Juillet - Décembre
T.CXIII, Nº. 3
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OPTIQUE. - L’absorption et la photographie des couleurs. Note de M. Labatut, présentée par M. Lippmann.
« Dans ces dernières années, on a cherché à déterminer l’impression des plaques photographiques pour les radiations visibles, en colorant ces plaques. On s’attendait à les voir présenter des maxima d’impression pour les bandes d’absorption des dissolutions employées. Cette théorie n’a pas toujours été exactement vérifiée; ces maxima d’impression sont, en gé-néral, plus avancés vers le rouge que les bandes d’absorption des dissolutions (1) ([i]). Mais l’absorption par une pellicule teinte peut ne pas être la même que celle de la dissolution qui a servi à la teindre. L’absorption de pellicules transparentes colorées est un fait abordable à l’expérience, et, si l’on emploie ces mêmes pellicules pour recevoir l’impression photographique, on pourra comparer les deux phénomènes.
» Prenons d’abord une pellicule transparente (2) ([ii]) non colorée; soumettons cette plaque à l’impression du spectre, par la méthode découverte par M. Lippmann: nous observerons que l’impression est très lente à se produire. Dans cette expérience, on n’emploie pas d’écran coloré.
» Cette lenteur est détruite qnand l’on teinte ces mêmes plaques au moyen de matières colorantes à bandes d’absorption très nettes. Après développement et séchage, la plaque présente des bandes colorées.
« L’impression photographique se produit pour les radiations absorbées, car, si l’on interpose sur le trajet de la lumière une pellicule de même nature que celle de la plaque sensible, colorée avec la même substance, mais plus fortement, l’impression photographique ne se produit pas.
» De cette concordance exacte entre l’absorption et l’impression photographique, il résulte que, dans l’expérience de M. Lippmann, si l’on se propose d’impressionner pour une radiation donnée, il suffit de choisir une plaque sensible colorée , absorbant cette radiation, et que l’on peut supprimer tout écran coloré antérieur à la plaque.
« Par exemple, une pellicule teinte avec du vert Victoria absorbe le rouge orangé; sans écran coloré antérieur, une plaque sensible, teintée de ce vert, s’impressionne pour le rouge orangé seul, et l’on voit cette couleur sur la face externe de la pellicule. Ou encore: une pellicule colorée avec de la cyanine absorbe le jaune orangé et le vert; par elle-même, la plaque colorée à la cyanine s’impressionne pour ces radiations que l’on voit sur la face externe de la pellicule.
» Remarquons ce fait, que l’on voit les radiations absorbées sur la face de la pellicule qui a été, pendant la pose, en contact avec le miroir de mercure.
» Retournons maintenant la plaque et regardons par réflexion sur la face verre. On voit encore des couleurs, tout aussi brillantes que celles de l’autre face, mais tout à fait différentes. Elles semblent même, en un point quelconque être complémentaires de celles qu’on voit en ce point sur l’autre face. Il y a donc dissymétrie dans la disposition des surfaces réfléchissantes quand on regarde sur l’une ou l’autre face.
« Comment interpréter cette double coloration, dans la théorie élémentaire des anneaux colorés? Prenons d’abord les colorations vues sur la face externe et, pour préciser, supposons que la plaque ait été teintée au vert Victoria qui absorbe le rouge.
« Pendant la pose, cette face externe, en contact avec le miroir de mercure, est un noeud de vibration; le premier ventre s’en trouve distant de λ/ 4 du rouge, le deuxième de 3λ/4, le troisiéme de 5λ/4, etc. Admettons, pour un instant, que les plans de réduction photographique soient situés aux ventres de vibration (1) ([iii]); les lames minces comprises entre ces plans de réduction et la surface ont des épaisseurs croissantes, égales aux multiples impairs successifs de λ/4 du rouge; cette couleur sera donc produite quand la plaque sera éclairée avec de la lumière blanche.
» Cette théorie admet que la lumiére réfléchie sur la surface même de la pellicule interfére avec la lumière issue de chacun des plans de réduction, et de fait la surface de la pellicule présente un bon plan de réflexion. Si les plans de réduction se formaient aux noeuds de vibration, on aurait des lames minces dont les épaisseurs seraient des multiples pairs de λ/4 du rouge, et cette couleur manquerait dansla lumière réfléchie; la bande paraitrait verte, ce qui est contraire à l’expérience.
» Considérons maintenant les colorations par réflexion sur la face verre; elles sont plus délicates a interpréter. Comme on l’a dit, elles présentent l’apparence des couleurs complémentaires des précédentes.
» Par exemple, la plaque colorée au vert Victoria donne du rouge sur la face pellicule et du vert sur l’autre face; la cyanine, qui donne du jaune orangé et du vert sur la face pellicule, présente du bleu vert et du rouge violacé sur la face opposée.
« Ce caractère spécial s’expliquerait simplement, si l’on admettait que, pendant l’impression, la surface pellicule-verre correspond toujours à un ventre de vibration, ce qui reviendrait à assimiler cette pellicule à un tuyau sonore fermé. Il est encore possible que l’indice de la pellicule qui est constituée par un mélange de gélatine et d’albumine soit très sensiblement celui du verre, auquel cas la surface pellicule-verre n’interviendrait pas, et la lumière aborderait directement les plans de vibration. Cette dernière hypothèse est à vérifier (1) ([iv]).
« La concordance entre l’absorption et la réduction photographique a encore amené à conclure que l’emploi du spectroscope n’est pas nécessaire pour obtenir des plaques à couleurs de lames minces.
» Si l’on fait tomber un faisceau de lumière blanche sur une plaque colorée, en contact avec le miroir de mercure, il y a interférence; les radiations absorbées impressionnent seules la matière sensible, les autres sont transmises à l’aller et au retour; elles sont sans effet. Le résultat de l’impression est une coloration qui est la synthèse de celles qu’on eût obtenues par l’emploi du spectroscope. L’expérience a été faite avec le vert Victoria: on voit, sur la face externe, le rouge absorbé. La, cyanine donne sur cette face une coloration vert jaune.
« Sur la face verre de ces plaques, on voit, comme précédemment, des couleurs qui apparaissent comme complémentaires de celles de l’autre face, en sorte que, par réflexion sur la face verre, tout se passe comme si la lumière blanche avait fixé la couleur de la pellicule. Le vert Victoria donne, sur cette face, du vert; la cyanine produit sa couleur bleu violacé. «
([i]) (1) Ch. Fabre, Traité encyclopédique de Photographie, t. Il, p. 328.
([ii]) (2) Ces expériences ont été faites au laboratoire de Physique de la Faculté de Grenoble.
([iii]) Voir une récente discussion qui a eu lieu à l’Académie des Sciences, au sujet des expériences de M. Wiener.
([iv]) (1) L’indice de la pellicule est égal à 1,5.
OPTIQUE. - L’absorption et la photographie des couleurs. Note de M. Labatut, présentée par M. Lippmann.
« Dans ces dernières années, on a cherché à déterminer l’impression des plaques photographiques pour les radiations visibles, en colorant ces plaques. On s’attendait à les voir présenter des maxima d’impression pour les bandes d’absorption des dissolutions employées. Cette théorie n’a pas toujours été exactement vérifiée; ces maxima d’impression sont, en gé-néral, plus avancés vers le rouge que les bandes d’absorption des dissolutions (1) ([i]). Mais l’absorption par une pellicule teinte peut ne pas être la même que celle de la dissolution qui a servi à la teindre. L’absorption de pellicules transparentes colorées est un fait abordable à l’expérience, et, si l’on emploie ces mêmes pellicules pour recevoir l’impression photographique, on pourra comparer les deux phénomènes.
» Prenons d’abord une pellicule transparente (2) ([ii]) non colorée; soumettons cette plaque à l’impression du spectre, par la méthode découverte par M. Lippmann: nous observerons que l’impression est très lente à se produire. Dans cette expérience, on n’emploie pas d’écran coloré.
» Cette lenteur est détruite qnand l’on teinte ces mêmes plaques au moyen de matières colorantes à bandes d’absorption très nettes. Après développement et séchage, la plaque présente des bandes colorées.
« L’impression photographique se produit pour les radiations absorbées, car, si l’on interpose sur le trajet de la lumière une pellicule de même nature que celle de la plaque sensible, colorée avec la même substance, mais plus fortement, l’impression photographique ne se produit pas.
» De cette concordance exacte entre l’absorption et l’impression photographique, il résulte que, dans l’expérience de M. Lippmann, si l’on se propose d’impressionner pour une radiation donnée, il suffit de choisir une plaque sensible colorée , absorbant cette radiation, et que l’on peut supprimer tout écran coloré antérieur à la plaque.
« Par exemple, une pellicule teinte avec du vert Victoria absorbe le rouge orangé; sans écran coloré antérieur, une plaque sensible, teintée de ce vert, s’impressionne pour le rouge orangé seul, et l’on voit cette couleur sur la face externe de la pellicule. Ou encore: une pellicule colorée avec de la cyanine absorbe le jaune orangé et le vert; par elle-même, la plaque colorée à la cyanine s’impressionne pour ces radiations que l’on voit sur la face externe de la pellicule.
» Remarquons ce fait, que l’on voit les radiations absorbées sur la face de la pellicule qui a été, pendant la pose, en contact avec le miroir de mercure.
» Retournons maintenant la plaque et regardons par réflexion sur la face verre. On voit encore des couleurs, tout aussi brillantes que celles de l’autre face, mais tout à fait différentes. Elles semblent même, en un point quelconque être complémentaires de celles qu’on voit en ce point sur l’autre face. Il y a donc dissymétrie dans la disposition des surfaces réfléchissantes quand on regarde sur l’une ou l’autre face.
« Comment interpréter cette double coloration, dans la théorie élémentaire des anneaux colorés? Prenons d’abord les colorations vues sur la face externe et, pour préciser, supposons que la plaque ait été teintée au vert Victoria qui absorbe le rouge.
« Pendant la pose, cette face externe, en contact avec le miroir de mercure, est un noeud de vibration; le premier ventre s’en trouve distant de λ/ 4 du rouge, le deuxième de 3λ/4, le troisiéme de 5λ/4, etc. Admettons, pour un instant, que les plans de réduction photographique soient situés aux ventres de vibration (1) ([iii]); les lames minces comprises entre ces plans de réduction et la surface ont des épaisseurs croissantes, égales aux multiples impairs successifs de λ/4 du rouge; cette couleur sera donc produite quand la plaque sera éclairée avec de la lumière blanche.
» Cette théorie admet que la lumiére réfléchie sur la surface même de la pellicule interfére avec la lumière issue de chacun des plans de réduction, et de fait la surface de la pellicule présente un bon plan de réflexion. Si les plans de réduction se formaient aux noeuds de vibration, on aurait des lames minces dont les épaisseurs seraient des multiples pairs de λ/4 du rouge, et cette couleur manquerait dansla lumière réfléchie; la bande paraitrait verte, ce qui est contraire à l’expérience.
» Considérons maintenant les colorations par réflexion sur la face verre; elles sont plus délicates a interpréter. Comme on l’a dit, elles présentent l’apparence des couleurs complémentaires des précédentes.
» Par exemple, la plaque colorée au vert Victoria donne du rouge sur la face pellicule et du vert sur l’autre face; la cyanine, qui donne du jaune orangé et du vert sur la face pellicule, présente du bleu vert et du rouge violacé sur la face opposée.
« Ce caractère spécial s’expliquerait simplement, si l’on admettait que, pendant l’impression, la surface pellicule-verre correspond toujours à un ventre de vibration, ce qui reviendrait à assimiler cette pellicule à un tuyau sonore fermé. Il est encore possible que l’indice de la pellicule qui est constituée par un mélange de gélatine et d’albumine soit très sensiblement celui du verre, auquel cas la surface pellicule-verre n’interviendrait pas, et la lumière aborderait directement les plans de vibration. Cette dernière hypothèse est à vérifier (1) ([iv]).
« La concordance entre l’absorption et la réduction photographique a encore amené à conclure que l’emploi du spectroscope n’est pas nécessaire pour obtenir des plaques à couleurs de lames minces.
» Si l’on fait tomber un faisceau de lumière blanche sur une plaque colorée, en contact avec le miroir de mercure, il y a interférence; les radiations absorbées impressionnent seules la matière sensible, les autres sont transmises à l’aller et au retour; elles sont sans effet. Le résultat de l’impression est une coloration qui est la synthèse de celles qu’on eût obtenues par l’emploi du spectroscope. L’expérience a été faite avec le vert Victoria: on voit, sur la face externe, le rouge absorbé. La, cyanine donne sur cette face une coloration vert jaune.
« Sur la face verre de ces plaques, on voit, comme précédemment, des couleurs qui apparaissent comme complémentaires de celles de l’autre face, en sorte que, par réflexion sur la face verre, tout se passe comme si la lumière blanche avait fixé la couleur de la pellicule. Le vert Victoria donne, sur cette face, du vert; la cyanine produit sa couleur bleu violacé. «
([i]) (1) Ch. Fabre, Traité encyclopédique de Photographie, t. Il, p. 328.
([ii]) (2) Ces expériences ont été faites au laboratoire de Physique de la Faculté de Grenoble.
([iii]) Voir une récente discussion qui a eu lieu à l’Académie des Sciences, au sujet des expériences de M. Wiener.
([iv]) (1) L’indice de la pellicule est égal à 1,5.
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