sexta-feira, 13 de março de 2009

1894, 10 de Dezembro - Compte Rendu des Séances de L’Académie des Sciences

Comptes Rendus des Séances de L'Académie des Sciences
Juillet-Décembre
T. CXIX
Nº. 24
Pag. 981, 982, 983
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TOPOGRAPHIE. -Reconnaissance faite à l'aide de la Photographie, pour la délimitalion de la frontière entre l'Alaska et la Colombie britannique. Note de M. Laussedat.

« J'ai eu l'honneur, il y a deux ans, d'entretenir l'Académie des résultats remarquables obtenus par le service topographique du Canada, en appliquant la méthode photographique à la construction de la Carte d'une partie des Montagnes Rocheuses traversée par le chemin de fer du Pacifique.
» Tout récemment, la question de la délimitation de l'Alaska, cédé aux États-Unis par la Russie, et de la Colombie britannique, a fourni aux ingénieurs canadiens une nouvelle occasion de démontrer la très grande supériorité de cette méthode sur toutes les autres dans des circonstances particulièrement difficiles.
« Il avait été convenu entre les membres de la Commission mixte que les opérateurs de la section des États-Unis se chargeraient de relever la côte, tandis que ceux de la section canadienne reconnaîtraient l'intérieur du pays jusqu'a la distance de dix lieues marines, c'est-à-dire plus de 55km. Cette répartition du travail s'imposait, pour ainsi dire, les ingénieurs des États-Unis n'étant pas familiarisés avec le nouveau procédé auquel on prévoyait qu'il faudrait nécessairement recourir dans une région couverte de glaciers et de champs de neige.
» Le nombre des opérateurs canadiens exercés était pourtant jusqu'alors très limité, mais M. Mac-Arthur, qui, sous la direction de l'arpenteur général M. E. Deville, avait si complètement réussi dans les Montagnes Rocheuses, parvint aisément à en former de nouveaux qui furent initiés en un mois à la pratique de la méthode et des instruments et aux principes de la Photographie. Sept brigades, composées chacune d'un opérateur en titre et de cinq aides, auxquels vinrent s'adjoindre un officier et un assistant américains, se trouvèrent prêtes à entrer en campagne en mai 1893.
« Les côtes de l'Alaska sont profondément découpées et forment une foule de golfes ou de fiords dont les bords abrupts servent de bases à des montagnes très élevées, sans cesse couvertes de neige, avec un climat extrêmêment pluvieux en été.
» Les sept brigades, réparties le long de la côte, étaient pourvues de canots au moyen desquels elles pénétraient au fond des fiords aussi loin que possible. Il ne leur fallait pas moins transporter encore les instruments et les provisions à de grandes distances, à travers les glaciers et les névés. Souvent la pluie tombait pendant dix jours de suite et, du campement établi au pied de la montagne, il fallait guetter les moments où le ciel paraissait vouloir se découvrir. Il arrivait parfois que, partis à 2h du matin et après avoir fait péniblement une ascension de six à sept heures de durée, les opérateurs se trouvaient encore au milieu du brouillard, passaient toute la journée à attendre une éclaircie et se voyaient obligés de descendre sans avoir rien fait.
« Quand, par miracle, les nuages se dissipaient et laissaient apercevoir le paysage, même pendant un temps très court, on en profitait pour prendre à la hâte quelques vues et pour faire les observations angulaires strictement nécessaires; puis le brouillard revenait, et il fallait attendre qu'il s'élevât de nouveau pour continuer.
« Après bien des heures ainsi passées à endurer le froid à des hauteurs de 1200m à 2000m et plus, et par des latitudes de 55º à 60°, on parvenait, dans certains cas, à compléter les observations, mais d'autres fois on était obligé de regagner le campement pour y attendre des circonstances plus favorables.
« On conçoit que la Photographie seule ait permis de triompher de tant d'obstacles et, en effet, les délégués américains qui accompagnaient les brigades avec leurs planchettes ne purent à peu prés rien faire sauf pendant quelques journées exceptionnellement belles. Au contraire, à l'aide de leurs appareils, les opérateurs canadiens recueillaient, souvent en quelques minutes, pour la construction d'une carte répondant à l'objet que l'on se proposait, plus d'éléments que l'on en eût pu obtenir par toute autre méthode, en y consacrant des semaines entières. Cela équivaut à dire que, sans la Photographie, l'opération de la délimitation projetée eût été impraticable.
» Voici, au surplus, quelques détails précis que nous empruntons, comme la plupart d'ailleurs des renseignements précédents, à une Note qu'a bien voulu nous faire parvenir M. Mac-Arthur par l'entremise obligeante de M. E. Deville.
» En 1893, il y a eu, en tout, vingt jours où il a été possible de travailler. Pendant ce temps, morcelé comme on peut à peine l'imaginer, M. Mac-Arthur est parvenu à occuper 70 stations, il a exposé 108 plaques représentant un terrain dont la surface dépassait 3000kmq.
» Les autres brigades, composées d'opérateurs moins exercés, ont cependant reconnu chacune de 12 à 1300kmq.
« En 1894,la saison ayant été plus favorable et grace à l'expérience acquise, M. Mac-Arthur a pu explorer une surface de plus de 5000kmq, en faisant 24 ascensions et en exposant 275 plaques. Chacune des six autres brigades a reconnu, de son côté, en moyenne 3000kmq, ce qui fait en tout 23000kmq pour la campagne de 1894. Il est bien entendu toutefois que ce travail de reconnaissance ne doit pas être comparé au lever détaillé effectué de 1888 à 1892 dans les Montagnes-Rocheuses, mais il parait devoir amplement suffire aux besoins de la Commission de délimitation.
« Il n'est pas sans intérêt de savoir qu'au cours de cette exploration des Alpes de l'Alaska, qui forment une chaîne très élevée parallèle à la côte, on a reconnu que le mont Elie, qui lui donne son nom, parce qu'il en avait été jusque là considéré comme le point le plus élevé, est dominé par un autre pic, le mont Logan, dont l'altitude est de près de 6000m (5947m), tandis que celle du mont Elie n'est que de 5520m; enfin on a aussi constaté qu'un troisième pic, le mont Fairweather, dépasse encore notre mont Blanc et atteint l'altitude de 4940m.
« Pour faire apprécier toute l'importance de cette belle application de la méthode photographique, il convient d'ajouter que, chaque année, les ingénieurs canadiens ont été obligés de parcourir plus de 11000km pour se rendre sur le théâtre des opérations et pour rentrer à Ottawa, où s'exécute le travail de rédaction de la Carte sur des épreuves rapportées de si loin. »

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