1843 21 de Agosto | Compte Rendu des Séances de L'Académie des Sciences
T. XVII Nº. 8 Pag. 356, 357, 358, 359, 360, 361 | PHOTOGRAPHIE. - Note relative à une communication récente de MM. Belfield-Lefèvre et Foucault concernant la préparation des planches photographiques; par M. Daguerre. (Extrait d’une Lettre à M. Arago.)
« A l’avant-dernière séance de l’Académie, MM. Belfield-Lefèvre et Léon Foucault ont fait une communication dans laquelle ils émettent une théorie qui semblerait détruire ce que j’ai dit relativement à l’influence qu’exerce sur les éprenves photographiques le limon laissé par le coton à la surface des plaques. Quoique jusqu’à présent je n’aie pas jugé à propos de répondre à bien des communications qui, loin d’annoncer des perfectionnements réels, comme ceux apportés pardes savants distingués (par M. Fizeau par exemple), n’ont pu au contraire qu’entraver la marche da procédé, je me crois dans cette circonstance forcé de réfuter la théorie de MM. Belfield-Lefèvre et Foucault. » Ces messieurs disent d’abord : « M. Daguerre a signalé l’existence d’une couche de matière organique à la surface d’une plaque d’argent polie et desséchée par les procédés usuels. « Il a considéré cétte matière organique comme un obstacle important à la formation de l’image, et il a proposé un procédé dont le but, sinon le résultat, était de dépouiller entièrement la surface métallique de toute matière étrangère, pour l’exposer chimiquement pure à la vapeur de l’iode. « J’ai dit qu’il est physiquement impossible de faire l’opération du polissage sans laisser à la surface de la plaque des traces du liquide et des autres substances qui servent à cette opération; que le coton seul, si propre qu’il puisse être, suffit pour laisser un voile de crasse sur l’argent, et que cette crasse, empêchant le contact direct de l’iode et de l’argent, est un obstacle à la formation de l’image. « Ces messiears ajoutent: « Nos expériences tendent à démontrer que cette couche de matière organique, dont l’existence ne saurait faire doute, est loin d’exercer sur la formation de l’image l’influence fâcheuse que lui a attribuée M. Daguerre. « Cette influence paraît, au contraire, être tout à fait favorable, à ce point qu’il y a quelque lieu de douter si l’image daguerrienne pourrait se produire dans toute sa perfection sur une surface métallique chimiquement pure. « Voici une expérience qui prouve, de manière à ne laisser aucun doute, que la couche de crasse laissée par le coton, loin de conduire à la formation de l’image, comme le prétendent ces messieurs, lui est positivement nuisible. « Il faut mettre sur une plaque polie une couche d’eau très-pure que l’on chauffe vivement et que l’on fait ensuite couler, de manière que la partie supérieure de la couche d’eau (l) ([i]), où surnage la crasse, ne touche pas l’argent; il faut, enfin, opérer comme je l’ai indiqué dans ma Lettre du 13 mars dernier, insérée dans le Compte rendu de l’Académie. « Avant d’aller plus loin, je ferai remarquer que, quand même la couche d’eau produirait un effet autre que celui d’enlever la crasse du coton, on admettra toujours que la plaque est bien partout dans les mêmes conditions. « Maintenant, si l’on vient remettre le limon sur une portion seulement de la plaque, soit en frottant simplement avec du coton, soit en pressurant du coton dans de l’alcool rectifié, pour en dissoudre la substance nuisible, et en étendant cet alcool sur la plaque que l’on frottera ensuite à séc comme a l’ordinaire, il arrivera qu’après les opérations de l’iode, etc., s’il a fallu deux secondes pour obtenir une épreuve complète sur la partie décapée de la plaque, il en aura fallu quatre pour que sur l’autre partie l’épreuve soit parvenue au même degré d’intensité de lumiére (1) ([ii]). « Pour constater ce fait, je ne mets pas une épreuue sous les yeux de l’Académie, parce qu’en général une épreuve isolée ne prouve rien.; et quoique tout le monde puisse vérifier l’expérience précédente, si l’Académie conservait le moindre doute àcet égard, je me ferais un devoir de répéter mes essais devant une Commission qu’elle voudrait bien nommer. « Le résultat que donne la couche d’eau est tellement invariable, que si MM. Belfieldd et Foucault s’étaient donné la peine de décaper une plaque avec tout le Soin que je recommande, ils auraient au moins reconnu la supériorité de promptitude de.ce moyen sur les autres, toutes les conditions étant d’ailleurs les mêmes. « Ce qui prouve encore que l’effet que je signale ne peut être attribué qu’au limon enlevé, c’est qu’en laissant dessécher la couche d’eau sur la plaque, celle-ci se trouve couverte de taches, et qu’aux endroits qu’elles occupent l’image est presque entièrement annulée. « Quant à l’emploi d’une plaque chimiquement pure, on devinera facilement, d’après l’expérience ci-dessus, ce que je dois en penser. » Plus loin ces messieurs disent: « Cette donnée admise, on comprend que l’opération principale du procédé de M. Daguerre, la préparation de la surface de l’argent, change entièrement de caractére, cette opération n’ayant plus pour but de dépouiller cette surface de tous corps étrangers, puisque j’ai dit qu’il est impossible d’employer pour le polissage un liquide ou une substance quelconque sans en laisser des traces sur l’argent ; c’est pourquoi, en recommandant l’usage de l’acide nitrique j’ai eu soin de dire que sa présence sur la plaque aide à l’effet photogénique. « Le vernis peut être remplacé par d’autres substances plus favorables, et ces substances sont nombreuses. Il suffit, pour qu’on puisse les employer, qu’elles se laissent pénétrer par l’iode et qu’elles n’empêchent pas son contact avec I’argent. « Le moyen présenté par MM. Belfield et Foucault abrége beaucoup le polissage de la plaque; j’avais moi-même senti le besoin de simplifier cette opération, et j’étais depuis quelques mois à la recherche d’un procédé à peu près semblable àcelui de ces messieurs. Je le donoerai plus loin. « Mais l’emploi seul de l’essence de térébenthine non rectifiée laisse de l’incertitude quant aux résultats, parce que les plaques sur lesquelles on opère sont en général dans trois conditions bien différentes; car on a la plaque neuve, celle qui a reçu une épreuve non fixée au chlorure d’or, et enfin celle qui a subi cette dernière opération. « Tout le monde sait d’ailleurs que M. Möser a le premier reconnu que l’essence de térébenthine, les huiles fixes, les graisses, etc., appliquées sur la plaque avant ou après l’iode, n’empêchent pas la formation des images. » Puis ces messieurs ajoutent que : « Soumise a l’action de la lumière dans la chambre uoire , la couche sensible ainsi préparée se comporte exactement comme la couche d’iode obtenue par les méthodes usuelles. L’image s’y produit de la même manière et dans le même temps. » « Comment se fait-il que cette couche organique, si nécessaire selon MM. Belfield et Foucault, n’accélère nullement l’action de la lumière? « Enfin ces messieurs terminent ainsi : « De l’ensemble de nos expériences nous pensons pouvoir conclure : « 1º que l’image daguerienne se forme dans l’épaisseur d’une couche organique étendue par le polissage à la surface de l’argent, etc., etc. « « Quoique cette couche de vernis soit réellement sensible à la lumière (par elle-même et non pas à cause de son application sur l’argent), cette sensibilité est ici tout à fait inutile, puisque ces messieurs reconnaissent qu’elle n’active en rien la formation de l’image. Le seul service que peut rendre au procédé cette couche de vernis, est de s’emparer de l’iode mis en liberté pendant l’opération de la chambre noire, et de remédier ainsi à l’effet qu’ont signalé dernièrement MM. Choisselat et St. Ratel, effet que je regarde comme positif. « Pour prouver que je connaissais avant MM. Beïfield et Foucault la sensibilité à la lumière des vernis en en général, je demande la permission de rapporter ici ce que j’ai écrit à ce sujet et ce qu’il n’est pas probable que ces messieurs aient ignoré, puisque cela est imprimé dans ma brochure publide en 1839. « La substance que l’on doit employer de préférence est le résidu que l’on obtient par l’évaporation de l’huile essentielle de lavande, appliqué en couche très-mince, par le moyen de sa dissolution dans l’alcool. « Bien que toutes les substances résineuses ou bitumiueuses, sans en excepter une seule, soient douées de la même propriété, c’est-â-dire celle d’être sensibles à la lumière, on doit donner la préférence à celles qui sont le plus onctueuses, parce qu’elles donnent plus de fixité à l’épreuve; plusieurs huiles essentielles perdent ce caractère lorsqu’elles sont exposées à une forte chaleur. « Ce n’est cependant pas à cause de sa prompte décomposition à la lumière que l’on doit préférer le résidu d’huile de lavande; il est des résines, le galipot par exemple, qui, dissoutes dans l’alcool et étendues sur un verre ou sur une plaque de métal, laissent, par l’évaporation de l’alcool, une couche très-blanche et infiniment plus sensible à la radiation qui opère cette décomposition. Mais cette plus grande sensibilité à la lumière, causée par une évaporation moins prolongée, rend les images ainsi obtenues plus faciles à se détériorer; elles se gercent et finissent par disparaître entièrement lorsqu’on les expose plusieurs mois au soleil. Le résidu de l’huile essentielle de lavande présente plus de fixité, sans être cependant inaltérable par l’action du soleil, etc. » « En résumé, dans le procédé qui nous occupe ici, il est probable que l’huile de lavande est aussi préférable à l’essence de térébenthine. « La couche d’essence appliquée sur la plaque n’est pas un obstacle à la formation des images, parce que l’iode, étant soluble dans l’essence, pénètre cette couche et se met ainsi en contact avec l’argent. « Voici le procédé dont je me suis occupé dans le but de simplifier le polissage, tout en neutralisant l’effet de la crasse laissée par le coton, autrement que par la couche d’eau qui a, j’en conviens, l’inconvénienl d’allonger la préparation de la plaque. Quoique ce moyen ne soit pas encore complet, en ce qu’il ne détruit pas entièrement l’influence de la crasse du coton, je le donne cependant dans l’espoir que les efforts des personnes qui s’en occuperont, joints aux miens, ne tarderont pas à lui faire faire ce dernier pas. « Ce procédé consiste à mêler dans un flacon une huile fixe (l’huile d’olive m’a paru préférable) avec de l’acide sulfurique du commerce et en égale quantité (1) ([iii]). « Au moment du mélange il s’opère une action très-violente, et le flacon s’échauffe vivement. Il faut, avant de s’en servir, le laisser refroidir. « Alors on prend, avec du coton, un peu de ce composé, et on l’étend très-promptement sur toute la plaque; puis on frotte avec de la poudre de ponce jusqu’à ce que l’argent ait pris un poli bien noir. Il est important que cette couche d’huile et d’acide sulfurique soit très-mince, quoiqu’elle ne s’oppose pas au contact de l’iode et de l’argent. « On peut encore employer le mélange suivant, auquel je donnerais peut-être la préférence s’il ne fallait, avant de s’en servir, toujours avoir soin d’agiter le flacon. « C’est une partie d’acide nitrique du commerce avec cinq parties d’huile d’olive. Après avoir bien secoué ce composé, on peut l’employer imniédiatement de la même manière que le precédent. « On pourra sans doute faire avec succès des composés à l’aide de substances autres que l’huile d’olive et que l’acide sulfurique ou nitrique. « J’ai remarqué qu’avec ces composés, non-seulement on obtient plus de promptitude qu’avec les essences, mais encore que les parties lumineuses se solarisent moins; ce qui donne lieu d’espérer qu’en persévérant dans cette route, on arrivera bientôt à obtenir des épreuves dans lesquelles la végétation verte pourra être faite sans que le ciel ait pu dépasser son maximum de lumière, car tout le monde sait qu’au delà de ce point les grands clairs deviennent bleus. Je crois que, pour parvenir à ce but, il est indispensable d’employer un acide. « On peut ajouter à ces mélanges une petite quantité diode qu’on fera bien dissoudre préalablement dans l’huile avant d’y ajouter les acides; il fautmettre dans l’huile assez d’iode pour la colorer fortement. » |
([i]) (1) Depuis la publication de ce procédé, j’ai reconnu qu’avant de verser l’eau, il est nécessaire de couvrir la plaque de la vapeur de haleine, parce qu’autrement il se développe de l’élecrticité á l’endroit d’abord touché par l’eau, et cet endroit reste toujours visible malgré les opérations qui suivent.
([ii]) (1) Dans cette saison, où il y a peu d’humidité dans l’air, la différence de promptitude n’est que de moitié ; mais dans le mois de mars j’ai reconnu qu’elle était, comme je l’ai annoncé alors, dans la proportion de 3 à 8.
([iii]) (1) La dose d’acide sulfurique pourrait être augmentée, car la proportion que j’indique ici n’est que pour faciliter l’emploi de cet acide.
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