LE MAGASIN PITTORESQUE
2e. Série
64e Année
T. XIV
Pag, 143, 144
2e. Série
64e Année
T. XIV
Pag, 143, 144
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LA PHOTOGRAPHIE PAR LA FOUDRE
L'étincelle électrique est peu de chose auprès de l'éclair, cette manifestation lumineuse de la foudre, on ne peut donc s'étonner que les fameux rayons X aient eu des prédécesseurs dans l'arme du divin Jupiter.
Dès 1861 M. Poey, alors directeur de l'observatoire de la Havane, relatant dans 1'Annuaire du Cosmos les plus célèbres observations d'images faites par la foudre, notait que quelquesunes de ces images s'étaient produites à travers des corps opaques. La découverte de M. Rœntgen donne une actualité aux observations faites, on peut dire depuis des siècles, au sujet des photographies du terrible météore. Nous avons éliminé à dessein celles qui prêtaient à discussion pour citer seulement les plus démonstratives, celles qui s'appuient sur l'autorité de savants indiscutables ou qui ont été l'objet de communications à des sociétés scientifiques. II n'est pas douteux que la connaissance des résultats obtenus par les rayons X conduira les sceptiques d'hier à un examen plus soigneux de faits qui se sont reproduits trop souvent pour pouvoir sérieusement être niés. Notre premiére observation est due au professeur Orioli de Corfou:
En septembre 1825, la foudre tomba sur un brigantin Il Bon-Servo, à l'ancre dans la baie d'Almiro, à l'entrée de l'Adriatique. Un matelot rapiéçait une chemise, assis sur une caisse, au pied du mât de misaine lorsque la foudre atteignit le mât et tua le matelot.
On ne put voir ni brûlure, ni déchirure sur les habits. Mais après avoir déshábillé le cadavre, on remarqua sur son dos une trace légère et noire qui partait du cou et se terminait aux reins. Là, était imprimé un fer à cheval parfaitement distinct et de la même grandeur que celui cloué sur le mât, suivant l'usage des marins superstitieux de l'Ionie.
Les comptes rendus de l'Académie des sciences relatent des observations dans lesquelles des fleurs, des feuilles et même un arbre tout entier, ont été ainsi imprimés sur le tronc d'individus foudroyés. L'une d'elles, est due à Franklin.
Le docteur Lebigue, maire de Nibelle (Loiret), a relaté dans le Moniteur Universel du 9 septembre 1864, un fait de ce genre.
« Le 4 du mois, vers dix heures et demie du matin, trois ouvriers étaient occupés à cueillir des poires à deux cents métres du village lorsque la foudre tomba sur le poirier. L'un des ouvriers à ce moment auprès de l'arbre fut tué, les deux autres qui étaient sur le poirier furent jetés à terre et restèrent quelque temps sans connaissance. Quand ils revinrent à eux, ils ne purent remuer les jambes et on fut obligé de les transporter à leur domicile. Chose merveilleuse, l'un d'eux avait des branches et des feuilles de poltier très distinctement daguerréotypées sur la poitrine. Louis Figuier a rapporté dans la Presse du 15 septembre 1860, un fait analogue survenu à Lappion (Aisne). La foudre avait photographié sur le dos d'une femme, un arbre avec toutes ses feuilles.
D'autre part, Raspail raconte qu'un enfant étant monté sur un peuplier pour y dénicher un nid d'oiseau, la foudre éclata et jeta l'enfant sur le sol. Le pauvre malheureux portait sur la poitrine le décalque du peuplier sur un rameau duquel on distinguait même fort bien le nid convoité.
En septembre 1857, un paysan de Seine-et-Marne qui gardait une vache, fut foudroyé sous un arbre. Quelques soins empressés lui rendirent l'existence; mais en écartant les vêtements pour le secourir, on aperçut parfaitement gravée sur sa poitrine, l'image de la vache.
Nous avons à dessein marqué par des italiques les deux observations ou la photographie s'est faite à travers des vêtements restés intacts. Il existe un exemple de matiére plus opaque traversée par les rayons de l'électricité atmosphérique.
En 1812, à quatre milles de Bath (Angleterre) se trouvait un bois au milieu duquel reposaient six moutons qui furent tous tués par la foudre. Lorsqu'on voulut les dépouiller on observa sur le côté intérieur de chaque peau ou entre le cuir et la chair de ces moutons un facsimilé d'une portion du paysage d'alentour si fidélement reproduite que l'on pouvait y distinguer jusqu'aux accidents de terrain. Ces peaux furent exposées en public dans laville de Bath.
Ces images photo-électriques ou keraunographiques, suivant l'expression d'un des hommes qui les ont le mieux étudiées, le Dr Boudin, sont pleinement acceptées par le savant DrTourdes dans son article du Dictionnaire encyclopédique. Il regrette seulement que la dissection de la peau et un examen plus complet des caractères physiques et chimiques de ces taches n'aient pas été faits. Cette absence de renseignements laisse un doute sur leur nature.
II semble dans une observation au moins qu'il y aurait eu transport de matiére colorante. La foudre aurait réalisé, dès 1795, le problème de la photographie colorée. Bernhold rapporte en effet que cette année la foudre tomba dans la maison d'un pasteur et que sa femme fut légèrement atteinte; mais chose singuliére, on vit comme imprimée ou peinte sur le bras droit, vers le coude, une fleur rouge semblable aux fleurs rouges de la robe.
Il nous semble, en réalité, que les images produites par la foudre peuvent être divisées en deux groupes. Dans le premier qui comprendrait tous les exemples donnés jusqu'ici, sauf le dernier, il y aurait production d'une véritable photographie. Une expérience bien connue de Groves donne une idée de ce qui peut se produire.
Le célébre physicien découpait avec des ciseaux une feuille de papier de façon à y figurer par des vides le nom de Volta. Puis, plaçant cette feuille entre deux plaques de verre, il faisait passer dans celles-ci l'étincelle d'une bobine de Ruhmkorf. En regardant ensuite le verre on n'y voyait d'abord aucune trace de caractères, mais en l'exposant à des vapeurs fluorhydriques le nom de Volta apparaissait nettement. La peau n'offre-t-elle pas me bien autre sensibilité que le verre?
Dans le second groupe, au contraire, l'opération produite se rapproche plutôt de la typographie. Le cas de Bernhold en est le type. Nous en rapprocherons ceux où l'on a constaté sur la peau l'empreinte d'objets métalliques qui étaient en contact immédiat ou presque immédiat avec elle (médailles, pièces de monnaie).
Le Journal des Savants de 1790 renferme un exemple trés curieux d'un fait analogue: La foudre étant tombée sur l'église de Lagny, 1'éclair imprima en un instant sur la nappe de l'autel, les paroles de la consécration imprimées en noir sur le missel (qui pridie quam pateretur) en omettant les mots imprimés en rouge (hoc est corpus meus et hic est sanguis).
L'enduit emprunté dans ces cas à un corps pulvérisé, qui est quelquefois placé à une distance très éloignée, peut alors être enlevé par le lavage, tandis que celui-ci ne modifie en rien les images photographiques. La coloration peut être due aussi à une extravasation sanguine et présenter l'aspect d'arborisations vasculaires.
Dans certains cas la photographie au lieu de s'opérer sur le corps de l'homme ou des animaux peut, au contraire, être la reproduction de ce corps sur une surface quelconque. Le professeur Henri a rapporté à l'Association américaine, en 1850, après une sérieuse enquête le fait suivant: Une personne ayant été tuée par la foudre au moment où elle était debout prés d'un mur blanchi à la chaux, on vit sur ce mur l'image de la personne dessinée en couleur sombre.
Tous ces exemples sont extrêmêment curieux, l'avenir nous apprendra l'interprétation exacte qu'il convient de leur donner. L'expérience nous prouve chaque jour que le scepticisme scientifique est et doit être tout autre chose qu'un septicisme négatif.
Dr Galtier Boissière.
LA PHOTOGRAPHIE PAR LA FOUDRE
L'étincelle électrique est peu de chose auprès de l'éclair, cette manifestation lumineuse de la foudre, on ne peut donc s'étonner que les fameux rayons X aient eu des prédécesseurs dans l'arme du divin Jupiter.
Dès 1861 M. Poey, alors directeur de l'observatoire de la Havane, relatant dans 1'Annuaire du Cosmos les plus célèbres observations d'images faites par la foudre, notait que quelquesunes de ces images s'étaient produites à travers des corps opaques. La découverte de M. Rœntgen donne une actualité aux observations faites, on peut dire depuis des siècles, au sujet des photographies du terrible météore. Nous avons éliminé à dessein celles qui prêtaient à discussion pour citer seulement les plus démonstratives, celles qui s'appuient sur l'autorité de savants indiscutables ou qui ont été l'objet de communications à des sociétés scientifiques. II n'est pas douteux que la connaissance des résultats obtenus par les rayons X conduira les sceptiques d'hier à un examen plus soigneux de faits qui se sont reproduits trop souvent pour pouvoir sérieusement être niés. Notre premiére observation est due au professeur Orioli de Corfou:
En septembre 1825, la foudre tomba sur un brigantin Il Bon-Servo, à l'ancre dans la baie d'Almiro, à l'entrée de l'Adriatique. Un matelot rapiéçait une chemise, assis sur une caisse, au pied du mât de misaine lorsque la foudre atteignit le mât et tua le matelot.
On ne put voir ni brûlure, ni déchirure sur les habits. Mais après avoir déshábillé le cadavre, on remarqua sur son dos une trace légère et noire qui partait du cou et se terminait aux reins. Là, était imprimé un fer à cheval parfaitement distinct et de la même grandeur que celui cloué sur le mât, suivant l'usage des marins superstitieux de l'Ionie.
Les comptes rendus de l'Académie des sciences relatent des observations dans lesquelles des fleurs, des feuilles et même un arbre tout entier, ont été ainsi imprimés sur le tronc d'individus foudroyés. L'une d'elles, est due à Franklin.
Le docteur Lebigue, maire de Nibelle (Loiret), a relaté dans le Moniteur Universel du 9 septembre 1864, un fait de ce genre.
« Le 4 du mois, vers dix heures et demie du matin, trois ouvriers étaient occupés à cueillir des poires à deux cents métres du village lorsque la foudre tomba sur le poirier. L'un des ouvriers à ce moment auprès de l'arbre fut tué, les deux autres qui étaient sur le poirier furent jetés à terre et restèrent quelque temps sans connaissance. Quand ils revinrent à eux, ils ne purent remuer les jambes et on fut obligé de les transporter à leur domicile. Chose merveilleuse, l'un d'eux avait des branches et des feuilles de poltier très distinctement daguerréotypées sur la poitrine. Louis Figuier a rapporté dans la Presse du 15 septembre 1860, un fait analogue survenu à Lappion (Aisne). La foudre avait photographié sur le dos d'une femme, un arbre avec toutes ses feuilles.
D'autre part, Raspail raconte qu'un enfant étant monté sur un peuplier pour y dénicher un nid d'oiseau, la foudre éclata et jeta l'enfant sur le sol. Le pauvre malheureux portait sur la poitrine le décalque du peuplier sur un rameau duquel on distinguait même fort bien le nid convoité.
En septembre 1857, un paysan de Seine-et-Marne qui gardait une vache, fut foudroyé sous un arbre. Quelques soins empressés lui rendirent l'existence; mais en écartant les vêtements pour le secourir, on aperçut parfaitement gravée sur sa poitrine, l'image de la vache.
Nous avons à dessein marqué par des italiques les deux observations ou la photographie s'est faite à travers des vêtements restés intacts. Il existe un exemple de matiére plus opaque traversée par les rayons de l'électricité atmosphérique.
En 1812, à quatre milles de Bath (Angleterre) se trouvait un bois au milieu duquel reposaient six moutons qui furent tous tués par la foudre. Lorsqu'on voulut les dépouiller on observa sur le côté intérieur de chaque peau ou entre le cuir et la chair de ces moutons un facsimilé d'une portion du paysage d'alentour si fidélement reproduite que l'on pouvait y distinguer jusqu'aux accidents de terrain. Ces peaux furent exposées en public dans laville de Bath.
Ces images photo-électriques ou keraunographiques, suivant l'expression d'un des hommes qui les ont le mieux étudiées, le Dr Boudin, sont pleinement acceptées par le savant DrTourdes dans son article du Dictionnaire encyclopédique. Il regrette seulement que la dissection de la peau et un examen plus complet des caractères physiques et chimiques de ces taches n'aient pas été faits. Cette absence de renseignements laisse un doute sur leur nature.
II semble dans une observation au moins qu'il y aurait eu transport de matiére colorante. La foudre aurait réalisé, dès 1795, le problème de la photographie colorée. Bernhold rapporte en effet que cette année la foudre tomba dans la maison d'un pasteur et que sa femme fut légèrement atteinte; mais chose singuliére, on vit comme imprimée ou peinte sur le bras droit, vers le coude, une fleur rouge semblable aux fleurs rouges de la robe.
Il nous semble, en réalité, que les images produites par la foudre peuvent être divisées en deux groupes. Dans le premier qui comprendrait tous les exemples donnés jusqu'ici, sauf le dernier, il y aurait production d'une véritable photographie. Une expérience bien connue de Groves donne une idée de ce qui peut se produire.
Le célébre physicien découpait avec des ciseaux une feuille de papier de façon à y figurer par des vides le nom de Volta. Puis, plaçant cette feuille entre deux plaques de verre, il faisait passer dans celles-ci l'étincelle d'une bobine de Ruhmkorf. En regardant ensuite le verre on n'y voyait d'abord aucune trace de caractères, mais en l'exposant à des vapeurs fluorhydriques le nom de Volta apparaissait nettement. La peau n'offre-t-elle pas me bien autre sensibilité que le verre?
Dans le second groupe, au contraire, l'opération produite se rapproche plutôt de la typographie. Le cas de Bernhold en est le type. Nous en rapprocherons ceux où l'on a constaté sur la peau l'empreinte d'objets métalliques qui étaient en contact immédiat ou presque immédiat avec elle (médailles, pièces de monnaie).
Le Journal des Savants de 1790 renferme un exemple trés curieux d'un fait analogue: La foudre étant tombée sur l'église de Lagny, 1'éclair imprima en un instant sur la nappe de l'autel, les paroles de la consécration imprimées en noir sur le missel (qui pridie quam pateretur) en omettant les mots imprimés en rouge (hoc est corpus meus et hic est sanguis).
L'enduit emprunté dans ces cas à un corps pulvérisé, qui est quelquefois placé à une distance très éloignée, peut alors être enlevé par le lavage, tandis que celui-ci ne modifie en rien les images photographiques. La coloration peut être due aussi à une extravasation sanguine et présenter l'aspect d'arborisations vasculaires.
Dans certains cas la photographie au lieu de s'opérer sur le corps de l'homme ou des animaux peut, au contraire, être la reproduction de ce corps sur une surface quelconque. Le professeur Henri a rapporté à l'Association américaine, en 1850, après une sérieuse enquête le fait suivant: Une personne ayant été tuée par la foudre au moment où elle était debout prés d'un mur blanchi à la chaux, on vit sur ce mur l'image de la personne dessinée en couleur sombre.
Tous ces exemples sont extrêmêment curieux, l'avenir nous apprendra l'interprétation exacte qu'il convient de leur donner. L'expérience nous prouve chaque jour que le scepticisme scientifique est et doit être tout autre chose qu'un septicisme négatif.
Dr Galtier Boissière.
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