1 de Abril
L’ARTISTE
Ser. 5 – T. 12
Pag. 78
POÉSIE
DAGUERRE
La nature est toujours complice du génie:
Elle enseigne aux élus la grâce et l'harmornie;
Elle excite pour vous, musiciens errants,
Le murmure des pins et la voix des torrents;
Pour vous, peintres fameux qui songez à vos toiles,
Elle a ses clairs matins et ses soirs pleins d’étoiles;
Avec un beau nuage à larges pans drapé,
Elle estompe un sommet par le midifrappé;
Et la cime égayée, et de rayons vêtue,
Pour l'oeil des Phidias se formule en statue.
O nature ! ô tutrice humaine ! appui d'en haut !
O collaborateur sublime ! quand il faut
Guérir le philosophe attardé dans ses doutes,
De pèlerins joyeux lu repeuples les routes,
Pour le mineur lassé tu dores le filon,
Et l'Armérique naît pour contenter Colomb !
L'autre soir, chez M. Delaire, président de la Société libre des Beaux-Arts, c'était fête. Il s'agissait de rendre un dernier honneur à Daguerre, et de tresser une couronne poétique au buste du vigoureux inventeur qui a tant donné1aux artistes d'hier et de demain. Les poëtes n'ont pas ménagé leur idéal à ce hardi traducteur de la réalité. M. Vanderburch a très-netement expliqué l'œuvre, très-sympathiquement loué l'homme. M. Théodore de Banville a salué l'audacieux chercheur dans quelques strophes faites de sonorité et de lumière: un disciple de Linus et de Pindaro saluant un héritier de Salmonée ! Enfin, M. Philoxène Boyer a récité ces vers, assez justement et assez modestement intilulés une Pensée à propos de Daguerre.
Après les vers, il y a eu concert, des fragments d'œuvres magistrales (et, entre autres, un quatuor de M. Delaire conçu et développé dans le style sévère des Haydn, des Sébastien Bach et des Mendelsohn), exécutés par de charmantes virtuoses. N'était-ce pas continuer la soirée dans le même or-dre, ou plutôt dans le même registre d’impressions? La beauté commentant le génie, n'est-ce pas là le daguerréotype effaçable, hélas! de cette vision insaisissable toujours et toujours inquiétante, l'infini!
Ainsi, lorsque Daguerre, épris de sa pensée,
Indifférent aux bruits de la foule insensée,
Calme et grave, incarnait ces rêves qu'il aima,
Le daguerréotype et le diorama;
-Comme l'idée était généreuse, et que l’homme
Des besoins de plusieurs avait prévu la somme,
Qu'il s'agissait d'offrir au plus humble une part
De ce pain consacré que l'on appelle l'art;
-De tendre au malheureux qui n'ira pas chez Ingres
Un dessin ressemblant de ses enfants malingres
Qui seront morts demain; - et de vous faire voir
Au poëte cloué dans quelque bureau noir,
Climats délicieux que le désir admire;
Mer où Smyrne sourit, désert où dort Palmyre;
Comme, après ce travail, l’élève intelligent
Qui ne pouvait, hélas ! faute d'un peu d'argent,
S'épurer aux splendeurs de la forme divine
Dans la villa Borghèse et dans la Farnésine,
Était sûr d'entourer d'un respect éternel
Les sincères portraits des anges de son ciel;
La nature applaudit, maternelle, enchantée,
Et prêta son soleil à l'autre Prométhée.
PHILOXÈNE BOYER
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