1841 | L’ARTISTE 2e Serie Tome VIII 16e Livraison Pag. 244, 245 | DES NOUVEAUX PROCÉDÉS DE LA PHOTOGRAPHIE Les sciences physiques ont fait depuis quelques années, particulièrement dans la carrière de l'application, de si grands progrès, qu'on ne s'étonne plus des inventions nouvelles et des ingénieux perfectionnements ; on les accueille avec une foi sans bornes; on s'habitue à les considérer comme une introduction à cet avenir de la science qui doit transformer la vieille face du monde. - Reportons-nous par la pensée au moment où la remarquable découverte de MM. Daguerre et Niepce mit en émoi la curiosité publique. On se souvient que la presse épuisa les formules de l'admiration pour des résultats si nouveaux et si inattendus. Dans cette première ardeur, on ne songea pas un instant à sarrêter sur ce qu'ils pouvaient avoir d'incomplet; les plus rares merveilles allaient, à coup sûr, se réaliser par ce procédé si simple au premier examen ; les poëtes de la science avaient donné libre carrière à leur enthousiasme; maisquelle que fut la portée de leurs prévisions hardies, on ne pouvait encore apprécier d'un coup d'œil juste le chemin qu'aurait à faire cette découverte, avant de produire les résultats magnifiques auxquels on arrive aujourd'hui. La réalité a remplacé le rêve, mais au prix de bien des recherches, tantôt avortées, tantôt incomplètes, les unes satisfaisantes, sous quelques rapports d'autres enfin qui ont dépassé l'attente des esprits les plus audacieux. Figurez-vous les joies, les mécomptes les dégoûts, les ravissements de ce peuple de chercheurs infatigables qui s'est mis à retourner en tous sens, à répéter mille et mille fois les opérations de M. Daguerre. Cependant cet enthousiasme dont il ne faut pas médire, car il a bien son mérite, avait jeté son dernier feu ; il s'agissait de pratiquer les procédés connus et nouvellement révélés par le mémoire des inventeurs à l'Académie des sciences. Les plus habiles manipulateurs qui avaient, eux aussi, un peu cédé à l’enivrement général se mirent à l'œuvre ; mais bientôt ils éprouvèrent quelque désappointement; en effet, ils comprirent qu'on n'en était qu'aux préliminaires de la découverte, et jugérent que les mille précautions minutieuses prescrites par les inventeurs, que les conditions invariables posées par eux, sous peine d'insuccès, ne pouvaient être prises au sérieux, et n'étaient faites que pour entraver le développement futur de ce curieux procédé. Ces tentatives amenèrent une réaction qui faillit entièrement discréditer parmi les premiers enthousiastes la nouvelle découverte, et décidèrent les chimistes qui voulaient compléter leurs recherches du côté de la photogénie, à secouer le joug du maître ;on ne tarda pas à reconnattre qu'ils avaient eu raison en cela; ainsi à cette ponce si magistralement déclarée l’unique agent du polissage des plaques, succéda d'abord le tripoli, puis l'oxyde de fer, mis particulièrement à l'index par l'inventeur, malgré le poli noir qu'on en obtient. Vint ensuite la belle application, par M. Fizeau, du chlorure d'or, qui donne aux épreuves une fixité et une vigueur de ton si remarquables. A ces perfectionnements essentiels dans la préparation des plaques, s'en joignirent bientôt d'autres, peut-être plus importants encore, en ce qu'ils avaient pour résultat de rendre plus rapide l'impressionnement de la couche sensible. Les premiers pas dans cette direction furent faits par MM. Lerebours et Gaudin, qui, après avoir analysé les conditions optiques de M. Daguerre, les abandonnèrent comme insuffisantes, et se servirent d'objectifs d'un très-court foyer, au moyen desquels ils purent réduire à deux ou trois minutes l'action de la lumière qui en exigeait, avec les anciennes ressources du procédé, quinze ou vingt, sans donner des résultats à beaucoup près aussi beaux et aussi purs. Dès ce moment le portrait, ou plutôt la tentative de reproduire la nature vivante fut possible, on trouva d'intrépides amateurs qui eurent assez de courage pour s'exposer, les yeux ouverts, à la lumière solaire, tout en gardant une indispensable immobilité, pendant la durée de l'insolation de la plaque. - Mais si de temps à autre on obtenait une image assez satisfaisante, dans la plupart des cas, au lieu de portraits, on retrouvait sur le miroir métallique des figures grimaçantes avec les muscles de la face contractés, des yeux sans paupières ou indiqués par une touche incertaine, forcés qu'étaient les patients de les fermer à de fréquents intervalles, pour les soustraire à la douleur que leur causait le soleil. Enfin, un Français, notons-le bien, M. Claudet, cessionnaire en Angleterre d'une partie du brevet qu'y avait pris M. Daguerre, parvint, au moyen du chlorure d'iode, à augmenter prodigieusement la sensibilité de la couche impressionnable. Confident de cette découverte, M. Lerebours s'empressa de la rendre publique par la voie de l'Académie des sciences; et, dès lors, on put sérieusement songer à reproduire, avec son expression du moment, un visage humain. Le travail lui-même, le fini des détails, l'harmonie de l'ensemble, la beauté des tons, ne laissent rien à désirer dans ces nouvelles images. Ce sont en tous points des chefs-d'œuvre d'une inimitable perfection, d'une incroyable variété. Pour que ces portraits aient un aspect d' œuvre d'art, il suffit de choisir une pose harmonieuse, de donner une expression juste à la physionomie, de porter des vêtements de couleurs, qui se pretent le mieux à la reproduction instantanée et se fassent le mieux valoir les unes par les autres; et enfin, de se placer à une certaine distance pour atténuer quelques effets de perspective. - De la même manière on obtient des groupes charmants, des scènes à plusieurs personnages, des vues ou l'on retrouve la vie, le mouvement, la lumière, toutes les beautés de la nature. Partis du même point de départ que M. Claudet, M. Gaudin et Lerebours l'ont aujourd'hui dépassé par un nouveau perfectionnement. Après de nombreuses expériences, ces derniers chimistes étaient parvenus à opérer en trois ou quatre secondes, souvent même en moins de durée, selon l’état de l'atmosphère. Ils obtenaient, à l'ombre, des portraits très-bien venus et reproduisant une expression ; mais depuis quinze jours, M. Gaudin, en se servant de bromure d'iode, qui est encore plus sensible que le chlorure d'iode, a conduit à son dernier perfectionnement l'invention de M. Daguerre. M. Gaudin obtient des épreuves instantanées, c'est-à-dire des groupes de personnages en action, des vues du Pont-Neuf avec les voitures et les piétons en marche ; des portraits d'un délicieux aspect, où l'on ne retrouve plus la roideur, la sécheresse des premiers portraits au daguerréotype. - Nous devons dire cependant que la perfection des images produites par M. Gaudin ne tient pas seulement à l'excellence de son procédé, mais à une rare habileté de main-d'œuvre, à une expérience raisonnée de toutes les ressources, de tous les caprices du procédé photographique dont il se joue et qu'il a maîtrisé à force d'études et d'observations. Toutefois, après les sincères éloges que nous venons de donner a MM. Gaudin et Lerebours, nous ferons une petite réserve qui doit nous amener à parler encore d'un autre procédé scientifique non moins intéressant que la photographie. - Malgré leur beauté d'exécution, un très-petit nombre de portraits au daguerréotype modifié ne sont pas d'une ressemblance rigoureuse. En voici la simple cause : elle n'existe que pour les personnes qui n'ont pas le visage symétrique ou d'ensemble ; les organes de droite diffèrent quelquefois sensiblement par leur forme de ceux de gauche, de sorte que, le miroir renversant, comme on sait, l'image qu'il réfléchit, l'œil n'est point satisfait quand il trouve à gauche, sur un portrait, ce qu'il voit à droite sur l'original. On peut, il est vrai, redresser l'image au moyen d'une glace parallèle ; mais l'emploi de cette glace exigeant un temps plus considérable pour l'insolation, on perd les principaux avantages obtenus par les moyens que nous avons déjà indiqués ; dès lors on a dû renoncer à ce moyen. Cet inconvénient disparaît d'ailleurs, comme on va le voir, entièrement par l'application, faite par M. Lerebours, des procédés électrotypiques de M. Boquillon, à la reproduction des images daguerriennes. Le dépôt de cuivre obtenu par ces procédés, que nous avons décrits dans notre dernière Revue des Sciences appliquées aux Arts, les parcelles de cuivre, disons-nous, moulent si parfaitement l'image, que les plus petits détails sont reproduits avec une exactitude dont on ne peut se rendre compte qu'en voyant l'original et la copie. Ajoutons que l'épreuve tirée a non-seulement l'avantage de représenter la figure redressée, mais encore qu'on y trouve des teintes chaudes et colorées, que ne peuvent en aucun cas donner des plaques daguerriennes. - Il appartenait à M. Lerebours, qui occupe un rang si distingué parmi les adeptes de la science pratique, de réunir dans cette ingénieuse combinaison les procédés de MM. Daguerre et Jacobi, et de prendre une large part aux nouveaux perfectionnements que nous venons de constater. |
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terça-feira, 23 de março de 2010
L’ARTISTE - DES NOUVEAUX PROCÉDÉS DE LA PHOTOGRAPHIE
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