Comptes Rendus des Séances de L'Académie des Sciences
Janvier-Juin
T. CXXII
Nº. 23
Pag. 1363, 1364, 1365
Janvier-Juin
T. CXXII
Nº. 23
Pag. 1363, 1364, 1365
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PHYSIQUE APPILIQUÉE. - Photographie par les rayons de Röntgen d'une balle de 7mm dans le cerveau. Note de MM. E. Brissaud et Londe, présentée par M. Marey.
« La présente Note a pour but de signaler la possibilité d'appliquer les rayons de Röntgen au diagnostic des corps étrangers intracraniens et, en particulier, des projectiles d'armes à feu.
« Le août dernier, M. X... reçut un coup de revolver (calibre 7mm) à bout portant, dans la région moyenne de la bosse frontale gauche. Il affirme n'avoir pas perdu complétement connaissance, mais il lui était impossible de parler ni de faire aucun rnouvernent. Quelques heures plus tard, il répondait par monosyllabes aux questions qu'on lui posait; il avait les yeux fermés, il reconnaissait à leur voix tous ceux qui lui adressaient la parole; il s'efforçait même de leur répondre en anglais, l'idée de répondre en francais ne lui venant pas a l'esprit. Il avait jusqu'alors employé indiffé- remment l'une ou l'autre langue. Lorsqu'il voulut recommencer à parler francais, il n'y put parvenir, et cela dura environ trente-six heures.
» Le Dr Reverdin (de Genève) le vit dix-huit heures après l'accident, et constata une hémiplégie gauche complète, avec une perte de la sensibilité étendue de l'extrémité des doigts au pli du coude. Au-dessus du coude, les réflexes cutanés étaient conservés et toutes les excitations étaient perçues. Aucune tentative ne fut faite pour la recherche de la balle. Le blessé eut pendant neuf jours une fièvre régulièrement décroissante, fiévre n'ayant jamais atteint 39º, sinon le premier jour. Pendant quinze jours, il perdit ses matières et ses urines; puis il recouvra la tonicité des sphincters, sortit de sa torpeur, se remit à manger avec appétit sans avoir éprouvé un seul instant le plus léger trouble de la déglutition, enfin il se leva et apprit a marcher à la faqon des hémiplégiques. La plaie ne fut le siège d'aucune complication, ne donna pas issue à la moindre esquille et fut complètement cicatrisée en moins d'un mois.
» A part la somnolence des premières heures et l'amnésie verbale transitoire exclusivement limitée aux mots francais, l'état psychique ne subit aucune modification. Des accès de fou rire qu'il ne faut pas attribuer à un trouble mental seraient la seule anomalie intellectuelle à signaler si l'on ne savait que ces accès résultent simplement d'une irritation cicatricielle des corps opto-striés au voisinage du genou de la capsule interne.
« Aujourd'hui tout se borne à une hémiplégie gauche spasmodique des deux membres et de la face, sans participation des nerfs facial supérieur, moteur oculaire commun, masticateur. La contracture est de moyenne intensité, malgré l'exagération des réflexes et le clonus du pied; jamais le spasme ne s'est traduit par des convulsions jaksonniennes.
» La pénétration de la balle dans la région frontale gauche n'implique pas que l'hémiplégie actuelle soit le fait d'une lésion de l'hémisphère gauche. La direction de l'arme, d'ailleurs, rend très bien compte du trajet du projectile.
» La balle a perforé le lobe frontal obliquement de gauche à droite, puis, passant en avant du corps calleux et dans le plan même de celui-ci, a traversé l'hémisphère droit d'avant en arrière et de dedans en dehors. Dans ce parcours elle a sectionné 1es fibres de la couronne rayonnante de Reil au-dessus du ventricule latéral (ces fibres sont précisément celles qui forment le faisceau moteur intra-hémisphérique). En arrière, le projectile a respecté les fibres du faisceau sensitif, et l'on comprend ainsi que l'hémiplégie purement motrice ne se soit jamais compliquée d'hémianopie. L'absence de troubles de la déglutition implique que les fibres capsulaires ont été épargnées entre le corps strié et la couche optique. Le rire spasmodique s'explique par une lésion de la partie antérieure du corps strié.
L'aphasie française des premières heures doit être attribuée au traumatisme du lobe frontal gauche. Bref, le trajet de la balle était nettement déterminé par les symptômes. Il n'en était pas moins intéressant de confirmer le diagnostic rationnel par la preuve matérielle d'une biopsie sans exérèse, et c'est cette preuve que viennent de nous fournir les rayons de Röntgen. Les images ont été prises par M. Londe dans le laboratoire de la société l'Optique.
« Si l'image n'a pas toute la netteté désirable, c'est parce que le malade a été pris d'un léger clonus spontané de la tête, dû à la contraction prolongée de ses muscles cervicaux. Mais on distingue parfaitement la silhouette du crâne, la bosse frontale, le sinus frontal, les sinus maxillaires, le rocher, l'os malaire, l'apophyse zygomatique, la cavité orbitaire, etc.
» Le projectile est situé dans la région postérieure, à la hauteur de la deuxième circonvolution temporale, probablement au-dessus de la tente du cervelet. Cette localisation est précisément celle à laquelle aboutit le trajet prévu du projectile, si l'on détermine ledit trajet par la série des points où ont été successivement sectionnées les fibres nerveuses.
» Pour que la localisation eût une rigueur absolue, il faudrait, outre la Photographie dans le plan sagittal, une Photographie dans le plan frontal. Le malade, déjà fatigué par une pose de sept quarts d'heure, n'a pu être soumis à cette seconde épreuve.
» Pour le cas particulier dont il s'agit, l'intérêt de l'expérience consiste non seulement dans la détermination du siège actuel du projectile, mais dans la conséquence pratique de cette détermination. La balle étant située dans la région temporale, ce n'est pas à sa présence qu'est due l'hémiplégie persistante. L'hémiplégie résulte de l'interruption des fibres nerveuses que le projectile a rencontrées sur son passage; eIle n'est pas d'origine corticalle, mais d'origine capsulaire. Une intervention chirurgicale ne changerait donc rien à la situation. »
PHYSIQUE APPILIQUÉE. - Photographie par les rayons de Röntgen d'une balle de 7mm dans le cerveau. Note de MM. E. Brissaud et Londe, présentée par M. Marey.
« La présente Note a pour but de signaler la possibilité d'appliquer les rayons de Röntgen au diagnostic des corps étrangers intracraniens et, en particulier, des projectiles d'armes à feu.
« Le août dernier, M. X... reçut un coup de revolver (calibre 7mm) à bout portant, dans la région moyenne de la bosse frontale gauche. Il affirme n'avoir pas perdu complétement connaissance, mais il lui était impossible de parler ni de faire aucun rnouvernent. Quelques heures plus tard, il répondait par monosyllabes aux questions qu'on lui posait; il avait les yeux fermés, il reconnaissait à leur voix tous ceux qui lui adressaient la parole; il s'efforçait même de leur répondre en anglais, l'idée de répondre en francais ne lui venant pas a l'esprit. Il avait jusqu'alors employé indiffé- remment l'une ou l'autre langue. Lorsqu'il voulut recommencer à parler francais, il n'y put parvenir, et cela dura environ trente-six heures.
» Le Dr Reverdin (de Genève) le vit dix-huit heures après l'accident, et constata une hémiplégie gauche complète, avec une perte de la sensibilité étendue de l'extrémité des doigts au pli du coude. Au-dessus du coude, les réflexes cutanés étaient conservés et toutes les excitations étaient perçues. Aucune tentative ne fut faite pour la recherche de la balle. Le blessé eut pendant neuf jours une fièvre régulièrement décroissante, fiévre n'ayant jamais atteint 39º, sinon le premier jour. Pendant quinze jours, il perdit ses matières et ses urines; puis il recouvra la tonicité des sphincters, sortit de sa torpeur, se remit à manger avec appétit sans avoir éprouvé un seul instant le plus léger trouble de la déglutition, enfin il se leva et apprit a marcher à la faqon des hémiplégiques. La plaie ne fut le siège d'aucune complication, ne donna pas issue à la moindre esquille et fut complètement cicatrisée en moins d'un mois.
» A part la somnolence des premières heures et l'amnésie verbale transitoire exclusivement limitée aux mots francais, l'état psychique ne subit aucune modification. Des accès de fou rire qu'il ne faut pas attribuer à un trouble mental seraient la seule anomalie intellectuelle à signaler si l'on ne savait que ces accès résultent simplement d'une irritation cicatricielle des corps opto-striés au voisinage du genou de la capsule interne.
« Aujourd'hui tout se borne à une hémiplégie gauche spasmodique des deux membres et de la face, sans participation des nerfs facial supérieur, moteur oculaire commun, masticateur. La contracture est de moyenne intensité, malgré l'exagération des réflexes et le clonus du pied; jamais le spasme ne s'est traduit par des convulsions jaksonniennes.
» La pénétration de la balle dans la région frontale gauche n'implique pas que l'hémiplégie actuelle soit le fait d'une lésion de l'hémisphère gauche. La direction de l'arme, d'ailleurs, rend très bien compte du trajet du projectile.
» La balle a perforé le lobe frontal obliquement de gauche à droite, puis, passant en avant du corps calleux et dans le plan même de celui-ci, a traversé l'hémisphère droit d'avant en arrière et de dedans en dehors. Dans ce parcours elle a sectionné 1es fibres de la couronne rayonnante de Reil au-dessus du ventricule latéral (ces fibres sont précisément celles qui forment le faisceau moteur intra-hémisphérique). En arrière, le projectile a respecté les fibres du faisceau sensitif, et l'on comprend ainsi que l'hémiplégie purement motrice ne se soit jamais compliquée d'hémianopie. L'absence de troubles de la déglutition implique que les fibres capsulaires ont été épargnées entre le corps strié et la couche optique. Le rire spasmodique s'explique par une lésion de la partie antérieure du corps strié.
L'aphasie française des premières heures doit être attribuée au traumatisme du lobe frontal gauche. Bref, le trajet de la balle était nettement déterminé par les symptômes. Il n'en était pas moins intéressant de confirmer le diagnostic rationnel par la preuve matérielle d'une biopsie sans exérèse, et c'est cette preuve que viennent de nous fournir les rayons de Röntgen. Les images ont été prises par M. Londe dans le laboratoire de la société l'Optique.
« Si l'image n'a pas toute la netteté désirable, c'est parce que le malade a été pris d'un léger clonus spontané de la tête, dû à la contraction prolongée de ses muscles cervicaux. Mais on distingue parfaitement la silhouette du crâne, la bosse frontale, le sinus frontal, les sinus maxillaires, le rocher, l'os malaire, l'apophyse zygomatique, la cavité orbitaire, etc.
» Le projectile est situé dans la région postérieure, à la hauteur de la deuxième circonvolution temporale, probablement au-dessus de la tente du cervelet. Cette localisation est précisément celle à laquelle aboutit le trajet prévu du projectile, si l'on détermine ledit trajet par la série des points où ont été successivement sectionnées les fibres nerveuses.
» Pour que la localisation eût une rigueur absolue, il faudrait, outre la Photographie dans le plan sagittal, une Photographie dans le plan frontal. Le malade, déjà fatigué par une pose de sept quarts d'heure, n'a pu être soumis à cette seconde épreuve.
» Pour le cas particulier dont il s'agit, l'intérêt de l'expérience consiste non seulement dans la détermination du siège actuel du projectile, mais dans la conséquence pratique de cette détermination. La balle étant située dans la région temporale, ce n'est pas à sa présence qu'est due l'hémiplégie persistante. L'hémiplégie résulte de l'interruption des fibres nerveuses que le projectile a rencontrées sur son passage; eIle n'est pas d'origine corticalle, mais d'origine capsulaire. Une intervention chirurgicale ne changerait donc rien à la situation. »
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