1839 18 de Março | COMPTES RENDUS DES SÉANCES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES T. VIII Nº. 11 Pags. 409,410, 411, 412, 413 | CORRESPONDANCE M. BIOT communique la lettre suivante qu'il a reçue hier de M. Talbot. «Londres, le 15 mars 1839. » Monsieur, » Je viens de recevoir le Compte rendu du 18 février. En y lisant les expériences auxquelles vous vous livrez en ce moment avec M. Becquerel, sur la radiation électrique et chimique, je conçois la nécessité d'augmenter autant que possible la sensibilité des moyens d'observation et de les varier de plusieurs manières. Je vais donc vous décrire un nouveau papier sensitif que j'ai imaginé, et qui me paraît offrir quelques avantages. » Nouvelle préparation d'un papier sensitif. - Prenez du bon papier à écrire, étendez dessus une solution de nitrate d'argent, puis une solution de bromure de potassium, ensuite encore du nitrate d'argent, en séchant au feu entre chaque opération. » Ce papier est d'une couleur jaunâtre pâle; il est très sensible à la lumière des nuages, mais insensible à la chaleur artificielle; et l'on peut, sans l'endommager, le mettre tout près du feu. La lumière le rend d'abord d'un vert bleuâtre, puis d'un vert d'olive, ensuite presque noir. » Si l'on peut fixer les dessins ainsi obtenus, de la même manière qu'avec le chlorure d'argent, c'est ce que je n'ai pas encore déterminé; mais je le crois, puisqu'il y a la plus grande analogie entre le chlorure, l'iodure et le bromure d'argent. Chacun des trois devient insensible à la lumière, de très sensible qu'il était, si l'on diminue au-delà d'un certain point la proportion du métal; et avec chacun des trois, ce changement d'état est brusque. J'ai fait là-dessus avec le chlorure un grand nombre d'observations. » Quant au degré de sensibilité de ce papier, je ne puis le donner que d’une manière vague, faute d’une unité fixe de comparaison. Voici quelques expériences que j’en ai faites pendant le mauvais temps que nous avons eu ces jours derniers. » A quatre heures de l’après-midi, temps couvert et sombre à Londres; pour dessiner l’image d’une fenêtre avec la camera obscura, il a fallu 7 minutes. Même soir, à cinq heures, avec un échantillon de papier d’une meilleure qualité, il a fallu 6 minutes. On aurait obtenu, en temps égal, les contours d’un objet quelconque qui se dessinait contre le ciel. « Quelques minutes après le coucher du soleil, temps sombre, très nuageux: exposé à la lumière tout près d’une fenêtre, il a fallu 20 à 30 secondes pour avoir une décoloration bien sensible. » Après cette lecture, M. Biot ajoute les détails suivants : « Indépendamment des usages optiques auxquels M. Talbot applique sa noUvelle préparation, elle aura des avantages particuliers pour la physique par la succession de couleurs qu’elle parcourt; car ces diverses phases de son impressionnabilité offriront autant de caractères des portions de la radiation atmosphérique ou terrestre qui sont aptes à produire chacune d’elles. C’est ainsi que je viens d’employer, pour ce même but, les changements de teinte que les radiations de diverse nature produisent sur la résine de gaïac, étendue en couches suffisamment épaisses; changements qui la font successivement passer du jaune, au vert et au bleu, puis revenir encore au jaune, et repasser au vert par des alternatives dépendantes de l’espèce de radiation qu’on fait agir sur elle, et dont ces alternatives mêmes deviennent un caractère spécial. On arrive ainsi, par une autre voie, a des résultats tout-à-fait conformes à ceux que Wollaston avait découverts par le spectre solaire, sauf, peut-être, quelque légère différence d’interprétation. Mais les expériences que j’ai faites sur ce sujet curieux ne sont pas encore terminées. » Une antre particularité digne de remarque dans la nouvelle préparation de M. Talbot, c’est la grande impressionnabilité qu’on y découvre dans un produit séché au feu, conséquemment privé d’eau libre, ce qui avait deja lieu, quoique non pas aussi nettement, dans les papiers impressionnables de M. Daguerre et de M. Talbot. On retrouve donc ici un phénomène connu en chimie, mais rare, et remarqué avec raison pour ses caractères moléculaires, lequel consiste dans des changements de relation, et peut-être de combinaison, entre des particules d’un système déjà solidifié. M. Pelouze en a donné lui-même un curieux exemple, dans les variations de teinte que la radiation atmosphérique fait éprouver au nouveau cyanure de fer qu’il a découvert. » J’ai reproduit le nouveau papier sensible de M. Talbot, et je lui aitrouvé la grande impressionnabilité qu’il lui attribue. Pour savoir si la constitution du papier ou ses éléments matériels contribuaient essentiellement au phénomène, j’ai effectué les mêmes opérations dans l’obscurité, en appliquant les couches successives sur une plaque blanche de porcelaine non couverte d’émail, et les faisant sécher a mesure sur des cendres chaudes. Le produit définitif des dessiccations a été un enduit solide et sec, de couleur de soufre, que j’ai conservé encore quelques heures dans une armoire fermée. Quand je l’en sortis pour l’exposer à la radiation, ce matin vers 10 heures, il paraissait d’un beau jaune-serin; mais j’eus à peine le temps de le présenter à la radiation qu’il était verdi, même dans ses parties les plus solides et protubérantes. Il passa ensuite rapidement par toutes les phases qu’indique M. Talbot. « Voulant essayer si la dessiccation au feu était indispensable pour produire ces phénomènes, je me plaçai dans une chambre obscure eclairée par une seule bougie, et je fis tomber une ou deux gouttes de nitrate dargent dans une solution aqueuse de bromure de potassium. Il se forma immédiatement un précipité solide qui était sans doute du bromure d’argent; iI me parut blanc à la lumière qui m’éclairait. Je séparai l’excés de bromure par décantation, et je jetai le précipité sur une plaque de porce-laine où je le laissai sécher naturellement. Il en résulta une poudre qui me parut blanche; mais en ayant enlevé quelques parcelles sur un papier et sur une petite bande de corne, je n’eus pas plus tôt ouvert la porte de la chambre pour l’exposer à la radiation, qu’elle m’a paru d’un jaune-serin, et j’eus à peine le temps de saisir les phases de son passage au vert jaunâtre, puis au vert d’olive presque noir (1) ([i]). » Je pensai alors que la dissolution des deux sels dans l’eau n´etait peut-être pas indispensable, pour donner au produit résultant de leur reaction mutuelle, cette grande impressionnabilité. J’ai donc trituré successivement à sec, dans un mortier d’agate, un peu de nitrate d’argent et de bromure de potassium en cristaux isolés, en me tenant toujours dans la chambre obscure. Chacune des deux poudres, observée isolément, me parut blanche, et leur mélange me parut aussi tel. Mais en ayant mis une petite quantité sur un papier, et à l’extremité d’une petite lame de corne, je ne fus pas plus tôt sorti de la chambre que ces petites parcelles me parurent de couleur jaune-serin; et la radiation atmosphérique les fit presque instantanément passer par toutes les phases qu’avaient présenté, sur le papier et la porcelaine, le produit résultant de l’application successive des deux sels à l’état de Solution (2) ([ii]). « N’y aurait-il pas d’autres combinaisons en plus grand nombre qu’on ne le pense, qui, formées dans l’obscurité, auraient des couileurs propres différentes de celles qu’on leur attribue généralement pour ne les avoir formées ou étudiées qu’après qu’elles ont subi l’impression de la radiation atmosphérique? C’est un soupçon que je soumets aux chimistes. « |
([i]) (1) Le reste du précipité qui s’était séché spontanément sur la plaque de porcelaine dans l’obscurité, avait, le lendemain, une impressionabilité peut-être plus vive encore. On y reconnaissait des cristaux de bromure isolés et en excès, sur les bords des petites protubérances qui s’étaient formées.
([ii]) (2) J’ai répété cette expérience avec du nitrate d’argent fondu, et du bromure de potassium cristallisé, qui venait d’être fortement chauffé dans une capsulé de porcelaine après avoir été pulvérisé. Le mélange rapidement préparé, dans l’obscurité, a encore produit une poudre très vivement impressionnable par la radiation atmosphérique, malgré l’exclusion de toute eau libre. Mais la superficie des tas était surtout attaquée et passait immédiatement au noir, tandis que l’intérieur se maintenait encore à l’état jaune, comme on le constatait eu les ouvrant.
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