JOURNAL DES ARTS DES SCIENCES ET DES LETTRES
Nº 1
Pags. 7-8
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La photographie est devenue un art nouveau: on a trouvé le moyen de substituer le papier à la plaque métallique et d'éviter ainsi le miroitage de celle-ci. Le papier, imprégné de sels d'argent, reçoit et retient l'image ; mais cette image est négative, c'est-à-dire que les blancs sont à la place des noirs, et réciproquement. Talbot eut l'idée de se servir de cette image négative comme d'une matrice, pour obtenir, par simple application sur un autre papier sensible, une suite indéfinie d'épreuves avec redressement des teintes. Pour cela il suffit de rendre transparente l'épreuve négative à l'aide d'une couche de cire, puis de l'appuyer sur le papier sensible, ce qui se fait à l'aide d'une glace passant sur l'épreuve, et, enfin, d'exposer le tout au soleil. On obtient ainsi deux à trois cents épreuves.
M. Martin, de Versailles, est parvenu à rendre sensible à l'action de la lumièreun vernis dont il recouvrait les planches d'acier ou de cuivre des graveurs; on peut recevoir alors directement sur la planche le dessin photographique, et l'artiste n'a plus ensuite qu'à graver en suivant le trait.
On a été plus loin: MM. Niepce, de Saint-Victor et Talbot, après de nouveaux essais, ont réussi à obtenir, en peu de minutes, des gravures exécutées sur la planche, directement part l'action même de la lumière, qui fait à la fois ainsi l'office du dessinateur et le travail du graveur.
Les procédés à l'aide desquels on peut multiplier les épreuves photographiques ont déjà produit d'importantes collections en France.
MM. Louis Rousseau et Déveria ont fait paraître, en août 1853, la première livraison de la Photographie zoographique, ou reproduction des animaux rares du Muséum d'histoire naturelle. Tous les plus petits détails y sont reproduits.
MM. Bisson frères ont reproduit des vues de Paris; M. le comte Aguado a donné une collection du Berry; M. Baldus celle de l'Auvergne. La Commission des Monuments historiques a chargé plusieurs photographes habiles de missions pour copier des ruines et des monuments importants. M. Bayard, auquel la photographie doit quelques progrès, a exécuté des copies de statues et de bas-reliefs pleins d'effets et de vérité. Dans une série d'épreuves, MM. Baldus et Marville ont réuni des sculptures du Louvre et de Versailles. M. Benjamin Delessert a montré tout le parti qu'on pouvait tirer de la photographie pour reproduire des estampes rares et précieuses, en donnant celles des gravures de Marc-Antoine Raimondi qu'il possède, et en complétant l'oeuvre du célèbre graveur bolonais par ses recherches. L'oeuvre de Rembrand nous a été donnée par MM. Bisson frères.
D'intelligents photographes ont su appliquer ces procédés à la reproduction des tableaux. M. Bayard a fait des copies d'après M. Guet, et M. Baldus celle de la Mort de François d'Assise, tableau de M. Léon Bénouville, du Buveur de bière de M. Meissonnier et d'un paysage de M. Mercey. Enfin, M. Lesecq a exécuté récemment une série d'épreuves de tableaux estimés.
Les sciences doivent tirer un grand avantage de la photographie. Dans les épreuves microscopiques de Bertsch on voit des détails imperceptibles à l'œil, tels que le duvet qui recouvre les pattes d'une puce; et l'on peut compter toutes les divisions de l'oeil multiple d'une mouche.
M. le comte de Montizon a obtenu à Londres d'admirables épreuves d'après les animaux vivants du Zoological de Garden. MM. Disderi et Baldus ont photographié avec adresse divers animaux au dernier Concours agronomique du Champ-de-Mars, dont ils ont rendu, non-seulement les plus petits détails, mais encore la physionomie et l'attitude particulières.
Les explorateurs des contrées lointaines trouvent dans la photographie un moyen nouveau de rapporter les vues des sites et des monuments qu'ils remarquent; l'appareil photographique, plus simple aujourd'hui, leur donne un résultat aussi prompt qu'exact. Ainsi, MM. le baron Gros et Tafferau en ont tiré un heureux parti, le premier en Orient, le second au Mexique.
Il est à remarquer que dans les récentes épreuves, le travail photographique se fait par le moyen de la lumière elle-même sur la planche d'acier ou de cuivre, procédé expéditif, sûr, et qui n'exige que quelques retouches.
Nous ajouterons qu'une association d'artistes photographiques s'est formée à Paris, sous le titre de Société française de photographie, dans le but de contribuer au progrès de cet art.
GUYOT DE FERE
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