dans quelques cas, il est nécessaire d'ajouter un appareil d'éclairage spécial pour remplacer la lumière directe du soleil. La première lampe que j'ai utilisée avait été construite et combinée par un ingénieur électricien, M. Chaufour; nous l'avons modifiée et transformée sur place, avec l'aide du mécanicien du laboratoire Arago, de la manière suivante:
« Une lampe à alcool, allumée hors de l'eau, est placée à la partie supérieure d'un tonneau d'une capacité de 200lit environ (réservoir d'oxygène). Elle est protégée par une couche en verre, qui constitue le globe de la lampe et qui est solidement fixée au tonneau. En face de la lampe, on dispose un tube, en communication avec un réservoir rempli de poudre de
magnésium; ce tube communique aussi avec un ballon de caoutcthoue placé en dehors du tonneau et qui joue le rôle d'un soufflet.
» Quand l'appareil est immergé, il suffit de presser plusieurs fois sur le ballon pour obtenir un courant de gaz et projeter dans la flamme de la lampe la poudre de magnésium qui achèvc de brûler sur un écran convenablement disposé. On peut brûder ainsi environ 3gr de magnésium.
» Si l'on opère près du rivage, par 1m de profondeur, par exemple, on peut immerger l'appareil sans s'immcrger soi-même et obtenir cependant des épreuves satisfaisantes, aprés des poses d'une dizaine de minutes, par lumière directe.
» Si l'on veut opérer par grands fonds, il faut descendre en scaphandre pour installer convenablement l'appareil photographique et viser le paysage choisi. Dans ce cas, en opérant à la lumière directe, même par grand soleil, la pose doit durer environ trente minutes, par des fonds de 6m à 7m.
« Il me paraît indispensable, dans ces conditions, pour obtenir une image nette, d'interposer entre l'objectif et le milieu eau des verres colores. Tous les clichés satisfaisants ont été impressionnes, un verre bleu étant placé en avant de la lunettte. Un calme absolu est d'ailleurs nécessaire pour obtenir de bonnes épreuves.
» Cet inconvénient est supprimé quand on utilise la lampe au magnésium. J'ai pu me procurer des épreuves instantanées suffisantes, pendant un violent orage qui remuait le fond et par un temps sombre et obscur.
« Le défaut général des clichés obtenus consiste dans leur peu de profondeur; les arrière-plans sont presque toujours à peine indiqués. Ce défaut sera, je crois, facile à corriger et me paraît resulter de l'imperfection de l'appareil photographique que j'ai utilisé.
» Pour obtenir une image nette, j'étais obligé de placer un diaphragme très petit en avant de l'objectif: on pourrait remédier à cet inconvénient en calculant un objectif qui serait baigné en avant par le milieu spécial, l'eau de mer.
« En résumé, je crois avoir réussi à prouver :
« 1º Que l'on peut prendre aisément, à la lumière directe du soleil, des photographies du fond de la mer à une faible profondeur (1m à 2m), sans que l'opérateur soit obligé de s'immerger lui-même complètement;
» 2º Que l'on peut obtenir des clichés a la lumière directe du soleil par des fonds de 5m à 7m, en allant placer l'appareil au fond de la mer à l'aide du scaphandre et en l'y laissant séjourner de trente à cinquante minutes;
« 3º Que l'on peut, a l'aide d'une source lumineuse artificielle (magnesium), prendre des vues photographiques instantanées, à une profondeur quelconque, la limite maximum dépendant uniquement de la profondeur maximum que peut atteindre le scaphandrier. «
([i]) (1) Le plan de l'appareil a été donné par mon frère, M. A. Boutan, ingénieur des Arts et Manufactures.
Juillet-Décembre
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ZOOLOGIE. - Sur la Photographie sous-marine. Note de M. Louis Boutan, présentée par M. de Lacaze-Duthiers.
« L'outillage zoologique du laboratoire Arago s'est beaucoup enrichi dans ces dernières années. Grâce à la présence du vapeur qui permet d'évoluer dans la baie, même par les temps les plus calmes, grâce aussi au scaphandre dont les marins pratiquent la manœuvre depuis plusieurs années, j'ai pu tenter mes premiers essais de photographie sous-marine. M. de Lacaze-Duthiers m'ayant encouragé dans cette voie nouvelle, nous avons fait établir les appareils nécessaires pour impressionner des plaques sensibles au fond de la mer (1) ([i]).
« Sans entrer dans le détail des appareils employés, nous nous contenterons d'en indiquer le principe.
« Un appareil photographique quelconque, de préférence cependant, un de ces petits appareils à déclenchement qui permettent d'obtenir successivement plusieurs clichés et qui sont toujours au point partir d'une distance donnée, est enfermé dans une boîte en métal ayant la forme d'un parallélépipède rectangle. Des lunettes formées par des verres plans enchâssés dans des bagues en cuivre sont disposées sur chacune des faces de l'appareil et correspondent aux viseurs et à l'objectif. Deux manettes placées a l'extérieur pénètrent par l'intermédiaire de presse-étoupes dans l'intérieur de la boîte et actionnent l'obturateur et le déclencheur des plaques.
« La boite en métal est rendue étanche à l'aide de rondelles de caoutchouc; un ballon compensateur, fixé dans sa partie supérieure, atténue les différences de pression, en diminuant de volume quand la pression augmente l'extérieur.
» Voila l'appareil photo-sous-marin constitué; pour le compléter, il faut y joindre un pied robuste et des poids qui donnent de la stabilité au système tout entier, quand il repose sur le fond.
« Dans quelques cas, il est nécessaire d'ajouter un appareil d'éclairage spécial pour remplacer la lumière directe du soleil. La première lampe que j'ai utilisée avait été construite et combinée par un ingénieur électricien, M. Chaufour; nous l'avons modifiée et transformée sur place, avec l'aide du mécanicien du laboratoire Arago, de la manière suivante:
« Une lampe à alcool, allumée hors de l'eau, est placée à la partie supérieure d'un tonneau d'une capacité de 200lit environ (réservoir d'oxygène). Elle est protégée par une couche en verre, qui constitue le globe de la lampe et qui est solidement fixée au tonneau. En face de la lampe, on dispose un tube, en communication avec un réservoir rempli de poudre de
magnésium; ce tube communique aussi avec un ballon de caoutcthoue placé en dehors du tonneau et qui joue le rôle d'un soufflet.
» Quand l'appareil est immergé, il suffit de presser plusieurs fois sur le ballon pour obtenir un courant de gaz et projeter dans la flamme de la lampe la poudre de magnésium qui achèvc de brûler sur un écran convenablement disposé. On peut brûder ainsi environ 3gr de magnésium.
» Si l'on opère près du rivage, par 1m de profondeur, par exemple, on peut immerger l'appareil sans s'immcrger soi-même et obtenir cependant des épreuves satisfaisantes, aprés des poses d'une dizaine de minutes, par lumière directe.
» Si l'on veut opérer par grands fonds, il faut descendre en scaphandre pour installer convenablement l'appareil photographique et viser le paysage choisi. Dans ce cas, en opérant à la lumière directe, même par grand soleil, la pose doit durer environ trente minutes, par des fonds de 6m à 7m.
« Il me paraît indispensable, dans ces conditions, pour obtenir une image nette, d'interposer entre l'objectif et le milieu eau des verres colores. Tous les clichés satisfaisants ont été impressionnes, un verre bleu étant placé en avant de la lunettte. Un calme absolu est d'ailleurs nécessaire pour obtenir de bonnes épreuves.
» Cet inconvénient est supprimé quand on utilise la lampe au magnésium. J'ai pu me procurer des épreuves instantanées suffisantes, pendant un violent orage qui remuait le fond et par un temps sombre et obscur.
« Le défaut général des clichés obtenus consiste dans leur peu de profondeur; les arrière-plans sont presque toujours à peine indiqués. Ce défaut sera, je crois, facile à corriger et me paraît resulter de l'imperfection de l'appareil photographique que j'ai utilisé.
» Pour obtenir une image nette, j'étais obligé de placer un diaphragme très petit en avant de l'objectif: on pourrait remédier à cet inconvénient en calculant un objectif qui serait baigné en avant par le milieu spécial, l'eau de mer.
« En résumé, je crois avoir réussi à prouver :
« 1º Que l'on peut prendre aisément, à la lumière directe du soleil, des photographies du fond de la mer à une faible profondeur (1m à 2m), sans que l'opérateur soit obligé de s'immerger lui-même complètement;
» 2º Que l'on peut obtenir des clichés a la lumière directe du soleil par des fonds de 5m à 7m, en allant placer l'appareil au fond de la mer à l'aide du scaphandre et en l'y laissant séjourner de trente à cinquante minutes;
« 3º Que l'on peut, a l'aide d'une source lumineuse artificielle (magnesium), prendre des vues photographiques instantanées, à une profondeur quelconque, la limite maximum dépendant uniquement de la profondeur maximum que peut atteindre le scaphandrier. «
([i]) (1) Le plan de l'appareil a été donné par mon frère, M. A. Boutan, ingénieur des Arts et Manufactures.
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