1871
30 de Outubro
Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences
T. LXXIII
Nº. 18
Pag. 1017, 1018, 1019, 1020
30 de Outubro
Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences
T. LXXIII
Nº. 18
Pag. 1017, 1018, 1019, 1020
*
« M. LE Secrétaire Perpétuel se rend l’interprète de la pensée de quelques Membres de l’Académie qui, ayant assisté à la derniere séance publique, craignent d’avoir donné, par leur présence, une sorte de sanction à l’opinion émise par celui de nos confrères qui a pris la parole, avec un succès si populaire, au nom de l’Académie française. Ils auraient voulu que la part qu’il a faite à Daguerre dans l’invention de la photographie fut moins absolue, et, sans méconnaître ce qui est dû à l’artiste, ils auraient souhaité que le savant, que Nicéphore Niepce, fût aussi mis à la place à laquelle ses travaux et son génie lui donnent un droit incontestable, comme premier inventeur. »
M. Chevreul, après avoir entendu les observations présentées par M. Dumas, s’exprime comme il suit :
« J’éprouve une grande satisfaction des sentiments que vient d’exprimer M. le Secrétaire perpétuel, parce qu’ils m’ont affecté comme lui, dans la séance publique des cinq Académies, en entendant la lecture de M. Legouvé. Plus elle a charmé l’auditoire, par la finesse de l’observation des moeurs du jour et par le piquant des réflexions qu’elle avait suscitées à l’auteur, et plus mes regrets étaient vifs d’entendre, au sein de l’Institut de France, proclamer Daguerre l’inventeur de la photographie, regrets augmentés encore lorsque M. Legouvé critiquait si justement l’opinion d’un public ignorant qui admirait Améric Vespuce, comme si Christophe Colomb ne l’eût pas précédé dans le Nouveau-Monde !
« En me rappelant l’union si rare des deux frères Niepce: de Nicéphore, le véritable auteur de la photographie ou plus correctement de l’héliographie, avec Claude son aîné, j’étais profondément touché; je me représentais Claude mourant après dix ans de séjour en Angleterre, heureux, non de la fortune qui lui fut toujours contraire, du moins de l’illusion où il était d’avoir découvert le mouvement perpétuel, tandis que Nicéphore, dans la maison de campagne de son pére et loin de Paris, travaillait sans cesse, depuis 1814, à la découverte qu’il entrevoyait d’un moyen de fixer sur un métal l’image des objets terrestres que la lumière du soleil peignait dans une chambre obscure. ET CETTE DÉCOUVERTE IL L'A FAITE!
« Mais que de peines ! que de fatigues ! que de déceptions ! Mais le feu sacré de l’invention, il l’avait: il réussit! En lisant des lettres écrites de cette campagne, ou de Châlon-sur-Saône, à son frére Claude, qui était à Paris ou en Angleterre, on voit les obstacles de tout genre qu’il a dû surmonter en même temps qu’on admire la justesse de ses idées; car il voyait d’une maniére précise les conditions à remplir pour atteindre le but que sans cesse il avait devant les yeux. C’est dans cette correspondance, dont le public doit la connaissance, depuis 1867, à M. Victor Fouque, le compatriote et l’historien de Nicéphore et de sa famille, qu'on peut apprécier si mes réflexions sont fondées. Plusieurs de ces lettres sont d’un grand intérêt, par exemple celles où il rend compte à son frère d’expériences faites sur le phosphore employé comme matière sensible: s’il n’obtint pas le résultat qu’il en attendait, ces expériences témoignent de son grand sens et de la justesse de ses connaissances relativement aux deux états dits allotropiques du phosphore, bien connus aujourd’hui depuis les travaux de M. Scroeffer, de Vienne. Eh bien ! les expériences dont je parle remontent à l’année1817; Nicéphore apprend que le phosphore exposé à la lumière devient rouge, et dès lors il espére qu’une plaque métallique sur laquelle il aura étendu une couche mince de phosphore exposé dans la chambre noire au soleil deviendra rouge en perdant son inflammabilité, et qu’en enlevant ensuite le phosphore non insolé resté blanc et combustible, il obtiendra une image rouge.
« Si je n’avais pas professé à Lyon (en 1842 et 1843) le contraste simultané des couleurs, phénomène de vision dont aucun de nos autres sens ne présente l’analogue; si alors je n’avais pas fait une étude approfondie des effets optiques des étoffes de soie, dont la théorie a été publiée aux frais de la chambre de Commerce de Lyon, j’aurais été incapable d’apprécier une difficulté que Nicéphore rencontra dans ses expériences, et dont alors il ne pouvait reconnaître la cause: cette difficulté tenait à ce que les clairs de l’image ne se distinguaient pas toujours facilement des clairs du métal en dehors de l’image. Cet effet est simple pour celui qui sait pourquoi un dessin exécuté en soie avec l’armure-taffetas apparaît sur un fond exécuté avec l’armure-satin, tantôt clair et tantôt foncé, suivant la position du spectateur; mais Nicéphore ignorait cette cause ainsi que Daguerre.
« En proclamant l’esprit d’invention, le génie même que je reconnais à Nicéphore Niepce, et en ne doutant pas que Niepce de Saint-Victor, cet officier autant dévoué à ses devoirs militaires que modeste et désintéressé, tenait aussi de l’esprit de son oncle, je ne méconnaîtrai pas le mérite de Daguerre; s’il eût des torts après la mort de Nicéphore, ce n’est point un motif pour lui refuser le don de l’invention ! Certes, l’oeuvre du diorama n’est pas le fait d’un artiste vulgaire, et tout en reconnaissant que les découvertes de Nicéphore avaient bien déblayé la voie qui conduisit à la découverte du daguerréotype, cependant je reconnais que l’auteur du diorama eut l’heureuse idée d’employer l’argent iodé comme matière sensible, et qu’au moyen de la vapeur de mercure à 60 degrés il parvint il faire naitre sur la plaque d’argent insolée une image permanente, après avoir détruit, par l’eau de chlorure de sodium ou d’hyposulfite de soude, la cause qui rendait l’argent non insolé sensible à la lumière.
« Je me propose de revenir en détail, non sur les travaux dont l’héliographie et la photographie ont été l’objet, mais sur les faits principaux, et particulièrement sur les recherches de Niepce de Saint-Victor.
« Je me plais à croire que les circonstances actuelles ne sont point d’éfavorables à l’histoire des découvertes, et que l’Académie des Sciences de l’Institut de France, plus que toute autre, doit vouloir que justice soit rendue aux hommes dont les travaux ont réellement reculé les bornes des connaissances humaines.
» En définitive, si on alléguait contre Nicéphore Niepce que le daguerréotype a été pratiqué, avec le succès connu detous, à une époque où le public n’avait pour ainsi dire rien su de l’héliographie, nous dirions qu’aujourd’hui c’est la photographie sur papier qui remplace absolument la plaque métallique daguerrienne, et on peut ajouter que l’héliographie a fait des progrès sensibles, grâce surtout aux découvertes de Niepce de Saint-Victor. »
« M. LE Général Morin, à l’occasion des observations de M. le Secrétaire perpétuel et de M. Chevreul, croit devoir dire qu’il en avait soumis d’analogues, à la Commission des lectures préparées pour la seance des cinq Académies. Dans son opinion, fondée sur les communications antérieures de M. Chevreul, on peut dire, en empruntant une expression de 1’éminent confrére qui a charmé le public par sa Note sur la photographie, que Daguerre a été 1’Améric Vespuce de cet art, dont Niepce était le Christophe Colomb. «
« M. LE Secrétaire Perpétuel se rend l’interprète de la pensée de quelques Membres de l’Académie qui, ayant assisté à la derniere séance publique, craignent d’avoir donné, par leur présence, une sorte de sanction à l’opinion émise par celui de nos confrères qui a pris la parole, avec un succès si populaire, au nom de l’Académie française. Ils auraient voulu que la part qu’il a faite à Daguerre dans l’invention de la photographie fut moins absolue, et, sans méconnaître ce qui est dû à l’artiste, ils auraient souhaité que le savant, que Nicéphore Niepce, fût aussi mis à la place à laquelle ses travaux et son génie lui donnent un droit incontestable, comme premier inventeur. »
M. Chevreul, après avoir entendu les observations présentées par M. Dumas, s’exprime comme il suit :
« J’éprouve une grande satisfaction des sentiments que vient d’exprimer M. le Secrétaire perpétuel, parce qu’ils m’ont affecté comme lui, dans la séance publique des cinq Académies, en entendant la lecture de M. Legouvé. Plus elle a charmé l’auditoire, par la finesse de l’observation des moeurs du jour et par le piquant des réflexions qu’elle avait suscitées à l’auteur, et plus mes regrets étaient vifs d’entendre, au sein de l’Institut de France, proclamer Daguerre l’inventeur de la photographie, regrets augmentés encore lorsque M. Legouvé critiquait si justement l’opinion d’un public ignorant qui admirait Améric Vespuce, comme si Christophe Colomb ne l’eût pas précédé dans le Nouveau-Monde !
« En me rappelant l’union si rare des deux frères Niepce: de Nicéphore, le véritable auteur de la photographie ou plus correctement de l’héliographie, avec Claude son aîné, j’étais profondément touché; je me représentais Claude mourant après dix ans de séjour en Angleterre, heureux, non de la fortune qui lui fut toujours contraire, du moins de l’illusion où il était d’avoir découvert le mouvement perpétuel, tandis que Nicéphore, dans la maison de campagne de son pére et loin de Paris, travaillait sans cesse, depuis 1814, à la découverte qu’il entrevoyait d’un moyen de fixer sur un métal l’image des objets terrestres que la lumière du soleil peignait dans une chambre obscure. ET CETTE DÉCOUVERTE IL L'A FAITE!
« Mais que de peines ! que de fatigues ! que de déceptions ! Mais le feu sacré de l’invention, il l’avait: il réussit! En lisant des lettres écrites de cette campagne, ou de Châlon-sur-Saône, à son frére Claude, qui était à Paris ou en Angleterre, on voit les obstacles de tout genre qu’il a dû surmonter en même temps qu’on admire la justesse de ses idées; car il voyait d’une maniére précise les conditions à remplir pour atteindre le but que sans cesse il avait devant les yeux. C’est dans cette correspondance, dont le public doit la connaissance, depuis 1867, à M. Victor Fouque, le compatriote et l’historien de Nicéphore et de sa famille, qu'on peut apprécier si mes réflexions sont fondées. Plusieurs de ces lettres sont d’un grand intérêt, par exemple celles où il rend compte à son frère d’expériences faites sur le phosphore employé comme matière sensible: s’il n’obtint pas le résultat qu’il en attendait, ces expériences témoignent de son grand sens et de la justesse de ses connaissances relativement aux deux états dits allotropiques du phosphore, bien connus aujourd’hui depuis les travaux de M. Scroeffer, de Vienne. Eh bien ! les expériences dont je parle remontent à l’année1817; Nicéphore apprend que le phosphore exposé à la lumière devient rouge, et dès lors il espére qu’une plaque métallique sur laquelle il aura étendu une couche mince de phosphore exposé dans la chambre noire au soleil deviendra rouge en perdant son inflammabilité, et qu’en enlevant ensuite le phosphore non insolé resté blanc et combustible, il obtiendra une image rouge.
« Si je n’avais pas professé à Lyon (en 1842 et 1843) le contraste simultané des couleurs, phénomène de vision dont aucun de nos autres sens ne présente l’analogue; si alors je n’avais pas fait une étude approfondie des effets optiques des étoffes de soie, dont la théorie a été publiée aux frais de la chambre de Commerce de Lyon, j’aurais été incapable d’apprécier une difficulté que Nicéphore rencontra dans ses expériences, et dont alors il ne pouvait reconnaître la cause: cette difficulté tenait à ce que les clairs de l’image ne se distinguaient pas toujours facilement des clairs du métal en dehors de l’image. Cet effet est simple pour celui qui sait pourquoi un dessin exécuté en soie avec l’armure-taffetas apparaît sur un fond exécuté avec l’armure-satin, tantôt clair et tantôt foncé, suivant la position du spectateur; mais Nicéphore ignorait cette cause ainsi que Daguerre.
« En proclamant l’esprit d’invention, le génie même que je reconnais à Nicéphore Niepce, et en ne doutant pas que Niepce de Saint-Victor, cet officier autant dévoué à ses devoirs militaires que modeste et désintéressé, tenait aussi de l’esprit de son oncle, je ne méconnaîtrai pas le mérite de Daguerre; s’il eût des torts après la mort de Nicéphore, ce n’est point un motif pour lui refuser le don de l’invention ! Certes, l’oeuvre du diorama n’est pas le fait d’un artiste vulgaire, et tout en reconnaissant que les découvertes de Nicéphore avaient bien déblayé la voie qui conduisit à la découverte du daguerréotype, cependant je reconnais que l’auteur du diorama eut l’heureuse idée d’employer l’argent iodé comme matière sensible, et qu’au moyen de la vapeur de mercure à 60 degrés il parvint il faire naitre sur la plaque d’argent insolée une image permanente, après avoir détruit, par l’eau de chlorure de sodium ou d’hyposulfite de soude, la cause qui rendait l’argent non insolé sensible à la lumière.
« Je me propose de revenir en détail, non sur les travaux dont l’héliographie et la photographie ont été l’objet, mais sur les faits principaux, et particulièrement sur les recherches de Niepce de Saint-Victor.
« Je me plais à croire que les circonstances actuelles ne sont point d’éfavorables à l’histoire des découvertes, et que l’Académie des Sciences de l’Institut de France, plus que toute autre, doit vouloir que justice soit rendue aux hommes dont les travaux ont réellement reculé les bornes des connaissances humaines.
» En définitive, si on alléguait contre Nicéphore Niepce que le daguerréotype a été pratiqué, avec le succès connu detous, à une époque où le public n’avait pour ainsi dire rien su de l’héliographie, nous dirions qu’aujourd’hui c’est la photographie sur papier qui remplace absolument la plaque métallique daguerrienne, et on peut ajouter que l’héliographie a fait des progrès sensibles, grâce surtout aux découvertes de Niepce de Saint-Victor. »
« M. LE Général Morin, à l’occasion des observations de M. le Secrétaire perpétuel et de M. Chevreul, croit devoir dire qu’il en avait soumis d’analogues, à la Commission des lectures préparées pour la seance des cinq Académies. Dans son opinion, fondée sur les communications antérieures de M. Chevreul, on peut dire, en empruntant une expression de 1’éminent confrére qui a charmé le public par sa Note sur la photographie, que Daguerre a été 1’Améric Vespuce de cet art, dont Niepce était le Christophe Colomb. «
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